Les ouvrages d’art, un retour aux sources

BEST Ingénieurs-Conseils revient sur le devant de la scène en renforçant son service dédié aux ouvrages d’art. Le potentiel de développement de ce type d’infrastructures est avéré au Luxembourg, pour les constructions neuves comme pour les rénovations. Le bureau d’études a également intégré la conception paramétrique dans ses services et celle-ci offre de nombreux avantages, notamment pour les ouvrages d’art. Eric Hansen, Michel Faltz et Matteo Cont, respectivement associé-gérant et ingénieurs chefs de projet chez BEST Ingénieurs-Conseils, nous en disent plus.

 

BEST renforce son service dédié aux ouvrages d’art. Pourquoi ?

L’intégration réussie d’un ouvrage d’art dans son environnement nécessite des compétences particulières

EH : Au début de son existence, il y a une trentaine d’années, BEST était reconnu pour ses compétences en matière d’ouvrages d’art. Nous avons par exemple conçu plusieurs ouvrages de la collectrice du sud et les ponts de l’échangeur de la route du nord. Avec le temps, la demande en ouvrages d’art a diminué, puis nous nous sommes davantage concentrés sur les études de stabilité de bâtiments d’envergure tels que des centres scolaires et sportifs ou encore des immeubles hospitaliers ou universitaires. Notre service « ouvrages d’art » a logiquement ralenti ses activités même s’il n’a jamais disparu en interne. Ainsi, ces dernières années, nous avons mené à bonne fin les études et le suivi de plusieurs passerelles et d’un ouvrage ferroviaire et réalisé les études d’avant-projet d’ouvrages de plus grande envergure tels qu’un viaduc de 120 m pour le futur contournement de Strassen ou encore une passerelle spectaculaire sur la Moselle à Machtum. Ces ouvrages présentant un fort potentiel au Luxembourg, nous avons décidé de leur réaccorder davantage d’importance. Nous avons récemment renforcé nos compétences en engageant un ingénieur spécialisé et expérimenté, Matteo Cont. Aujourd’hui, notre équipe se compose de quatre ingénieurs et de deux projeteurs.

 

Matteo, pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

MC : J’ai démarré ma carrière en 2006 en Italie. Mon premier bureau d’études était spécialisé aussi bien dans les bâtiments que dans les ouvrages d’art avant de se focaliser sur ce dernier service par la suite. J’ai participé à de nombreux projets, en Italie ou à l’étranger, comme le train à grande vitesse en Turquie et à Florence. J’ai également travaillé au Danemark, dans le cadre de la conception du Copenhague Cityringen, et au Canada. De l’autre côté de l’Atlantique, j’ai pu suivre la construction d’un barrage hydroélectrique avant de m’envoler vers Londres puis de retourner en Italie en 2016 dans mon premier bureau d’études en tant que responsable du département technique. Mon équipe et moi-même avons participé à la création de tunnels, de métros ou de constructions ferroviaires en France, en Suède et en Norvège notamment. J’ai enfin décidé de déménager au Luxembourg en 2020. Après des expériences qui n’étaient pas focalisées sur le domaine des ouvrages d’art, j’ai trouvé une belle opportunité chez BEST Ingénieurs-Conseils qui souhaitait développer son service y dédié.

 

Quelles ont été vos principales motivations ?

MC : Pour commencer, je voulais retrouver mon domaine de prédilection pour offrir mon expérience et ne pas perdre mes connaissances. Les règlements changent, les technologies aussi, donc il était nécessaire, d’un point de vue personnel, de retravailler dans les ouvrages d’art. De plus, j’aime les challenges et ce service qui est en train de se redéployer me plaît. Participer à son développement m’a de suite attiré. Enfin, j’apprécie les phases de conception d’un projet, prendre part à sa construction et le voir grandir jusqu’à sa réalisation.

 

Un mot sur l’état actuel des ouvrages d’art au Luxembourg ?

EH : Beaucoup d’ouvrages d’art se construisent car les besoins en infrastructures sont réels. Prenons le cas des CFL qui investissent énormément dans le réseau ferroviaire. Le développement du tramway sur le territoire présente également de belles opportunités. Par ailleurs, de nombreux autres ouvrages qui ont été construits il y a plusieurs décennies commencent à vieillir et doivent être rénovés. Nous y voyons un réel potentiel et sommes déjà engagés dans de tels projets de réhabilitation d’ouvrages pour les CFL et l’Administration des ponts et chaussées. Un ouvrage d’art n’est jamais pensé de façon individuelle puisqu’il s’accompagne de routes, de pistes cyclables ou encore de renaturations. Notre service prend également en charge la stabilisation des talus afin de se prémunir des problèmes de glissement de terrain que le Luxembourg connaît avec les inondations. En bref, de nombreux domaines connexes sont touchés par la construction d’un ouvrage d’art et ceux-ci sont en mesure d’être traités en interne grâce à la multidisciplinarité de nos 200 collaborateurs. La conception d’un ouvrage ne se limite pas au niveau des calculs. C’est ce qui entoure le projet qui le rend plus complexe. Cette intégration réussie de l’ouvrage dans son environnement nécessite des compétences particulières, d’où l’arrivée de Matteo qui est spécialisé dans ce domaine.

 

BEST a également intégré les calculs paramétriques. Représentent-ils une aide pour la conception d’ouvrages d’art ?

EH : La conception paramétrique des structures jouit d’une popularité croissante en architecture depuis plusieurs années et a apporté plus de flexibilité dans la conception de projets. Avec cette approche,les valeurs géométriques des structures, telles que les rayons de courbure, les entraxes et les portées sont activement contrôlées (paramétrées) à l’aide d’applications numériques afin de les manipuler plus facilement pendant le processus de « formfinding ».

Un ouvrage d’art n’est jamais pensé de façon individuelle puisqu’il s’accompagne de routes, de pistes cyclables ou encore de renaturations

MF : Si nous transposons ce mode de pensée au travail des ingénieurs, l’élargissement de la liste des paramètres aux variables statiques telles que les matériaux, les sections et les charges nous ouvre de nouveaux horizons, aussi dans les ouvrages d’art. Lorsque l’on réalise une passerelle ou un pont par exemple, nous avons, d’une certaine manière, une fonction d’architecte car nous définissons la géométrie de la structure. Cette méthode de conception est un outil performant pour proposer des variantes à nos clients en définissant, ensemble, la forme souhaitée en respectant les contraintes du site et l’aspect esthétique.

MC : Dans certains projets, il arrive que des imprévus surviennent durant la phase de conception. Il se peut aussi que le client change d’avis sur certains aspects. Grâce au logiciel de calcul paramétrique, nous parvenons à effectuer ces changements de données sans devoir reprendre manuellement les modèles de calculs. Cette mise à jour quasi simultanée modifiera logiquement le dessin et la forme géométrique de l’ouvrage d’art en fonction des nouvelles données insérées. Le calcul paramétrique réduit les erreurs et nous offre une grande flexibilité dans la conception d’un projet ainsi que dans la gestion des changements qui font partie des aléas inévitables du secteur de la construction.

 

Les logiciels et l’automatisation peuvent-ils remplacer l’humain ?

MF : Outre les connaissances statiques, il faut surmonter les défis initiaux liés à la programmation et aux interconnections et modes de fonctionnement des différents programmes pour que l’ordinateur puisse effectuer automatiquement des calculs fiables. Malgré tout, il serait fatal de s’y fier aveuglément. Dans le processus de la conception générative, les programmes calculent sur base des données d’entrée et des objectifs déterminés par l’ingénieur. Si ceux-ci sont définis de manière incorrecte ou inadéquate, les solutions calculées seront tout aussi erronées. Il s’agit donc de bien spécifier les objectifs du projet et de contrôler les résultats. La machine n’a en effet pas la sensibilité humaine. Si, dans le cas d’une passerelle en treillis par exemple, le but est de réduire la masse, mais que l’on se retrouve avec une centaine d’assemblages pour relier les éléments, alors ceci aura des répercussions énormes sur les coûts et la mise en œuvre du projet et il ne sera pas pertinent de proposer une telle variante.

EH : L’œil et l’expertise d’un ingénieur sont indispensables. Le logiciel agit comme un complément à notre profession. Il ne remplacera jamais notre travail, mais il le facilite, notamment dans les calculs et dans l’analyse de variantes avant d’entrer dans la conception détaillée.

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