La recherche, un soutien pour les communes

Le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) entend jouer un rôle clé dans l’éclairage des politiques nationales, et surtout communales, pour être au plus proche des problématiques locales et des besoins des citoyens. Aline Muller, CEO du LISER, nous en dit plus.

 

Comment la recherche peut-elle aider à la prise de décisions au niveau communal ?

Historiquement, la recherche a davantage appuyé les décisions aux niveaux national et régional, moins au niveau communal ; à tort, car les communes sont proches des réalités du terrain. Les communes nous apportent une connaissance plus fine et un lien plus étroit avec les acteurs. Les matières étudiées aussi diffèrent des échelles nationales ou européennes. Afin de s’assurer de l’efficience des politiques publiques, la recherche a besoin de ce point de vue local, car nous nous sommes rendus compte que la prise de décision au niveau communal est un élément essentiel de la mise en œuvre des politiques publiques. Malheureusement, les communes ne bénéficient pas suffisamment de cet éclairage. Pourquoi ? Parce que beaucoup d’entre elles sont de petite taille et n’ont pas forcément les moyens ou l’accès à toutes les informations utiles pour lancer des projets de recherche. C’est pourquoi nous plaidons en faveur d’un meilleur partage des informations entre les différents niveaux de pouvoir. Les regroupements communaux pour traiter d’un sujet commun représentent également une piste à explorer pour mieux appuyer les communes dans leurs missions.

 

Des disparités existent entre les communes…

Oui et c’est sur ce point que la recherche peut apporter un éclairage déterminant, car une collaboration permet de travailler au plus proche de leurs spécificités. Une commune du sud aura des problématiques différentes d’une autre qui se situe dans le nord, par exemple. C’est en les observant sur le terrain que nous pouvons appréhender les défis avec l’ensemble des acteurs du territoire. Ce diagnostic, établi en lien direct avec les acteurs, devient le berceau de questions de recherche pertinentes et taillées au contexte local.

Très souvent nous constatons que les acteurs sur le terrain évoluent dans de multiples secteurs en dépassant le cadre purement communal. Des domaines tels que la santé, l’éducation, l’évolution démographique, l’accueil des seniors ou le logement font partie des sujets transversaux qui touchent tous les décideurs publics et non publics.

 

Les communes sont-elles réceptives à ces enjeux ?

Très clairement, oui. Tout en soulignant que parfois elles nous contactent avec le constat que les politiques nationales, appliquées de manière homogène, leur sont inadaptées. Dans ce cas, nous approfondissons la compréhension des mécanismes et apportons des pistes de solution.

Mais très souvent aussi, c’est l’inverse qui se produit, et sur base d’une analyse très fine au niveau communal, nous partons d’un point de départ plus fin en granularité. Nous sommes alors en mesure de formuler des questions de recherche à l’échelle d’un quartier, avec une méthodologie s’inspirant de la démarche « Living Lab ». Autrement dit, nous identifions avec les citoyens les questions ou les enjeux auxquels ils sont confrontés au quotidien. Il s’agit d’analyser la manière dont les personnes vivant dans un quartier sont exposées à des situations ou environnements différents et d’étudier leurs inter-
actions avec l’écosystème dont ils sont un élément. S’ajoute ensuite la dimension temporelle qui intègre que ces interactions changent tout au long de la journée (travail, sport, école, trajets, etc.). De notre côté, il est essentiel d’observer comment l’individu façonne l’environnement et comment ses propres changements de perception peuvent modifier son comportement et, in fine, l’environnement auquel il est exposé.

 

Quels sont les autres apports, pour le LISER, de travailler en collaboration avec les communes ?

En nous focalisant sur le citoyen, sa subjectivité et ses préférences, nous élargissons le champ des possibles. Ces analyses très fines permettent, par exemple, d’augmenter le bien-être, de mieux appréhender les compétences communales et de proposer des projets en accord avec les besoins réels des citoyens. Si partir de cette perspective individuelle présente un potentiel énorme, cela transforme radicalement nos méthodes de travail. La recherche, en constante évolution, est finalement plus holistique que par le passé, ce qui la rend d’autant plus pertinente au niveau communal. Traiter autant de données dans un cadre interdisciplinaire nous permet aujourd’hui d’aiguiser nos compétences.

La recherche contribue ainsi à la cohérence des politiques nationales et à leur impact à l’échelle communale. Détenir davantage d’informations partagées entre les différents niveaux de décision s’avère déterminant afin de créer un meilleur dialogue et d’apporter des solutions entre les différents décideurs pour optimiser leurs actions respectives. Nous sommes convaincus qu’en mettant à disposition de la société les bons outils et en créant institutionnellement et organisationnellement un environnement éclairé et informé dans lequel ces compétences pourront agilement s’articuler, nous pourrons apporter des solutions aux problématiques les plus fines et ainsi relever les défis futurs.

 

Les nouvelles technologies ouvrent-elles, elles aussi, de nouveaux champs d’application ?

Elles transforment effectivement notre métier. Nous travaillons avec un volume de données qui croît de manière exponentielle. Il ne s’agit néanmoins pas d’être seulement consommateur de l’information, mais de développer toutes les compétences et savoir-faire pour la nettoyer, l’exploiter et la traiter pour en extraire l’essence qui nous permettra de mieux guider nos actions. Les nouvelles technologies telles que l’IA ou les outils virtuels nous permettent d’aller toujours plus loin. Elles ouvrent la porte à des développements scientifiques insoupçonnés il y a encore quelques années.

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