De scout differdangeois à ministre luxembourgeois
Le regard franc, la voix assurée et le costume élégant de Claude Meisch, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse ainsi que de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, cachent en réalité un passé d’enfant de Differdange timide et discret. Ce fils de commerçant grandit avec les valeurs du travail et des responsabilités. D’expérience en expérience, il se révèle et se sert de son irrésistible envie d’agir pour s’affirmer et trouver sa voie. Portrait d’un amoureux de la politique au destin qu’il ne soupçonnait pas.
Le travail est d’or
À sa naissance, les parents de Claude Meisch vivent à Pétange, où celui-ci voit le jour. Mais, alors qu’il n’a que trois mois, toute la famille déménage à Differdange. Son père, maître horloger et particulièrement fier de son art, y ouvre une bijouterie dans laquelle il travaillera jusqu’à sa retraite. «En tant que fils de commerçant, j’ai grandi dans un foyer où les sphères professionnelle et familiale se confondaient. La boutique se trouvait au rez-de-chaussée de notre maison et nous mettions tous la main à la pâte: ma maman aidait quand il y avait des clients et s’occupait de mes deux frères cadets et moi-même le reste du temps. Quant à nous, nous soutenions notre père lors des grosses livraisons, durant la braderie, les fêtes commerciales, les marchés de Noël, etc.», se remémore l’actuel ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur.
Ce contexte familial a joué un rôle déterminant dans la construction du jeune Claude Meisch: «encore aujourd’hui, je n’applique moi-même pas de séparation nette entre mon travail et le reste de mon quotidien. Je trouve dans ce rythme de vie un certain équilibre qui, j’en suis bien conscient, peut en surprendre plus d’un, mais qui pour moi est totalement naturel».
Quand on grandit dans une ville que l’on aime et que l’on constate que son plein potentiel n’est pas exploité, on a envie de faire mieux
Celui qui deviendra bourgmestre de la ville qui l’a vu grandir avoue, quelque peu amusé, qu’il n’a jamais été sportif. Cependant, il s’est très tôt investi dans la communauté scout. «Si je me suis essayé au football, j’ai rapidement compris que je n’étais pas particulièrement doué. J’ai alors concentré mon attention dans d’autres domaines. À l’âge de 7 ans, j’ai intégré un camp scout dans lequel je suis resté jusqu’à mes 23 ans. Je garde énormément de bons souvenirs de cette expérience. J’ai pu, grâce à celle-ci, mesurer la valeur de l’amitié, du travail d’équipe et des responsabilités. C’est un grand honneur pour moi de veiller au développement du scoutisme dans le cadre de mes fonctions actuelles», déclare non sans fierté le ministre.
Un parcours scolaire presque exemplaire
À l’école, le jeune Claude Meisch était plutôt bon élève, même si le ministre admet avoir connu quelques déboires en grandissant. «Durant mon adolescence, j’ai développé un attrait pour les professions médicales. Je m’étais d’ailleurs inscrit en école d’infirmier. Toutefois, je n’y suis jamais allé. C’était une époque de ma vie où je n’étais pas très appliqué en cours, j’étais quelque peu perdu. J’ai fini par me rendre compte que j’étais trop jeune pour décider de ce que je voulais faire de mon avenir. J’ai donc opté pour la section de technique générale qui me permettait de garder toutes les cartes en main et de choisir mon jeu un peu plus tard. Cette prise de conscience m’a beaucoup aidé et, après celle-ci, j’ai retrouvé de l’intérêt pour les études. Je peux même déclarer sans rougir que j’étais parmi les meilleurs de ma classe. Avec le recul, je pense que chacun a besoin de ces moments de doutes pour comprendre ce dont il a vraiment besoin dans la vie», explique Claude Meisch.
Un bac technique spécialisé en ingénierie en poche, le futur ministre quitte sa terre natale pour suivre des études en sciences mathématiques et économiques à l’Université de Trèves. Il a alors une idée en tête: travailler pour une banque. Et il atteindra son objectif puisqu’il intègre la Banque de Luxembourg en 1999.
Déployer ses ailes…
À l’âge de 22 ans, Claude Meisch fait une rencontre qui marquera le reste de sa vie. Il croise en effet le chemin de Xavier Bettel qui est alors – entre autres – vice-président national de la Jeunesse démocratique et libérale (JDL). Celui-ci lui propose de rejoindre les rangs de ce mouvement, ce qu’il accepte. «La politique a toujours été présente dans ma vie. Mes parents s’y intéressaient beaucoup et ils m’ont d’une certaine manière transmis le virus. J’ai lu de nombreux ouvrages et revues à ce sujet. Je voulais comprendre le débat politique et toutes les questions qui y étaient traitées. En revanche, je ne m’étais jamais imaginé politicien. Ce n’est que quand celui qui est devenu Premier ministre, et mon ami, m’a ouvert la porte de la JDL que je l’ai envisagé. Et une fois que je décide de m’engager dans un projet, je ne le fais pas à moitié!», raconte Claude Meisch.
La jeunesse a besoin d’une formation qualitative pour grandir et, un jour, décider par elle-même ce qui est bon pour elle et pour la société qu’elle façonnera
Il se présente aux élections législatives de juin 1999, à peine six mois après son entrée à la Banque de Luxembourg. Le verdict tombe: le voilà député à l’âge de 27 ans. En parallèle, il poursuit son parcours au niveau local en devenant échevin de sa ville de cœur, Differdange, en 2000. À cette époque, il jongle alors entre ses casquettes de banquier et de politicien. S’il profite au début du congé politique de 20 heures, il admet qu’il devenait compliqué de gérer son engagement pour sa commune et son travail. Il se jette alors à l’eau en 2002 en prenant la décision qui, selon ses propres mots, fera partie des plus importantes de son parcours: il accepte le poste de bourgmestre que la coalition alors récemment formée lui avait proposé. «J’avais la possibilité de me donner à 100% dans ce qui m’animait véritablement, je n’ai donc pas mis beaucoup de temps à me décider. À seulement 30 ans, je me retrouvais alors à la tête d’une ville qui connaissait de nombreux soucis, issus majoritairement des conséquences de la crise sidérurgique. C’était une grande responsabilité! Mais, quand on grandit dans une commune que l’on aime et que l’on constate que son plein potentiel n’est pas exploité, on a envie de faire mieux! Et puis, mes idées plaisaient autour de moi. Alors, je me suis demandé si mon rôle n’était justement pas de faire changer les choses. J’ai écouté mon désir de donner un nouvel élan à ma ville et je pense qu’avec l’aide de mes collègues nous y sommes arrivés durant ces douze années où j’occupais le poste de bourgmestre», confie le Differdangeois.
… pour atteindre des sommets
En 2013, sa carrière prend un nouvel envol puisqu’il est nommé au gouvernement de Xavier Bettel. Il quitte alors la politique locale pour devenir ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. «C’était mon choix de reprendre ces ministères et il s’agit d’un choix du cœur. Déjà à Differdange, j’ai tenté d’améliorer le système scolaire qui n’était pas adapté à la population. L’une des richesses de la ville résidait – et réside encore – dans sa multiculturalité et il était essentiel d’adapter l’école à la réalité des élèves qui, bien souvent, ne parlaient pas luxembourgeois à la maison», détaille le ministre.
Cette mission marque encore aujourd’hui sa carrière. Durant ces deux législatures, l’un de ses objectifs était de diversifier l’offre scolaire pour qu’elle corresponde à tous les Luxembourgeois, quelle que soit leur origine. Selon Claude Meisch, «la jeunesse a besoin d’une formation qualitative pour grandir et, un jour, décider par elle-même ce qui est bon pour elle, mais également pour la société qu’elle façonnera».
Un regard vers le passé, une vision pour l’avenir
L’enfant d’artisan plutôt timide et qui ne se présentait pas comme leader, tel qu’il se décrit lui-même, aura donc connu un destin inattendu. «J’étais ce qu’on peut appeler un gosse plutôt banal. Je me faisais rarement remarquer, j’avais plutôt tendance à suivre les autres. D’ailleurs, je ne suis jamais devenu chef scout. Je n’étais pas prédestiné à prendre la fonction de celui qui décide, qui donne la direction. Mais, finalement, avec mon intérêt pour la politique, j’ai évolué et me suis révélé. Je pense que nous vivons chaque jour de nouvelles expériences qui nous permettent de devenir une nouvelle version de nous-mêmes. Bien entendu, à 51 ans, on ne change plus autant que durant notre jeunesse, mais je suis persuadé que chaque soir, quand je vais me coucher, je ne suis plus tout à fait la même personne que celle qui s’est réveillée le matin même. Désormais, je vis au jour le jour: je ne sais pas de quoi demain sera fait, alors je profite de chaque instant et de la chance que j’ai de vivre de ma passion. J’espère que les électeurs me donneront la possibilité de prolonger cette belle aventure. Je ne suis pas quelqu’un qui veut «être», mais quelqu’un qui veut «faire». Cependant, j’accepterai le verdict quel qu’il soit. Peut-être que la vie me réserve autre chose, nous verrons le moment venu», conclut Claude Meisch.
Par Pauline Paquet