Schifflange, force de la nature
Connue pour être l’une des communes les plus durables du Luxembourg, Schifflange œuvre depuis de nombreuses années en faveur du climat et de la nature. Même si la petite localité située au sud du Grand-Duché a déjà déployé de nombreux projets pour la préservation de la faune et de la flore, elle n’est paradoxalement toujours pas certifiée par le Pacte Nature. Les responsables travaillent d’arrache-pied pour encoder et valoriser toutes les données nécessaires à l’obtention de la certification. Albert Kalmes et Aurélie Drulang, respectivement échevin et conseillère écologique, présentent les projets mis en œuvre à Schifflange et reviennent sur les processus longs et minutieux à suivre pour entrer définitivement dans le cercle des communes certifiées par le Pacte Nature.
Quels sont les grands projets en lien avec l’environnement et le Pacte Nature déployés à Schifflange?
AD: Notre commune travaille déjà depuis de très longues années en faveur de la nature. Nous avons d’abord renaturé tous les cours d’eau se trouvant sur notre territoire. Ainsi, l’an dernier, le Kiemelbaach a été replacé dans son lit d’origine et le dernier tronçon de l’Alzette renaturé. Au sujet de ce second projet, le cours d’eau a été remodelé afin de lui conférer à nouveau un caractère naturel. En créant des méandres, des différences de niveau dans le lit, des berges douces et abruptes, nous parvenons à dynamiser le cours d’eau et ainsi à protéger la faune et la flore qui s’y trouvent. De l’autre côté du terre-plein de la voie ferrée de la société Cimalux, en grande partie territoire de la ville d’Esch-sur-Alzette, des éléments bétonnés ont été retirés et des mesures identiques ont été appliquées. Un bras mort tout comme un étang ont été créés. Enfin, un bassin de rétention des eaux de pluie a été aménagé aux abords de la cimenterie.
AK: Par nos initiatives, nous pouvons désormais certifier que l’ensemble des cours d’eau a retrouvé son état naturel. Nous misons aujourd’hui sur la valorisation, le développement et l’optimisation des espaces naturels et verts afin de contrebalancer le scellement des sols.
Nous avons également créé des mares et mardelles et nous travaillons en collaboration avec le Sicona (Syndicat intercommunal pour la conservation de la nature) dans le cadre de la gestion des paysages ouverts.
Nous possédons également deux étangs dans la réserve naturelle «Am Brill». L’un d’entre eux a été agrandi et clôturé afin de protéger la biodiversité présente sur place. Les promeneurs pourront toujours apprécier les charmes auditifs et visuels du lieu grâce à la piste cyclable les longeant.
Le Pacte Nature englobe également d’autres thématiques comme le milieu forestier et urbain…
AD: Oui. Comme notre commune est relativement petite en superficie, et dispose donc de peu d’espaces ouverts (agricoles), c’est dans le milieu urbain que nous pouvons développer notre potentiel par rapport aux recommandations du Pacte Nature. L’objectif, à l’heure actuelle, est donc de cartographier les espaces verts présents sur le territoire communal et plus particulièrement en ville. Le recueil et le traitement de ces données nous permettra de découvrir le potentiel d’amélioration pour créer des zones naturelles et aussi de lutter contre les îlots de chaleur lorsque les températures sont élevées.
Nous misons aujourd’hui sur la valorisation, le développement et l’optimisation des espaces naturels et verts afin de contrebalancer le scellement des sols
AK: La certification du Pacte Nature est octroyée à l’aide d’une base documentée. La commune a entrepris de nombreux projets depuis plusieurs décennies en faveur de la nature et de la biodiversité. Malheureusement, nous n’avons jamais retranscrit nos initiatives. Une analyse est indispensable pour effectuer l’état des lieux actuel et le potentiel d’amélioration. Ce travail long et minutieux ne se réalise pas du jour au lendemain, mais il est nécessaire pour obtenir la certification. Même si nous souhaitons vivement l’obtenir, nous ne sommes pas aveuglés par celle-ci. Nous préférons d’abord établir une base solide, bien documentée, avec une stratégie réfléchie pour avancer progressivement. S’il existe de bonnes initiatives ou de bonnes pratiques, mais qui ne marquent pas de points pour l’obtention du Pacte Nature, nous les déploierons quoi qu’il arrive. Le but est bien plus grand que la simple certification et, à Schifflange, nous n’avons pas attendu le Pacte pour réaliser de nombreux projets en faveur de la nature.
Même si cette cartographie n’est pas entièrement finalisée, avez-vous déjà des pistes d’amélioration ou des idées à mettre en place prochainement?
AD: Même si nous préférons attendre l’état des lieux définitif pour définir nos priorités futures, nous avons quelques pistes. Nous prévoyons d’approfondir l’usage de l’entretien extensif et le catégoriser selon les surfaces. Une aire de jeux ne sera pas traitée de la même façon qu’un îlot vert. L’idée est de laisser la nature évoluer par elle-même à certains endroits tandis que d’autres nécessiteront des entretiens plus régulés.
L’un des derniers grands volets qui composent le Pacte Nature est celui de la communication. Qu’avez-vous entrepris à ce niveau?
AD: Nous travaillons avec nos citoyens pour leur proposer des idées et les soutenir dans une démarche plus verte. Notre tissu urbain est dense. C’est pourquoi nous aimerions que nos habitants privilégient la création d’espaces naturels plutôt que l’empierrement pour leurs extérieurs. Nous avons d’ailleurs changé le règlement des bâtisses à ce propos en réduisant la possibilité de créer des jardins empierrés. Notre but n’est pas d’interdire mais d’établir un pourcentage de zone verte sur chaque nouveau projet en fonction de la surface.
AK: Le Pacte Nature comprend également le volet éducation. Celui-ci concerne les activités pédagogiques avec les jeunes Schifflangeois et Schifflangeoises, mais aussi les plus âgés. De plus, notre équipe Pacte Nature est pluridisciplinaire puisqu’elle se compose de personnes de tous horizons, à savoir des experts, des politiques et même des citoyens qui fourmillent d’idées pour notre commune! Tout le monde peut être force de proposition.
Avez-vous un exemple concret de proposition de votre population sur la politique environnementale de Schifflange?
AD: Une habitante nous a récemment fait part que des écureuils se faisaient régulièrement écraser sur l’une des routes de notre commune. Elle nous a indiqué qu’elle était en contact avec une société qui fabrique des écuroducs. Nous espérons pouvoir installer cette construction cette année. Ce cas de figure très concret nous démontre que les habitants ont un rôle important à jouer dans la protection de la biodiversité locale car nous n’avions pas forcément conscience que des écureuils mourraient sur ce tronçon!
Quelles sont les autres initiatives concernant la protection de la faune à Schifflange?
S’il existe de bonnes initiatives ou de bonnes pratiques nous les déploierons quoiqu’il arrive même si elles ne marquent pas de points pour l’obtention du Pacte Nature
AK: Dès lors qu’une surface peut être utilisée, nous installons des hôtels à insectes, des nichoirs pour les oiseaux, des abris pour les hérissons, etc. Un apiculteur se trouve également à Schifflange et ses ruches sont installées sur le territoire communal. Nous lui avons construit un abri pour qu’il puisse exercer ses activités. Nous soutenons aussi la biodiversité grâce aux entretiens extensifs et en développant des prairies fleuries pour la protection de la micro faune. Malheureusement, et comme évoqué précédemment, nous n’avons jamais compilé toutes ces données qui sont nécessaires à l’obtention du Pacte Nature.
AD: Celui-ci prévoit un audit obligatoire que nous avons réalisé avec un score de 32% et le premier niveau de certification est à 40%. Nous sommes ainsi très proches de la certification, il suffit seulement d’encoder et de cartographier toutes les données.
Un dernier mot sur les projets liés à la nature en cours, déjà finalisés ou que vous souhaitez mettre en place à l’avenir?
AK: Chaque année, nous plantons des arbres pour la journée des nouveaux nés à Schifflange. Depuis que nous avons lancé cette initiative, nous avons mis en terre environ 1.500 arbres sur notre territoire. Nous offrons aussi des arbres fruitiers aux jeunes parents et souhaitons lancer le concept de «tiny forest». De plus, nous avons lancé le projet d’«urban gardening» en proposant des potagers surélevés à nos citoyens qui n’ont pas les terrains adéquats. Nous disposons aussi de jardins communaux que nous louons à nos habitants. Malheureusement, la liste d’attente s’agrandit car la demande est très forte. Nous interdisons les pesticides ou les engrais chimiques pour tous les produits qui poussent dans la commune. Même si nous ne pouvons pas tout vérifier, nous comptons sur le bon sens de nos citoyens qui n’ont aucun intérêt à utiliser des substances toxiques pour leur consommation personnelle!
AD: Par ailleurs, nous avons réalisé un sentier thématique sur l’eau qui se veut ludique et pédagogique. Celui-ci vient d’être inauguré le 18 mai dernier. Il comprend deux chemins: l’un qui est accessible à tous et l’autre qui s’adresse aux randonneurs. Ce projet s’inscrit dans le cadre des initiatives d’Esch2022 avec la légende «D’So vum Marxeweier». Nous souhaitons effectivement valoriser nos espaces naturels en nous inspirant d’un ancien conte presque oublié. Selon la légende, le Marxeweier, un étang désormais disparu, était situé en haut d’une colline à Schifflange. Il était si profond que personne n’a réussi à plonger jusqu’au fond. Les nuits de pleine lune, le chant des sirènes pouvait être entendu. Cette eau avait un pouvoir magique: celui qui en buvait huit soirs de suite ne mourrait pas célibataire. De nombreux couples se formaient à mesure que les filles et garçons venaient boire à l’étang. Rempli par les larmes des sirènes, et à cause des années de sécheresse, le Marxeweier est progressivement devenu le seul point d’eau de la région. Les habitants se sont mis à en chercher d’autres, mais dès qu’ils en trouvaient, le niveau de l’étang baissait.
Nous allions ainsi la culture et le tourisme à la préservation de la nature car ce chemin pédagogique passera par cette source. Cette initiative a été réalisée en collaboration avec le Syndicat des eaux du sud qui nous a fourni, en partie, les informations se trouvant sur les différents panneaux qui longent le sentier.