Dilemme ESG: comment le surmonter?

ESG, ces trois lettres sont sur toutes les lèvres et, de par la réalité complexe qu’elles recouvrent, donnent du fil à retordre aux dirigeants d’entreprise. Alors que les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance font l’objet d’une réglementation toujours plus dense à mesure que s’éveillent les consciences environnementales et qu’évoluent les attentes de la société, les entreprises se trouvent confrontées à un double dilemme: répondre aux exigences minimales dans un souci de conformité ou placer les critères ESG au cœur de leur stratégie? Maintenir leur profitabilité à court terme ou investir dès aujourd’hui pour assurer leur pérennité à long terme? Julien Melotte et Robert Limpach, respectivement Partner et Senior Consultant chez PwC Luxembourg, nous fournissent quelques pistes de réponse.

 

Pour quelles raisons parle-t-on de «dilemme ESG»?

RL: Lorsqu’une entreprise aborde le sujet ESG, son premier dilemme est certainement dans la définition de l’angle sous lequel il doit être envisagé et donc aussi les ambitions d’intégrer
le sujet ESG dans la stratégie de l’entreprise. Si certaines inscrivent les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance au cœur de leur stratégie ou de leur proposition de valeur, pour d’autres il s’agit d’un exercice de pure conformité. Selon l’angle choisi, la problématique sera donc plus ou moins intégrée dans la stratégie de l’entreprise.

JM: Tout directeur général ou financier peut également rencontrer un second dilemme, lié à la difficile réconciliation de ses objectifs à court et à long terme. En effet, renforcer l’impact social et environnemental d’une entreprise requiert des investissements qui auront des conséquences sur sa profitabilité immédiate. Pourtant, repousser ces investissements peut entraîner un handicap sur le moyen terme, lorsqu’arriveront de nouveaux compétiteurs qui auront une proposition de valeur différente et respectueuse de ces critères, voire nuire à la pérennité de ses activités.

 

Selon vous, quelle est la meilleure attitude à adopter pour surmonter ces difficultés?

JM: Cela diffère fortement d’une industrie à l’autre et dépend notamment de l’environnement compétitif dans lequel la société opère. Dans un premier temps, il est important d’identifier les attentes des différentes parties prenantes qui gravitent autour de l’entreprise, qu’il s’agisse d’acteurs internes (les employés, le conseil d’administration) ou externes (les fournisseurs, les clients, la commune ou le pays dans lequel elle opère, etc.). En classifiant ces parties prenantes et en identifiant les priorités pour l’activité qu’elle exerce, l’entreprise pourra alors déterminer son niveau d’ambition d’un point de vue ESG, mais aussi se positionner de manière à demeurer compétitive sur la durée. Par ailleurs, il convient de s’interroger sur la gouvernance des critères ESG et sur l’éventuelle mise à niveau des organes dirigeants de la société afin de s’assurer que ceux-ci puissent pallier les nouveaux risques qui émergent.

 

L’écosystème dans lequel évolue une entreprise peut-il l’aider à se positionner?

Définir une ambition qui soit réaliste et mesurable dans le futur

JM: L’écosystème joue un rôle crucial, d’autant plus dans l’économie luxembourgeoise. On l’a dit: en matière d’ESG, les investissements en recherche et en développement, pour avoir un réel impact, sont plus que conséquents et engendrent une perte de profitabilité à court terme. Plus les entreprises et les parties prenantes pourront mutualiser leurs efforts (au sein d’un groupe de sociétés agissant dans le même secteur ou en sollicitant certains acteurs externes au même moment), plus elles pourront limiter les coûts de développement. C’est une pratique répandue chez les opérateurs téléphoniques, par exemple. Les grands acteurs européens réfléchissent ensemble sur le sujet, bien qu’ils aient chacun leur propre position, et limitent ainsi le coût de cette transition.

RL: Opérer au sein d’un écosystème permet aussi aux entreprises de découvrir et développer ensemble un domaine qui est nouveau pour la majorité d’entre elles et d’échanger sur leurs propositions de valeur pour se compléter. C’est également par ce biais que les investisseurs de différentes sociétés seront amenés à se rencontrer et pourront réaliser l’intérêt à long terme d’une transformation ESG.

 

Quel type d’accompagnement pouvez-vous proposer aux dirigeants qui souhaitent s’attaquer à cette problématique?

RL: Tout d’abord, nous pouvons les aider à créer une compréhension commune des critères ESG et à se positionner clairement, qu’ils veuillent uniquement rester conformes à la règlementation ou qu’ils aient l’ambition de saisir les opportunités introduites par celle-ci.

JM: De nombreuses sociétés, dans l’environnement luxembourgeois notamment, sont effectivement au stade de la définition de leur ambition ESG. Notre accompagnement vise justement à les guider à cet égard, car il s’agit de définir une ambition qui soit réaliste et mesurable dans le futur. Concrètement, nous aidons nos clients à identifier toutes les parties prenantes qui gravitent autour de leur entreprise, à comprendre leurs attentes, à les prioriser et à établir une stratégie en modélisant certains scénarios qui permettent d’évaluer l’impact de l’un ou l’autre choix stratégique. Par ailleurs, puisqu’un certain nombre de sociétés luxembourgeoises aborde le sujet ESG sous un angle de compliance, nous proposons de les assister en matière de reporting. La réglementation est tellement vaste que ces sociétés n’ont pas toujours le temps ou le capital humain pour s’y plonger en profondeur. Nous sommes alors là pour les aider à identifier les éléments qui doivent particulièrement attirer leur attention. Dans un second temps, nous pouvons les accompagner dans la mise en place des structures de capture et de reporting des données non-financières puisque, dès 2024 ou 2025, les entreprises de taille majeure devront observer la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Pour les PME, une réglementation simplifiée devrait voir le jour l’année prochaine. Très attendue par le marché luxembourgeois, elle permettra de naviguer plus facilement dans la réglementation et d’identifier les exigences minimales.