L’agriculture peut (aussi) être biologique… si chacun y contribue

Les preuves scientifiques du déclin de la biodiversité dans les paysages agricoles existent depuis longtemps, mais ce n’est que depuis quelques années que la politique et la société ont pris conscience de cette situation alarmante. En revanche, les discussions sur le changement climatique sont plus présentes que jamais. Les deux crises sont liées et se renforcent mutuellement. Il faut les aborder ensemble en adoptant une multitude d’approches coordonnées. Mais les mesures les plus efficaces sont celles qui s’attaquent à la cause fondamentale de ces crises: notre mode de vie non durable. Cela implique un changement soutenu politiquement vers une agriculture respectueuse de la biodiversité et une utilisation des ressources qui ne dépasse pas les limites de capacité de la Terre. Le groupe Oikopolis Luxembourg œuvre pour que cette transition se fasse, autant du côté du producteur que de celui du consommateur.

 

Toujours plus

L’agriculture biologique repose sur la protection des ressources et de la biodiversité. Il y a des décennies déjà, ses pionniers avaient compris l’importance de la durabilité en produisant des aliments sains et en quantité suffisante. L’agriculture biologique renonce aux OGM, favorise le bien-être des animaux et la fertilité des sols et protège les eaux de surface et souterraines. Avec une faible consommation d’énergie, elle préserve également le climat.

Le groupe Oikopolis Luxembourg est issu de la coopérative d’agriculteurs bio Lëtzebuerg BIOG. Il regroupe avant tout des agriculteurs qui ont compris que l’opinion généralement dominante selon laquelle l’agriculture ne devait être jugée que sur la base de critères économiques, à l’instar d’une entreprise industrielle, était erronée.

Notre société aspire toujours à un succès et un rendement maximaux. Si des vaches laitières sont élevées de la manière la plus respectueuse possible (notamment en se conformant au critère de l’agriculture biologique selon lequel le nombre d’animaux dépend de la surface d’exploitation) et ne sont nourries que de fourrage provenant de la ferme, elles produisent environ 5.000 kg de lait par an. Si nous visons au contraire un rendement maximal et que les vaches laitières sont nourries avec beaucoup de concentrés, elles produisent presque le double, soit environ 9.000 kg. Dans ces exploitations, le nombre d’animaux ne correspond pas à la taille de la ferme et de sérieux problèmes apparaissent. Par exemple, de trop grandes quantités de lisier (mélange liquide d’excréments utilisé comme engrais) sont produites et, par conséquent, ne peuvent plus être répandues sur les champs. Il faut trouver d’autres moyens de les éliminer. C’est ainsi que ce matériau est déversé dans les eaux et, comme tous les engrais azotés, les pollue. En de nombreux endroits, les eaux souterraines présentent des taux de nitrates inquiétants.

Les aliments concentrés pour ces vaches à haut rendement – composés principalement de soja riche en protéines – ne sont évidemment pas cultivés sur l’exploitation elle-même. Ils sont importés, le plus souvent du Brésil où d’immenses surfaces de forêt vierge sont défrichées pour la culture du soja et où sont ensuite utilisés beaucoup d’engrais, d’herbicides et de pesticides synthétiques. Les dépenses énergétiques de ce type de production menacent la biodiversité.

 

Un changement également politique

Par rapport à l’agriculture conventionnelle, l’agriculture biologique est nettement plus respectueuse des sols. Sans engrais minéraux, herbicides ni pesticides, la terre reste saine et génère une couche d’humus fertile. Ce dernier est particulièrement important pour la fixation du carbone. Des études ont montré que les sols cultivés biologiquement fixent en moyenne 10% de carbone en plus que ceux de l’agriculture conventionnelle.

L’agriculture biologique contribue également davantage à la biodiversité. Par exemple, le nombre moyen d’espèces d’herbes sauvages de ses champs est 95% plus élevé. En outre, ceux-ci abritent 35% d’espèces d’oiseaux et 23% d’insectes pollinisateurs en plus*.

Malgré tous ces avantages, pourquoi n’y a-t-il pas beaucoup plus d’agriculture biologique? L’objectif du gouvernement luxembourgeois est pourtant clair: 20% d’agriculture biologique en 2025 et 100% en 2050. Toutefois, cette conversion est un processus de longue haleine qui coûte non seulement beaucoup de temps, mais aussi beaucoup d’argent. De plus, une agriculture biologique à haut rendement implique bien plus d’efforts de la part des agriculteurs. Sans soutien, cette étape n’en vaut pas la peine pour de nombreux cultivateurs. Il est donc clair que la politique doit être beaucoup plus incitative et, surtout, plus favorable à cette transition par la mise en place d’aides importantes.

 

Prendre ses responsabilités

Depuis près de 35 ans, le groupe Oikopolis – dont le détaillant du groupe, Naturata, et le grossiste bio Biogros avec la marque BIOG – s’engage à promouvoir l’agriculture biologique et à soutenir les agriculteurs bio dans la transformation et la commercialisation de leurs produits. Conformément à la devise «Fair a kooperativ mat de Bio-Baueren», une structure a été créée afin de garantir aux aliments biologiques et biodynamiques un achat qui honore leur haute qualité et leurs normes de production. Un objectif important du groupe Oikopolis est d’organiser la collaboration tout au long de la chaîne de valeur de manière à ce que tous ses protagonistes dépensent et reçoivent de manière juste et équitable. Ainsi le producteur investit afin de proposer une alimentation saine à la population locale et cette dernière, sensibilisée au travail de l’agriculteur, a conscience de la valeur des produits qu’elle achète.

Et c’est là que le consommateur est appelé à choisir des aliments biologiques régionaux, produits de manière durable et de haute qualité, et à contribuer ainsi à la protection du climat et à la préservation de la biodiversité. L’appel à la régionalité se fait également entendre dans les milieux de l’agriculture conventionnelle. C’est une bonne chose, mais cela ne sera certainement pas une formule gagnante si nous continuons à importer à grande échelle des aliments concentrés pour la production laitière et l’engraissement des animaux en provenance de pays lointains, ou si nous alimentons la croissance dans les champs avec des engrais artificiels importés produits à grand renfort d’énergie. La notion d’origine régionale d’un produit agricole n’a en principe de sens que si presque tous les facteurs se situent dans ce contexte régional. Il est clair que l’agriculture biologique est la meilleure option à cet égard.

*Thünen-Report 65 «Leistungen des ökologischen Landbaus für Umwelt und Gesellschaft».

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