Penser le bâtiment dans sa durée est plus que jamais une évidence

Crises sociale, environnementale, crise énergétique découlant notamment de la pénurie de gaz et provoquant une flambée des prix de l’électricité, la situation actuelle démontre, si besoin en était, l’importance d’agir vite, mieux, différemment, pour devenir acteurs d’un monde qui change. Intégrer systématiquement l’urgence climatique et économique au cahier des charges du bâtiment se veut donc plus que jamais un impondérable, comme nous l’expliquent Elise Rein, Team Manager du service construction durable et Christian Schröder, ingénieur spécialisé en gestion de l’eau chez Betic Ingénieurs-Conseils.

 

La durabilité ne vous semble-t-elle pas déjà acquise et appliquée en matière de conception?

ER: Loin de là, mais je crois que nous assistons à une étape clé. La volonté de concevoir durable est née il y a un moment déjà. Comme tout changement, il a fallu en comprendre la nécessité, l’assimiler, faire évoluer nos compétences et en développer de nouvelles, et surtout que ce concept se diffuse. Cette étape, bien que continue, est nécessairement lente… jusqu’à atteindre le point de bascule, le fameux «tipping point» décrit par Malcolm Gladwell dans un de ses ouvrages dans lequel il établit la notion de propagation «virale» dans une culture. Les crises successives que nous vivons depuis plusieurs années, qu’elles soient sanitaires, écologiques ou économiques, ont eu un rôle à jouer dans ce basculement. Désormais, le mouvement est inéluctable, généralisé, et plus seulement entre les mains de quelques motivés.

 

Ne faudrait-il pas alors renforcer encore la réglementation pour s’assurer de cette prise en compte?

CS: L’application rigoureuse de normes ne peut pas être la seule garante d’un projet pertinent. Dès sa conception, un bâtiment devrait être pensé pour ne pas vieillir prématurément, pour être le moins énergivore, le plus indépendant énergétiquement, le moins coûteux quant à la bonne conduite de ses équipements, sa maintenabilité… Ces aspects sont aussi importants que sa ligne architecturale. Sa réalisation ne peut pas se résumer à l’application de normes globales. Le choix d’une installation de production d’énergie pertinente va par exemple dépendre des caractéristiques géographiques, environnementales et climatiques locales et régionales. Il en va de même pour l’intégralité de la conception: besoins acoustiques devant être adaptés à la finalité d’utilisation de l’espace, à l’environnement extérieur, choix des matériaux devant intégrer leur durabilité mais également leurs qualités techniques au vu du projet… L’obligation de conseil auprès du maître d’ouvrage est très large et un système opérationnel de lois et de normes figées, globales, applicables à tous projets, doit être vérifié dans la réalité.

 

Les domaines à couvrir et les expertises en découlant sont-ils d’autant plus larges?

Le sujet dépasse de loin la seule préoccupation thermique! Il est bel et bien question d’approche holistique

ER: L’étendue des nouveaux domaines à maîtriser se veut considérable. C’est pourquoi le maître d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre voient leurs partenariats se diversifier pour faire apparaitre des équipes véritablement pluridisciplinaires. Les enjeux sont nombreux: énergie certes, mais aussi santé, bien-être, modularité des espaces, préservation de la biodiversité, protection incendie, physique du bâtiment, gestion intelligente de l’eau… Le sujet dépasse de loin la seule préoccupation thermique! Il est bel et bien question d’approche holistique. Toute activité a un impact. La construction n’échappe pas à la règle. Chercher à limiter ses impacts négatifs et même en créer des positifs, cela nécessite effectivement de prendre en considération de nombreux aspects, et c’est un vrai challenge pour l’avenir.

 

Pour répondre à l’intégralité des besoins en construction durable, les collaborateurs doivent-ils être très polyvalents?

ER: Idéalement, oui. Concrètement, il n’est pas possible pour une personne de maîtriser tous les aspects précédemment cités. À mes yeux, la clé réside dans la mise en communication de spécialistes, ouverts d’esprit et conscients des enjeux actuels. Nous concernant, nous avons progressivement créé et développé le service de conception durable – advanced engineering, dont je m’occupe. Initialement spécialisé en efficacité énergétique, nous avons depuis développé notre scope d’expertises pour garantir une approche holistique plus pointue sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment. C’est vraiment un accomplissement de voir nos responsables commodo, acoustique, énergie… se mettre autour de la table pour, par exemple, sélectionner une composition de paroi adaptée. Aujourd’hui, grâce aux compétences des collaborateurs d’EKOplan, qui nous ont récemment rejoints, et plus particulièrement à celles de Christian en ingénierie de l’eau, nous offrons un service encore plus complet à nos clients en éco-conception.

 

Christian, vous êtes donc la «nouvelle corde à l’arc» de Betic Ingénieurs-Conseils?

CS: J’ai toujours été très intéressé par l’approvisionnement en eau potable et, rapidement, le bureau que j’avais fondé précédemment s’était spécialisé dans ce domaine. Lorsque nous avons rejoint Betic, il était évident que j’allais pouvoir mettre à profit mon savoir-faire en la matière pour intégrer cette discipline à la vision de conception durable qui était d’ores et déjà celle du bureau. Nous travaillons ainsi désormais main dans la main avec tous les collègues et encore plus particulièrement avec l’équipe d’advanced engineering. La gestion de l’eau se voit maintenant pleinement intégrée à tous niveaux: de l’analyse générale du cycle de l’eau sur le projet, des usages aux traitements, en intégrant la protection des ressources et la gestion des eaux pluviales via des installations techniques adaptées et alimentées, dès que possible, par des énergies renouvelables.

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