Vers un patrimoine à faible impact

En plus de 40 ans d’existence, le Fonds du Logement s’est bâti un patrimoine immobilier de plusieurs milliers de biens, faisant de lui le plus grand bailleur du Grand-Duché. Au fil du temps, les façons de construire et les exigences en matière de logement ont évolué, au même titre que les politiques climatiques. C’est pourquoi le Fonds a décidé de se doter d’une stratégie de rénovation énergétique. Aujourd’hui en passe de la mettre en œuvre, Dirk Kintzinger, directeur adjoint du Fonds du Logement, nous dévoile les coulisses de son élaboration ainsi que ses objectifs ambitieux.

 

Pouvez-vous nous donner un aperçu du patrimoine du Fonds du Logement?

Depuis sa création en 1979, le Fonds du Logement a construit 2.064 logements locatifs et 1.723 autres pour la vente. À ceux-ci s’ajoutent 479 unités qu’il a réalisées pour des acteurs étatiques ou divers établissements comme des asbl ou l’Université du Luxembourg. Ces biens sont répartis dans une soixantaine de communes à travers le pays et sont de tous types: de la maison unifamiliale à la résidence d’appartements en passant par le logement étudiant. Par ailleurs, il se voit régulièrement confier d’anciennes bâtisses – faisant parfois l’objet d’une protection patrimoniale – à transformer en habitations et à mettre à disposition de ses bénéficiaires. La gestion de ce parc immobilier occupe environ un tiers du personnel du Fonds et ce patrimoine devrait encore croître.

 

Certains de vos biens sont relativement anciens et doivent faire l’objet d’une rénovation. Quelle stratégie avez-vous élaborée?

Avant toute chose, nous avons analysé l’inventaire du patrimoine du Fonds et défini des objectifs que nous devions atteindre (et ceux-ci sont nombreux car liés à des politiques internes mais aussi externes, nationales et internationales). Ensuite, nous avons établi une stratégie de rénovation déclinée en objectifs principaux et complémentaires. Les premiers sont au nombre de quatre. Il s’agit d’améliorer l’efficacité énergétique de tous nos bâtiments, de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, de mettre fin à l’utilisation de combustibles fossiles et enfin de préserver nos bénéficiaires de la précarité énergétique. Nous profiterons des travaux de rénovation énergétique pour en réaliser d’autres qui devront améliorer la qualité de vie de nos locataires et pérenniser notre parc immobilier, par exemple en l’équipant pour l’ère de l’électromobilité.

Une fois ces objectifs définis, nous avons dressé un inventaire des logements concernés par notre stratégie de rénovation, à savoir les biens appartenant aux classes énergétiques B à I. 14% de nos logements se trouvent dans une classe énergétique basse et quelque 70% dans une classe moyenne, c’est donc là que réside le plus grand potentiel d’amélioration. Au total, nous avons entre 1.500 et 1.600 logements à faire passer, idéalement, en classe A. C’est ce que nous appelons le «potentiel maximal» – qui nous permettrait de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 76%. Évidemment, nous serons confrontés à certaines contraintes que nous ne pourrons pas contourner. C’est pourquoi nous avons également déterminé un «potentiel de base», sorte d’engagement minimum, à 62% de réduction des émissions.

Cette stratégie a été approuvée par le conseil d’administration du Fonds qui nous a déjà autorisés à démarrer un processus de recrutement. En effet, une rénovation énergétique d’une telle ampleur doit être considérée comme une activité nouvelle pour le Fonds du Logement et nécessite l’embauche de personnel qualifié supplémentaire. Nous espérons pouvoir entamer les premières rénovations en 2024 et prévoyons la fin du projet pour 2046. Ce planning prévisionnel tient compte des difficultés techniques et administratives auxquelles nous pourrions être confrontés mais aussi de la nécessité de réaliser les rénovations alors que les logements seront occupés par nos bénéficiaires; une contrainte supplémentaire qui a forcément un impact sur les délais des travaux.

 

Vous vous voyez régulièrement affecter des biens faisant l’objet d’une protection patrimoniale. Comment abordez-vous les rénovations de ce type?

Ces projets nous sont généralement confiés par l’État ou les communes, mais parfois aussi par des propriétaires privés. Dans tous les cas, nous commençons par mener une série de réflexions: combien de logements pourrions-nous réaliser? À quel coût? En combien de temps? etc. Les réponses à ces questions nous permettent de déterminer si nous pouvons nous engager plus avant dans le projet parce que les restaurations demandent un investissement important pour un nombre parfois limité d’unités mises sur le marché. Si le projet retient notre attention, il est alors soumis à notre commission d’acquisition. Ensuite, nous lançons les premières études de faisabilité en interne et définissons un programme qui peut inclure non seulement la rénovation de l’existant, mais aussi la réalisation d’éventuelles extensions. Une fois ce programme défini, nous désignons un maître d’œuvre. Ce dernier n’étant pas toujours expert dans la restauration de sites protégés, nous pouvons nous doter de compétences externes supplémentaires pour lui apporter toute information nécessaire au bon déroulement de sa mission. Ce genre de projets nous demande d’ailleurs de multiplier les contacts avec d’autres acteurs, que ce soient les communes, le CGDIS, les administrations de l’environnement et de la gestion de l’eau, le ministère du Logement (qui subventionne tous ces travaux) ou encore l’Institut national pour le patrimoine architectural. Ce n’est qu’après consultation de toutes ces parties prenantes que nous mettons en œuvre un projet.

Évidemment, les restaurations nous confrontent à des contraintes différentes de celles inhérentes aux constructions neuves. Si le terrassement et le gros-œuvre ont déjà été réalisés, il faut généralement accorder beaucoup d’énergie à la rénovation de la façade, des menuiseries, des dalles ou encore de la toiture. Il faut aussi veiller à la mise en conformité du bâtiment, au respect des normes en matière d’accès pour les services de secours, etc. Enfin, gardons à l’esprit qu’on ne construisait pas il y a 100 ans comme nous construisons aujourd’hui et que l’utilisation des surfaces n’était pas forcément adaptée à nos besoins actuels. Cela a forcément un impact sur la rentabilité des projets de ce type. Malgré ces contraintes, la préservation du patrimoine se marie très bien à notre rôle de bailleur social. Pour preuve, nous avons déjà réalisé de beaux projets, comme la ferme Nelson à Colmar-Berg, l’ancienne ferme Haff Bredimus à Huncherange ou la maison Faber à Useldange, et d’autres sont en cours ou à l’étude, tels que le château d’Eisenborn, le couvent d’Useldange, ou l’ancien bâtiment de pompiers de Schieren.

Si ces projets sont véritablement captivants pour les équipes en charge, nous ne perdons pas de vue notre mission principale: voir notre parc immobilier s’agrandir n’est pas une fin en soi, c’est un moyen d’offrir un logement à davantage de ménages aux revenus modestes!

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