Économie circulaire et digitalisation: un même objectif

Active au Luxembourg depuis 1998, Drees & Sommer est une entreprise de gestion de projets et de conseil en immobilier et construction. Elle se charge autant du développement de l’idée que de l’exploitation future de l’infrastructure. La mutation de ses secteurs d’activités et les nouveaux enjeux qu’elle implique poussent l’entreprise à s’adapter. Maximilien Ast, directeur, et Christian Zanter, responsable de l’unité résidentielle, nous expliquent leur vision holistique et écologique d’un bâtiment. 

 

Votre philosophie s’exprime par le slogan «the blue way». Qu’est-ce que cela signifie? 

MA: Cette formule reflète la relation entre le rationnel et la créativité, et s’applique autant dans la réalisation des projets de nos clients que dans les échanges avec eux. Sur le terrain, cette vision s’incarne dans deux domaines, l’économie et l’écologie, que nous envisageons avec un œil de créateur. L’alliance de ceux-ci nous permet de traiter aussi bien les coûts de construction et d’exploitation, que la santé et la vie concrète dans le bâtiment. Selon nous, pour répondre à tous les besoins de nos clients, il est nécessaire de prendre en compte ces deux dimensions qui se complètent: si nous ne considérons que la partie économique, la qualité de vie peut en pâtir et, à l’inverse, si cette dernière est la seule à bénéficier de notre attention, le chantier peut devenir un gouffre financier. 

CZ: Cette philosophie nous sert beaucoup en matière de logements à coût modéré par exemple. Si ces derniers nécessitent un accent particulier sur le volet économique, il est important que les habitants puissent y vivre correctement. Nous mettons donc tout en œuvre pour inclure une dimension écologique dans nos projets afin d’améliorer le confort de vie et de garantir une accessibilité importante par la même occasion. Il nous paraît inutile d’envisager des projets à la pointe de la durabilité si personne ne peut les financer. 

MA: L’équilibre de ces deux données est assuré par plusieurs affirmations que nous avons élaborées. Parmi celles-ci, nous pouvons citer la transparence sur la faisabilité d’un projet: nous voulons toujours apporter une plus-value et être capables de gérer un projet et, si ce n’est pas le cas, nous devons communiquer avec nos clients pour trouver la solution la plus adaptée. 

 

D’un point de vue plus concret, comment se manifestent vos considérations écoresponsables sur le terrain? 

CZ: Au niveau du développement de nouveaux quartiers, elles passent par exemple par la production d’énergies durables, un concept de réduction des déchets intelligent, ou encore la création d’un mobilité-hub. Grâce à cette dernière solution innovante, les habitants des quartiers dont nous pilotons le développement ont moins besoin de posséder leur propre véhicule car ils disposent de voitures partagées au sein même du quartier. 

MA: Selon nous, le principe de bâtiment écologique implique aussi une économie circulaire. Partant, nous essayons de conseiller les maîtres d’ouvrage pour qu’ils adoptent une stratégie de durabilité. Par exemple, si nous nous chargeons d’une démolition, nous réfléchissons à la manière dont nous pouvons donner une seconde vie aux matériaux. 

 

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez et qu’envisagez-vous pour les surmonter?  

MA: Notre défi principal réside dans la transition écologique du secteur de la construction et de l’immobilier qui produit 50% des déchets dans le monde. Nous devons donc créer des bâtiments en minimisant les pertes et en envisageant la réutilisation de chaque matériau. Autrement dit, il n’y aura plus de déchets car les matériaux seront réintroduits dans les cycles techniques en tant que matières premières pour de nouvelles constructions. 

Le principe de bâtiment écologique implique aussi une économie circulaire

Si les immeubles doivent avoir un impact environnemental positif, il faut également s’adapter aux besoins des habitants. Dans ce but, nous voulons assurer l’approvisionnement de notre propre énergie et garantir une production toujours supérieure à la consommation. 

Dans la poursuite de ces objectifs, la digitalisation représente une étape indispensable car nous avons besoin de collecter des données sur chaque projet. Pour ce faire, nous avons créé un «material passeport» qui nous permet d’identifier tous les matériaux présents dans un immeuble et ainsi de mieux réfléchir à leur réutilisation éventuelle. En outre, la base de données prend en compte l’exploitation réelle d’un bâtiment pour le rendre intelligent. Concrètement, le concept prévoit des techniques qui aident à économiser de l’énergie, ce qui réduit les coûts d’exploitation et les charges: par exemple en coupant automatiquement le chauffage, le refroidissement, la ventilation ou la lumière lorsque l’espace n’est pas utilisé ou encore en adaptant la température intérieure du bâtiment de manière autonome à la température extérieure. 

 

Quel projet d’envergure menez-vous actuellement? 

CZ: Pour le moment, nous réalisons un concours urbanistique sous forme de consultation rémunérée pour le centre de Schuttrange. En accord avec les responsables de la commune, nous avons décidé de le rendre participatif: nous voulions que les citoyens soient impliqués dès le début dans le processus de création. À cette fin, nous avons organisé deux ateliers avec les habitants lors desquels  ceux-ci pouvaient se positionner et exprimer leurs souhaits sur l’avenir de leur centre de village. Il en est notamment ressorti la volonté d’avoir des espaces verts qualitatifs, des zones de rencontres et une réduction des voitures au centre du village. Ces ateliers nous ont permis d’établir les grandes lignes du cahier des charges soumis aux urbanistes. Après finalisation de celui-ci a été présenté en toute transparence aux Schuttrangeois. 

Le concours a finalement été lancé, mais la pandémie a ankylosé nos ambitions collaboratives. Pour retomber sur nos pieds, après la remise de 19 projets par des bureaux d’experts et la sélection de trois d’entre eux par le jury, nous avons décidé de les présenter aux citoyens via la télévision et les médias sociaux. Pendant cette présentation, les habitants avaient la possibilité de poser des questions à la présidente du jury et aux experts du pré-jury. 

Dans une étape ultérieure, les Schuttrangeois ont pu compléter un questionnaire pour nous communiquer leurs avis. Nous avons eu plus de 600 retours sur une population d’environ 4.000 habitants. Les résultats ont été de nouveau présenté au public et au jury du concours. 

Le 1er avril prochain, le lauréat sera annoncé et présenté publiquement lors d’une séance hybride (en présentiel et en digital). 

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