Solar Community Schwebach: l’éclair de génie

C’est dans les locaux d’Eida, société dédiée à la fourniture alternative d’énergie verte au Grand-Duché, que Paul Kauten, administrateur délégué d’Energiepark Réiden, épaulé par Ben Scheitler, jeune ingénieur en énergie renouvelable, a dévoilé leur projet de lotissement durable «Solar Community Schwebach», élaboré en partenariat avec Albert Goedert, lui-même architecte et urbaniste aménageur au sein du cabinet Beng Architectes Associés.

 

D’où vient l’idée d’un tel projet dans ce secteur ? 

AG: Le projet initial puise ses origines dans le dessein de construire une bonne quinzaine de logements dans la commune de Saeul, à proximité de Schwebach. Eu égard aux moyens administratifs et techniques relativement limités de la commune pour mettre en œuvre un projet d’envergure devant couvrir pas moins d’un hectare de terrain, et connaissant assez bien moi-même les environs, nous avons naturellement proposé notre concours. En fait, nous avions dans l’idée de collaborer avec la commune afin de créer un projet de lotissement novateur par le biais d’une coopérative de futurs propriétaires qui deviennent maître d’ouvrage. Nous voulions proposer nos services en notre qualité de maître d’œuvre dans le cadre de la planification et réalisation des travaux d’infrastructure et jouer un rôle d’intermédiaire, voire d’annonceur, pour lequel les médias seraient susceptibles de nous aider à organiser le pilotage en matière de promotion et de mise sur le marché des habitations faisant partie du projet.

 

En quoi consiste le concept à proprement parler?

PK: Le concept repose d’abord sur l’idée de faire des futurs acquéreurs des membres et des représentants à part entière de la coopérative et dont les parts respectives, une fois celles-ci totalisées, seront suffisantes pour viabiliser, gérer et entretenir les infrastructures du lotissement. Dans un premier temps, les particuliers intéressés doivent acheter leur parcelle de terrain préalablement à la viabilisation, en même temps qu’ils se portent également acquéreur de leur part au niveau de la coopérative «Solar Community Schwebach». Ce processus permet la constitution des fonds nécessaires à la coopérative pour permettre la viabilisation et la préparation des bases structurelles du domaine et pour le financement de toute l’infrastructure énergétique (pompes à chaleur, batterie centrale agencée dans un container pour tout le lotissement, installations solaires). Parallèlement à cela, Beng Architectes Associés travaille en collaboration avec ces mêmes clients pour finaliser les habitations et la coopérative collabore avec la commune afin de sélectionner les différentes entreprises chargées d’effectuer les travaux de construction pour chacun des seize logements, et ce, en fonction de leurs compétences et de leurs spécialités respectives. Bien sûr, tout ceci sous la supervision du cabinet d’architectes qui accompagne et encadre les futurs habitants du quartier tout au long de la construction de leur maison.

 

On imagine que ce projet offre forcément de nombreux avantages aux candidats éligibles…? 

AG: Tout à fait. À ce propos, la commune a fait en sorte d’attirer les acquéreurs à travers des tarifs préférentiels en mettant en avant des avantages financiers attractifs notoires. En se positionnant sous les prix standards du marché, dans un premier temps en ce qui concerne la partie inhérente aux terrains et, dans un deuxième temps, en matière de viabilisation, avec un levier nous situant à une vingtaine de points environ en-deçà des prix qui prédominent actuellement sur le marché. On comprendra par ailleurs la possibilité de proposer des tarifs plus intéressants notamment grâce aux gains réalisés en fonction des coûts indirects répercutés par les entreprises impliquées et intervenant tout au long du projet. Une société démarchée pour chaque corps de métier est forcément la garantie de tarifs plus appréciables sur des packages impossibles à conclure si chaque pavillon devait signer avec des prestataires différents à chaque construction. On réussit de ce fait à lisser les coûts globaux et à optimiser le ticket d’entrée à la propriété de manière plus juste et équitable pour les personnes tentées par cette perspective de vie écologique et responsable collectivement. À noter les facilités de connexions routières, transports publics, cyclables et même pédestres du périmètre qui rajoutent un degré supplémentaire à l’attrait du site et du projet. Il y a également une approche urbaniste et sociétale dans ce concept.

 

D’un point de vue sectoriel peut-on parler de transformation comportementale, en termes de production et de consommation d’énergie, vouée à s’inscrire dans la norme?

PK: Certainement! Ce projet novateur fait figure de projet pilote. Il s’agit là d’un premier lotissement en mesure de créer en son sein une communauté énergétique digne de ce nom, conformément aux indications d’une directive européenne et transposée dans la nouvelle loi sur l’énergie au niveau national au printemps de cette année.

 

Pourriez-vous expliquer plus en détail le principe dont il s’agit?

PK: Sur une zone géographique déterminée, toute la production énergétique – en l’occurrence solaire (et renouvelable) – est partagée par tous les participants et contributeurs au point de consommation local. Selon le système en place, toute l’énergie produite et accumulée au cours d’une journée est redistribuée instantanément sur tous les points de consommation; ceci dans le but de couvrir au maximum les besoins respectifs en consommation directe des usagers.

L’autogestion sous la forme de coopérative va presque devenir une nécessité à l’avenir

Des simulations préalablement réalisées avaient permis de planifier un objectif de départ en termes d’approvisionnement, à savoir 80% des besoins de consommation énergétique globale du lotissement fournis en temps réel de manière autonome grâce à l’énergie solaire générée in situ. Bien sûr, en cas de production au-delà du seuil initial émanant des prévisions (solde positif), l’excédent pourra faire l’objet d’une revente sur le circuit externe. Dans le cas contraire (en situation de minimum non atteint), il faudrait alors acheter de l’énergie à l’extérieur. Mais l’optimum est largement atteint et dépasse les 100% de couverture solaire en bilan annuel.

 

La toiture sera donc un élément clé?

BS: Assurément, dans la mesure où chaque maison va se voir dotée d’une couverture maximale de panneaux solaires, bien orientés vers le Sud, afin de bénéficier de tout l’apport possible en luminosité. Des toitures asymétriques vont permettre une accumulation et une recharge maximale d’énergie. Les habitations vont également disposer individuellement d’une pompe à chaleur munie d’un collecteur géothermique avec un élément de chauffage, utilisé pour convertir l’énergie solaire exédante en énergie thermique (Power-to Heat), dans un grand ballon de stockage de 800 litres d’eau chaude capable d’approvisionner entièrement l’habitation et d’être stockée au niveau individuel, moyennant un bon volume. Sans oublier la batterie à eau salée Greenrock bénéficiant d’une efficience environnementale maximale (capacité de 150 kWh) et garantissant une marge supplémentaire en termes de stockage de l’électricité.

PK: Il convient cependant de mettre un bémol au niveau des bornes de recharge qui seront prévues pour les véhicules électriques à garer sur un espace réservé à cet effet à l’autre bout du lotissement, de sorte à ne pas nuire à la qualité de vie des riverains. L’énergie destinée à la partie électromobilité n’est pas encore intégrée dans le seuil de 80% précédemment évoqué.

 

Quid des matériaux utilisés au niveau des habitations?

AG: Pour les matériaux, les propriétaires ont le choix entre le béton massif ou le bois, plus noble et naturel en soi. Les murs extérieurs seront fabriqués en blocs de chanvre via des agglos autoportants bénéficiant d’un excellent coefficient d’isolation acoustique, mais surtout thermique. Par conséquent, on pourra voir des façades à base de matériau durable très performant, naturel et recyclable, car une fois démontés, les éléments pourront avoir une deuxième vie et servir de fertilisant dans les champs, et ce, sans risque de pollution éventuelle. On est véritablement dans une logique d’économie circulaire.

Le crépi des façades, pour sa part, est conçu à partir d’un enduit minéral. Notre projet démontre une volonté affirmée de prioriser des matériaux naturels et écologiques en matière de travaux d’isolation et de finition afin de garantir un cadre de vie on ne peut plus sain aux habitants. Notre partenaire fournisseur des blocs agit également en qualité d’accompagnateur dans la planification du projet et l’élaboration des détails. Il intervient aussi dans le contrôle afin de certifier la qualité constructive des choix architecturaux.

 

PK: Il faut également préciser que si l’on considère que les prix de l’énergie sont susceptibles de s’envoler à tout moment, l’autonomie énergétique garantie par une telle zone d’habitation permet d’entrevoir une plus grande résilience et liberté en matière de dépendance énergétique. Dans l’éventualité où d’autres quartiers du même genre devraient exister et proliférer, alors l’énergie manquante restant à produire ou à livrer pourrait faire l’objet d’échanges entre les différentes coopératives du même genre ou de ventes à des tarifs indépendants des régulations arbitraires prévalant sur l’échiquier mondial.

En d’autres termes, l’autogestion sous la forme de coopérative va presque devenir une nécessité à l’avenir afin de ne pas subir l’influence d’un éventuel investisseur externe pouvant fixer les tarifs à sa guise et au gré des circonstances conjoncturelles.

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