Covid-19: accélérateur (ou non) de la mobilité durable?

Le Covid-19 a eu un effet profond sur la mobilité. Du jour au lendemain, les employés ont commencé à télétravailler en masse, certains évitaient les lieux comme les transports publics par peur de contracter le virus et beaucoup se sont mis à marcher le week-end parce que les autres activités de loisir étaient annulées. Mais ces expériences nous ont-elles fait réfléchir différemment sur la mobilité? Dans quelle mesure allons-nous continuer à télétravailler? Avons-nous encore peur de prendre les transports publics ou de partager un trajet avec d’autres personnes? Une enquête par panel organisée par le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) en collaboration avec l’Université du Luxembourg permet d’en savoir plus sur les effets à long terme du Covid-19 sur la mobilité durable. Explications avec Dr Véronique Van Acker, chercheuse au département développement urbain & mobilité.

 

En mai-juin 2020 – juste au moment où le premier confinement a été assoupli – le LISER avait organisé une première enquête sur les effets socio-économiques du Covid-19 au Luxembourg. Cette enquête couvrait de multiples sujets et plus de 1.100 résidents luxembourgeois et transfrontaliers ont répondu à des questions sur leur participation aux activités quotidiennes hors du domicile, aux activités numériques et au télétravail et à leur mobilité, en particulier avant la pandémie et pendant le premier confinement au printemps 2020. Un an plus tard, en mars-mai 2021, le LISER a organisé une seconde enquête avec les mêmes répondants, mais aussi de nouveaux. La comparaison des deux vagues de collecte de données permet ainsi de mieux comprendre les effets du Covid-19 sur la mobilité durable.

La mobilité durable nécessite des actions autour de trois éléments. Premièrement, se questionner quant à la nécessité d’effectuer un déplacement, ce qui mène, par exemple, à faire du télétravail au lieu de se rendre au bureau. Deuxièmement, réfléchir au mode de transport le plus adapté. Peut-être que les transports publics sont à privilégier par rapport à la voiture par exemple.  Et troisièmement, une fois ces choix effectués, essayer de minimiser l’impact de son voyage. Parfois, les déplacements en voiture sont inévitables, mais il est toujours possible d’opter pour un véhicule partagé ou de choisir une voiture moins polluante. L’enquête du LISER offre un aperçu de ces trois éléments sur la mobilité durable.

Tout d’abord, l’une des choses les plus importantes que le confinement nous a probablement apprise est qu’il n’est pas toujours nécessaire de se déplacer. Cela a été particulièrement évident pour les déplacements pour se rendre au travail. Avant le début de la pandémie, la majorité des répondants salariés (84%) se rendaient sur leur lieu de travail quatre fois ou plus par semaine. Ce chiffre a chuté de manière significative pour atteindre seulement 16% en avril 2020, pendant le confinement, car un grand nombre des répondants salariés sont passés au télétravail. Avant la pandémie, 7 répondants salariés sur 10 ne travaillaient jamais à domicile, contre une minorité (7,6%) qui télétravaillait presque à plein temps (c’est-à-dire 4 fois ou plus par semaine). Cette situation s’est complètement inversée lors du confinement du printemps 2020: 6 répondants salariés sur 10 ont télétravaillé 4 fois ou plus par semaine contre seulement un quart (24,1%) qui ne travaillait toujours pas à domicile. Pour certains employés, notamment les travailleurs essentiels, le télétravail n’était effectivement pas une option. Mais cela montre également que beaucoup plus d’employés peuvent en fait travailler à distance. La poursuite de cette nouvelle pratique du télétravail – au moins dans une certaine mesure – pourrait donc avoir un impact énorme sur la réalisation de la mobilité durable. Le télétravail à temps plein, comme dans le cas du confinement au printemps 2020, est probablement trop extrême et pourrait avoir de graves conséquences psychologiques. Près d’un tiers (32,6%) des personnes ayant télétravaillé en avril 2020 ont indiqué que leur déplacement vers le lieu de travail commençait à leur manquer. Après tout, le déplacement vers le travail offre à de nombreux travailleurs un moment de «détente» ou du moins une pause entre le travail et la maison. Une semaine de travail hybride combinant le télétravail et les déplacements domicile-travail est donc fortement recommandée. D’après les résultats de la deuxième enquête de 2021, il semble que plusieurs répondants salariés appliquent effectivement ce mode de travail hybride. Seule la moitié des répondants salariés (51,8%) se rendait au travail 4 fois ou plus par semaine en mars-mai 2021. Ce chiffre n’est donc pas encore au même niveau élevé qu’avant la pandémie. Dans le même temps, plus d’une personne sur trois (34,6%) travaille encore à domicile presque à plein temps. Ce nombre se situe entre la situation avant et pendant le confinement au printemps 2020.

Un deuxième pilier de la mobilité durable consiste à choisir des alternatives à la voiture. L’une des grandes questions est l’impact du Covid-19 sur les transports publics. Dans l’enquête de 2020, 5 personnes interrogées sur 10 (51,9%) étaient d’accord pour dire qu’elles utilisaient les transports publics moins souvent qu’avant pour éviter les bus, trams et/ou trains bondés. Ce nombre a diminué, mais seulement à 4 répondants sur 10 (41,9%) dans l’enquête de 2021. Il semble donc que le Covid-19 ait créé une certaine peur d’utiliser les transports publics, surtout chez ses utilisateurs fréquents. Ce nombre est remarquablement plus élevé chez les employés qui se rendaient au travail en transports en commun avant la pandémie, par rapport aux non-utilisateurs de ces transports (77,1% contre 39,5%). Cela explique dans une certaine mesure pourquoi certains employés ont délaissé les transports publics au profit de la voiture lorsqu’ils ont dû se rendre au travail pendant le confinement du printemps de 2020. Alors que la plupart des anciens utilisateurs des transports publics (74,8%) étaient en télétravail en avril 2020, seule une minorité (6,6%) a continué à les utiliser et près de 2 sur 10 se sont tournés vers la voiture (19,2%) pendant le confinement du printemps 2020. Heureusement, les premiers résultats de l’enquête de 2021 sont plus positifs et indiquent un lent retour aux transports publics.

Enfin, dans certaines situations et pour certaines personnes, la voiture reste la seule option. Mais même dans ce cas, des choix plus durables sont possibles. Au lieu d’utiliser systématiquement sa propre voiture, on peut penser plus souvent à partager son véhicule ou simplement un trajet avec d’autres personnes. Toutefois, lors de l’enquête de 2020, près de 6 personnes interrogées sur 10 (59,1%) ont déclaré qu’elles avaient peur d’être contaminées par d’autres personnes et qu’elles ne partageaient donc pas de véhicule ou de trajet. Ce chiffre a considérablement diminué pour atteindre 3 répondants sur 10 (33,2%) dans l’enquête de 2021. La reprise après Covid-19 pour le covoiturage semble donc un peu plus positive par rapport à celle des transports publics.

Le Covid-19 offre donc des opportunités pour la mobilité durable – notamment en termes de remplacement du besoin de déplacement par des activités numériques telles que le télétravail – mais aussi de sérieuses menaces, et ce, notamment pour les transports publics et la mobilité partagée.

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