Mobilité des employés post-pandémie: de nouvelles stratégies à mettre sur les rails
Le confinement et l’instauration du télétravail ont véritablement bouleversé la mobilité des travailleurs. Au plus fort de la crise, les routes habituellement embouteillées se sont soudainement trouvées désengorgées, les transports en commun boudés et la bicyclette n’a jamais mieux porté son surnom de «Petite Reine». Un an et demi plus tard, alors que la plupart des travailleurs ont au moins partiellement repris la route du travail, l’heure est venue de réinventer de concert la mobilité et le bureau de demain. C’est la tâche que se sont assignés Anne-Sophie Preud’homme, Partner et Chief Operating Officer, et Dominique Laurent, Managing Director chez PwC Luxembourg. Ensemble, ils ont évalué l’impact de la pandémie sur la firme et préparent aujourd’hui l’ébauche d’une nouvelle normalité. Interview.
Pour les entreprises, quels sont les enjeux liés à la présence ou non des employés sur leur lieu de travail?
ASP: Selon moi, le premier enjeu est lié au sentiment d’appartenance à l’entreprise. Beaucoup de jeunes actifs intègrent notre firme chaque année et certains d’entre eux n’ont jamais connu une année «normale». Cette situation a une incidence directe sur leur intégration aussi bien que sur leur formation à nos différents métiers. Malgré davantage de travail en présentiel, un encadrement par des collaborateurs seniors chargés de leur «onboarding» et des formations digitales, le besoin de se rassembler et de travailler ensemble au bureau se fait réellement ressentir pour leur bonne intégration.
Si nous voulons limiter le trafic à l’avenir, il faudra éloigner les lieux de travail du cœur que représente Luxembourg-Ville
Par contre, le télétravail offre une grande flexibilité et certaines commodités. Bien qu’il fût déjà autorisé avant la crise, nos employés y recouraient peu dans les faits. Maintenant qu’ils l’ont expérimenté à large échelle, ce mode de travail est extrêmement apprécié – notamment parce qu’il permet d’échapper aux problèmes de mobilité et de rééquilibrer la balance vie privée-vie professionnelle – et nombreux sont ceux qui reviennent moins fréquemment au bureau qu’autorisé. Nous nous attendons donc à ce que les travailleurs plébiscitent un système de fonctionnement hybride, avec une partie du temps de travail passée au bureau et l’autre à la maison. Répondre à cette volonté sera sans aucun doute un critère différenciant dans les entreprises et un moyen d’y attirer ou d’y retenir les talents. Notons qu’à cet égard les entreprises luxembourgeoises seront confrontées à des limites en matière de fiscalité et de sécurité sociale et seront probablement moins flexibles et donc moins attractives que leurs voisines.
DL: La mobilité des employés a également des répercussions environnementales. Nous avons observé une diminution de 30 à 40% des kilomètres parcourus sur les véhicules qui ont été restitués dernièrement. Or, la mobilité des employés représente 70% de nos émissions de CO2. Cela signifie que l’impact environnemental de nos activités est sensiblement réduit par le mode de fonctionnement hybride des derniers mois.
ASP: Dans le même ordre d’idées, la crise a permis d’accélérer nos projets «zéro papier». Du fait que les employés travaillaient à distance, nous avons dû accélérer bon nombre de programmes de digitalisation et avons par conséquent constaté une réduction massive du nombre d’impressions réalisées. Il est fort à parier que la situation se pérennisera si nous adoptons à l’avenir un mode de travail hybride.
Enfin, le télétravail accélère la révision de notre stratégie immobilière. Nous réinventons d’ores et déjà les bureaux de demain pour en faire des espaces à la superficie adaptée à leur occupation, où le risque sanitaire sera moindre et où la qualité de vie sera meilleure.
Il y a donc un équilibre à trouver entre le domicile et le bureau, mais vous proposez également des solutions à mi-chemin avec vos bureaux-frontières. Qu’en est-il?
ASP: Dès avant la crise, nous proposions des lieux de travail «intermédiaires» situés aux frontières, entre notre siège et les domiciles des employés. Ces bureaux satellites ont l’avantage de réduire les problèmes de mobilité tout en offrant un cadre de travail où les employés peuvent se retrouver en équipe. Cinq bureaux de ce type sont déjà ouverts. Nous redéveloppons actuellement leur modèle car, bien qu’ils aient été peu utilisés pendant la crise, ils devraient attirer davantage une fois que les règles fiscales en vigueur avant la pandémie seront à nouveau d’application.
DL: Notons que ces bureaux-frontières ne sont pas uniquement réservés aux frontaliers. Certains résidents, rebutés par les prix de l’immobilier en ville, s’éloignent de la capitale et peuvent également trouver commode de s’y rendre. Si nous voulons limiter le trafic à l’avenir, il faudra éloigner les lieux de travail du cœur que représente Luxembourg-Ville. Notre bâtiment principal, à la Cloche d’Or, fera figure de «flagship store», permettra de rencontrer nos clients, d’organiser des événements ou de collaborer en équipes en interne, mais beaucoup d’employés qui travaillent majoritairement seuls pourront exercer dans ces bureaux-frontières pour réduire leurs trajets.
Quelles autres solutions avez-vous intégrées dans la stratégie de mobilité de PwC Luxembourg pour vous adapter au retour des employés à temps plein ou partiel?
DL: Les réflexions se sont notamment axées sur le stationnement: qui dit télétravail, dit faible occupation du parking. Nous redéveloppons donc une application qui permet d’indiquer son lieu de travail jour après jour et de gérer la réservation du parking en conséquence, ce qui nous permettra de maximiser la gestion de nos emplacements.
Évidemment, les solutions de mobilité que nous proposons depuis plusieurs années sont toujours d’actualité. En 2014, nous sommes entrés dans une logique de covoiturage qui accorde à chaque équipage de trois personnes un accès gratuit au parking de l’entreprise sur réservation. Nous avons également mis en place un système d’autopartage qui offre une solution flexible aux cyclistes, aux usagers des transports en commun ou encore aux conducteurs de voitures électriques qui auraient besoin de se déplacer plus loin que ne leur permettrait leur batterie. Ces véhicules peuvent être utilisés tant pour des raisons professionnelles que privées. Nous disposions également de la Job Card et du mPass, mais nous nous réjouissons évidemment que la gratuité des transports publics remplace en quelque sorte ces solutions. Lors de l’événement que nous avons organisé le 16 septembre avec IMS Luxembourg, dans le cadre de la Semaine européenne de la mobilité, nous avons tenté de susciter la réflexion et d’inviter les participants à tester certaines alternatives à la voiture. Le leasing vélo que nous proposons au sein de la firme en est une et elle a eu beaucoup de succès durant la crise.
Si nous mettons un point d’honneur à promouvoir des solutions de mobilité durable, c’est que PwC a adopté une stratégie «net zero» qui devrait nous permettre d’être climatiquement neutres d’ici 2030. Ainsi, dès 2022, chaque nouveau véhicule commandé sera soit électrique soit hybride, avant le basculement vers le full électrique. Cela devra passer par une adaptation des bâtiments, avec une augmentation de la capacité de charge, mais aussi par des solutions pour la charge à domicile ainsi que sur le réseau public, c’est pourquoi la mise en place de cette stratégie est relativement longue.