Le Masterplan communal: un outil pour façonner l’avenir
L’évolution d’une commune est complexe si bien qu’il est nécessaire de prendre en considération de nombreuses données lorsque des décisions politiques sont prises. Il s’agit du masterplan. Frank Leuschen, fondateur et administrateur délégué du cabinet de conseil indépendant MC Luxembourg, présente les avantages d’un tel type de plan d’action dans le développement des communes et des services liés aux citoyens.
Depuis près d’une quinzaine d’années, vous assistez des communes dans leur recherche de solutions aux défis liés à leurs nombreuses missions. Que constatez-vous dans le contexte actuel?
La complexité qui pèse sur la plupart des communes croît de jour en jour. Elles doivent non seulement faire face à une hausse de leur population, synonyme d’une augmentation substantielle des dépenses, mais aussi à des «missions» complémentaires souvent d’ordre – voire d’intérêt – national. Le développement multiculturel de notre société, par exemple, impacte directement le sujet de l’éducation et de l’encadrement socioéducatif. Il réclame une coopération renforcée entre les acteurs socioprofessionnels et, par ailleurs, l’aménagement d’infrastructures multifonctionnelles adaptées aux besoins, à court et à moyen termes, au niveau communal et éventuellement régional. De même, les défis et enjeux en matière de développement durable nécessitent tant des plans d’action cohérents (Pacte Climat) qu’une mise en œuvre de projets concrets souvent complexes, pour lesquels il faut mobiliser des compétences et ressources hautement qualifiées ainsi que des moyens budgétaires parfois substantiels. Quant au financement desdites missions communales, elles ne sont peut-être pas remises en cause mais doivent être considérées avec une certaine prudence, à l’aune du contexte économique actuel et des effets éventuels de la crise sanitaire. Elles doivent faire l’objet d’une analyse approfondie et, avant tout, réaliste.
Quelle approche les dirigeants communaux devraient-ils adopter?
Nous proposons d’engager une profonde réflexion autour des services au citoyen et de leur qualité de vie. Quels sont les besoins et attentes à moyen et à long termes de nos citoyens? Voilà la question-clé dans ce débat. Pour pouvoir y répondre d’une manière structurée et pérenne, il y a lieu de développer un plan d’action: un masterplan. Celui-ci doit s’appuyer sur un état des lieux suffisamment précis: qu’avons-nous, que nous manque-t-il? Que devons-nous faire pour que notre commune reste – ou devienne – attractive? À la base, les attentes d’un citoyen à l’égard d’une commune sont similaires partout, qu’il se trouve dans le nord ou le sud du pays. Prenons l’exemple d’un jeune couple avec un ou deux enfants qui est à la recherche d’une nouvelle habitation. Ils iront voir quatre ou cinq sites en comparant prioritairement les offres au niveau de l’encadrement scolaire et des structures d’accueil telles que les crèches, les écoles ou les maisons relais. Ils vérifieront si le chemin pour se rendre en classe ou à d’autres activités est sûr et bien organisé, à pied ou avec les transports en commun. Ils se renseignent aussi sur les services de proximité, de soins ou de prise en charge médicale… C’est ce que je définis comme l’«attractivité» d’une commune, une notion essentielle pour toute agglomération désireuse de bien préparer son avenir. Certaines communes pourront répondre à ces critères, d’autres dans une moindre mesure.
Comment peuvent-elles maximiser leurs chances pour y arriver?
Nous recommandons le développement d’un plan d’action cohérent avec un phasage réaliste, considérant les capacités budgétaires de la commune. L’appui que nous proposons aux responsables communaux est d’ordre stratégique. Avec nos équipes, nous les assistons à définir une vision à moyen voire à long terme autour de laquelle s’articulera le futur masterplan. Comme nous avons déjà mené à bien une bonne quinzaine de projets de ce genre, nous bénéficions aujourd’hui d’une expertise que nous avons pu affiner au fil du temps en fonction des retours d’expériences sur le terrain. J’insiste sur le fait que nous suivons une approche holistique et intégrée qui va bien au-delà des considérations liées aux seules infrastructures communales. Ainsi nous traitons aussi les aspects environnementaux, les questions liées au logement, aux finances communales, voire au développement économique communal ou régional. Il est fondamental de se donner une perspective démographique pour le long terme et de l’analyser à la lumière du PAG et des différents PAP, qu’ils soient déjà votés, en cours de procédure ou en planification. Il va sans dire que cela doit aller de pair avec une analyse financière sereine et des projections réalistes. Et, considérant que «l’union fait la force», une évaluation des opportunités de création d’effets de synergie au niveau régional ou intercommunal, dans le cadre de la mise en œuvre des différentes missions communales, peut toujours constituer un levier d’optimisation.
Comment s’organisent les échanges entre les représentants de la commune et vos experts ?
L’élaboration d’un masterplan n’est pas une mission technique ou scientifique. Notre approche repose, dès le départ, sur le développement «fondamental» de la commune, et ce, dans le cadre d’une approche participative. Nous nous appuyons donc sur une plateforme d’échange avec un spectre plus large. Au niveau politique, toutes les parties prenantes sont impliquées d’une manière active. Les «forces vives» locales sont, elles aussi, associées à ce processus pour obtenir une photographie la plus nette possible des besoins de la commune, tant aux niveaux administratif et technique qu’au niveau sociétal.
Une fois cet état des lieux achevé, quelles sont les prochaines étapes de l’élaboration du plan d’action?
Pour chaque mission communale, qu’elle soit obligatoire ou facultative, il y a lieu de développer, ensemble avec les parties prenantes, des scénarios alternatifs qui seront évalués par la suite sur base de critères objectifs et neutres. Les analyses sont aussi bien quantitatives que qualitatives. C’est dans le cadre d’un débat contradictoire et constructif qu’une priorisation des scénarios et des projets relatifs est établie, et ce, en fonction des valeurs ajoutées qu’ils pourraient apporter aux citoyens et à la commune, tout en tenant compte évidemment du coût de mise en œuvre et de la faisabilité du scénario en question. C’est ainsi que cet exercice structuré permet d’établir un plan d’action cohérent et intégré. Il ne s’agit pas de mener une discussion qui se limite aux bâtiments et aux infrastructures, mais bien sur l’ensemble des besoins en matière de services communaux! Ce qui nous importe, c’est que le jeune couple pris en exemple précédemment se dise: «c’est dans cette commune que je souhaite m’installer, même si elle est relativement petite». Le masterplan est non seulement le résultat d’un processus réfléchi, mené à travers une approche participative, mais c’est également un document clé dans le cadre de la préparation et de la mise en œuvre d’un programme politique, voire d’une déclaration échevinale. Selon moi, chaque commune devrait avoir le sien!