De l’importance de professionnaliser sa fonction Achats

60% des entreprises ont reconsidéré les priorités stratégiques de leur service Achats en raison de la crise du coronavirus. C’est ce que dévoile la 3e enquête sur l’approvisionnement numérique (ou «Digital Procurement») réalisée par PwC. En révélant la fragilité de certaines chaines d’approvisionnement, la crise a fait de la gestion des achats un nouvel enjeu stratégique qui a beaucoup à gagner de la transformation digitale. Explications avec Yoliana Bayona Camargo, directrice, et Frédéric Chapelle, associé chez PwC Luxembourg.

 

PwC a récemment publié la 3e édition de son enquête sur le «Digital Procurement». Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire d’après cette étude?

YB: L’enquête révèle que, dans le contexte de la crise sanitaire, la digitalisation perd légèrement du terrain dans la liste des priorités stratégiques des services Achats, bien qu’elle y occupe la troisième position, derrière la réduction des coûts et le sourçage des fournisseurs. Malgré tout, elle confirme que la transformation numérique des fonctions Achats a progressé régulièrement ces dernières années, et même plus rapidement qu’attendu, peut-être en partie grâce à la nature de la crise qui a nécessité, pour respecter la distanciation sociale, une utilisation accrue des outils digitaux.

FC: La crise a malheureusement démontré, dans un certain nombre de cas, la faiblesse de la chaine logistique. La saga des masques est particulièrement révélatrice à cet égard et témoigne d’un manque de maturité de nombreuses entreprises dans la gestion de leur chaine d’approvisionnement, bien souvent parce que la fonction Achats en tant que telle fait généralement figure de parent pauvre. C’est une fonction back-office considérée comme peu rentable, voire comme un mal nécessaire. Or, je pense que la crise a démontré son importance. Toutes les entreprises et institutions publiques qui ont sécurisé leurs fournisseurs et établi de bons contrats sont restées fortes.
D’autres événements récents, comme le blocage du canal de Suez, ont mis en lumière l’importance de la sécurisation de la chaine d’approvisionnement. De nombreuses sociétés fonctionnent avec des stocks très réduits et le moindre incident peut remettre en cause leur capacité à vendre et à satisfaire leurs clients. C’est pourquoi elles tendent désormais à standardiser certains processus, notamment via des outils cloud qui permettent de sécuriser la sélection de leurs fournisseurs et de lancer des appels d’offres de manière automatisée, le tout en réduisant même certains coûts.
Et puis, au-delà de ces événements certes exceptionnels, l’heure est à la transparence: de plus en plus de clients sont attentifs à la traçabilité des produits. Ce souci, concomitant à l’émergence de critères ESG, revalorise également la fonction Achats et s’accompagne, dans un certain nombre de cas, de relocalisations.

 

L’enquête met en évidence trois groupes de cas d’usage pour lesquels PwC propose une stratégie de développement différente. Quels sont-ils?

YB: Les trois groupes de cas d’usage correspondent à des niveaux de maturité différents dans le processus d’automation. Le premier rassemble les cas d’usage «fondamentaux», à savoir les solutions Procure-to-pay, Source-to-contract et des outils d’analyse de données qui forment la base de la digitalisation de la fonction Achats et pour lesquels nous recommandons de poursuivre le développement de bonnes pratiques, d’harmoniser les processus et d’augmenter le nombre d’utilisateurs et le périmètre d’achat.
Les cas d’usage du second groupe, dits «de développement», sont implémentés dans les services Achats ayant atteint un certain degré de maturité et cherchant à répondre à des besoins additionnels. Il peut s’agir, entre autres, de recourir à des portails collaboratifs, d’automatiser certaines tâches administratives ou d’améliorer la traçabilité de la chaine d’approvisionnement et la connaissance des fournisseurs. Dans ce cas, nous conseillons de mesurer la valeur ajoutée de certains cas d’usage, d’accélérer le développement des plus prometteurs et de les déployer dans toute l’organisation.
Enfin, le troisième groupe, qui rassemble les cas d’usage à fort potentiel de développement, repose sur des technologies plus poussées, telles que l’intelligence artificielle, permettant par exemple le recours à des assistants virtuels ou des outils de sourçage intelligents. C’est également à ce niveau de maturité qu’il devient pertinent de s’intéresser à la gestion des risques, notamment en s’enquérant de la capacité de livraison de ses fournisseurs, en améliorant son processus de sélection et en multipliant les catalogues de ses partenaires potentiels. Finalement, plus un service Achats gagne en maturité dans son processus de digitalisation, plus il aura d’options à connecter à son système pour augmenter son efficacité.

 

Dans cette étude, PwC expose sa vision du parcours de l’acheteur de demain. Pouvez-vous nous la présenter en quelques mots?

FC: Son parcours sera soutenu par différents cas d’usage à fort potentiel qui faciliteront les tâches du quotidien et augmenteront la valeur ajoutée de la fonction Achats. L’un de ceux-ci sera l’automatisation des achats à faible valeur ajoutée afin que les acheteurs puissent concentrer leur attention sur les tâches à forte valeur ajoutée, comme des appels d’offres complexes ou des achats très spécifiques qui différencient leur groupe.

YB: Dans son parcours, l’acheteur de demain sera également attentif à la gestion des risques liés à ses fournisseurs, soit en les diversifiant, soit en relocalisant la production d’éléments stratégiques. Il cherchera également à rendre ses processus plus intelligents, notamment en recourant à l’exploration de données pour identifier les derniers goulets d’étranglement et les éliminer, ainsi qu’à automatiser ses interactions avec ses fournisseurs en recourant à des assistants virtuels par exemple.

 

PwC propose divers services en termes de «Digital Procurement». Quelles sont les caractéristiques de votre approche et les conseils que vous donneriez à une entreprise désireuse de se lancer dans la transformation digitale de sa fonction Achats?

FC: Chez PwC, nous traitons  chaque client de manière spécifique et unique en fonction de ses besoins et de ses objectifs, mais aussi de sa taille et de sa maturité. En effet, nous nous adressons aussi bien à de grands groupes, pour lesquels notre message est déjà clair, qu’à des PME qui utilisent Word et Excel pour réaliser le suivi de leurs achats. Ces entreprises peu matures dans la gestion de leur approvisionnement, nous les conseillons sur la sélection des fournisseurs, la sécurisation de leurs catalogues, la négociation des contrats, l’établissement des bons de commande ou encore la réception et le paiement des factures. Au fur et à mesure qu’elles se professionnalisent, nous recommandons des solutions d’e-procurement simples et relativement peu chères qui apporteront une réelle valeur ajoutée, jusqu’à la mise en place de solutions complètes, éventuellement renforcées par une plateforme de gestion du changement rendant leur adoption intuitive. Ainsi, nous accompagnons nos clients de l’élaboration de leur stratégie à son exécution, sur l’ensemble de la chaine des achats, et ce, quelle que soit leur taille. Dans la plupart des cas, le retour sur investissement s’opère en moins d’un an.
Nous accompagnons aussi les clients du secteur public, qui font face à des problématiques particulières liées à la procédure de passation des marchés publics. Au-delà de la partie relative aux achats, il y a tout un mécanisme d’engagement financier parfois complexe lié à une comptabilité budgétaire, qui est au cœur de la fonction finance dans le secteur public.

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