Autoconsommation: quelles possibilités ouvertes par la loi?

Dans le cadre de son Plan national intégré en matière d’énergie et de climat, le gouvernement entend atteindre les 25% d’énergies renouvelables dans sa consommation globale d’ici 2030. Dans ce contexte, et pour encourager notamment la production d’énergie photovoltaïque, il ouvre de nouvelles possibilités aux particuliers, entreprises et communes en matière d’autoconsommation via la loi du 3 février 2021 relative à l’organisation du marché de l’électricité. Le premier conseil que Pierre Wauthier, Lead Advisor Real Estate chez Arendt Regulatory & Consulting, et Marianne Rau, avocate et associée chez Arendt & Medernach, donnent à tous ces acteurs est simple: rechercher un accompagnement professionnel avant de se lancer dans des projets de développement d’installations photovoltaïques en vue de l’autoconsommation et/ou de la vente de l’énergie produite.

 

Quel bilan peut-on dresser des efforts fournis par le Luxembourg en matière de production d’énergie photovoltaïque?

PW: En 2016, suite à l’Accord de Paris, l’Union européenne a exigé de ses États membres qu’ils développent un Plan national intégré en matière d’énergie et de Climat. Celui du Luxembourg prévoit trois objectifs dont celui d’atteindre 25% d’énergies renouvelables dans sa consommation globale à l’horizon 2030. Pour y parvenir, le pays doit augmenter ses capacités de production mais aussi diminuer la quantité d’énergie consommée.

Le Luxembourg a réellement accentué ses efforts de production depuis 2018 en lançant des appels d’offres pour la construction de centrales photovoltaïques s’accompagnant d’un contrat de prime de marché pour l’injection de l’énergie produite pendant quinze ans. À titre indicatif, le pays disposait d’une capacité de production de 160 MW d’énergie photovoltaïque fin 2019 dont 40 MW avaient été installés en 2018-2019, soit 25% de la production totale. Un nouvel appel d’offres de 40 MW s’est clôturé en avril dernier et d’autres suivront jusqu’en 2023, à commencer par celui qui sera lancé d’ici la fin de cette année. En additionnant la totalité de ces appels à la construction de centrales sur la période s’étalant de 2018 à 2023, 185 MW de puissance supplémentaire auront été déployés grâce à ces initiatives, ce qui représentera environ la moitié des capacités totales de production installées.

 

En matière d’autoconsommation, quelles sont les possibilités ouvertes par la loi du 3 février 2021 relative à l’organisation du marché de l’électricité?

MR: Cette loi donne l’opportunité aux entreprises, particuliers et communes d’accéder à l’autoconsommation et les encourage par la même occasion à la production d’électricité photovoltaïque. Ainsi, des entités qui ne sont pas issues du secteur de l’énergie s’intéressent à présent au photovoltaïque pour les besoins de leur propre consommation, mais aussi pour participer, à leur échelle, à la protection de l’environnement. La loi permet d’autoconsommer, de stocker et de vendre le surplus produit sur le marché. Concrètement, cela signifie qu’il est désormais possible de conclure des contrats de vente de manière privée, sans autorisation de fourniture. Certaines conditions doivent toutefois être respectées: on ne peut par exemple pas vendre l’électricité de manière professionnelle, l’activité devant rester accessoire. Le régime prévu par le règlement grand-ducal de 2014 relatif à la production d’électricité basée sur des sources renouvelables d’énergies prévoit par ailleurs des tarifs garantis ou des primes de marché selon les puissances fournies. Les potentiels producteurs d’énergie sont donc face au défi de trouver des surfaces éligibles ainsi qu’un modèle économique basé sur le régime d’aides dont ils choisiront de profiter.

PW: Grâce au nouveau règlement relatif à la performance énergétique des bâtiments tertiaires, de plus en plus d’installations de production d’énergies renouvelables y seront déployées. Au moment de la location, les promoteurs seront face au choix de louer le bâtiment et conserver cette installation pour leur propre intérêt ou bien de louer ces installations de manière conjointe avec leurs locaux. Il faudra alors définir des contrats conformes en fonction de l’option choisie. 

 

Quelle est la nature de votre accompagnement dans ce cadre?

PW: Il est conseillé de se faire accompagner dès la recherche des autorisations à obtenir en amont d’un projet et lors de la définition des risques encourus en termes de faisabilité. Les relations contractuelles avec les parties prenantes, que ce soit le promoteur, une future entreprise locataire, le propriétaire foncier ou une commune nécessitent également le développement d’une documentation adaptée.

Selon la complexité de l’opération, différentes matières sont abordées. Cela peut concerner des questions urbanistiques, environnementales et énergétiques. Les modalités d’exploitation elles-mêmes peuvent faire l’objet d’accord entre les parties.

MR: Pour mener à bien ces projets de construction, de location ou de vente d’installations photovoltaïques, différents volets doivent être maitrisés. Suite à l’entrée en vigueur de la loi du 3 février dernier, nous sommes régulièrement consultés pour connaitre les possibilités s’offrant aux différents acteurs concernés. Comme ces concepts sont relativement neufs, il est important de se faire conseiller avant de se lancer dans un tel projet. Concernant les appels d’offres du gouvernement pour la construction de centrales photovoltaïques, il s’agit de projets s’étalant sur 20 à 30 années et des questions peuvent se poser en matière de location des surfaces requises, comme des terrains ou des toitures de bâtiments, et du type de bail à créer. D’autres problématiques relatives au raccordement d’une installation au réseau peuvent se présenter: dans le cas d’une installation sur un terrain, il faudra parfois y accéder par d’autres propriétés, auquel cas des servitudes devront être prévues. Ces études doivent être menées en amont de la réponse à l’appel d’offres pour s’assurer que le projet est bien réalisable.

 

L’autoconsommation figure parmi les mesures inscrites dans la nouvelle version du Pacte Climat. Quel soutien pouvez-vous apporter aux communes dans ce cadre?

MR: Le Pacte Climat prévoit déjà un volet financier et une assistance technique auprès des communes. Nous pouvons leur fournir un accompagnement complémentaire concernant l’établissement de contrats et l’identification des possibilités qu’offre un projet en fonction de la réglementation actuelle. Idéalement, la législation actuelle pourrait être utilisée par les communes pour le développement de politiques sociales dans le cadre desquelles elles investiraient dans des installations photovoltaïques pour rendre l’approvisionnement en électricité moins cher pour des personnes à revenus modestes dans le but de soutenir ces ménages. En outre, le concept d’autoconsommation collective permet aux occupants d’une même résidence de partager l’énergie produite par une installation commune sans devoir créer une société ou reposer sur une personne morale. En revanche, une telle démarche doit être accomplie dans le cas de la création d’une communauté de partage d’énergies renouvelables à travers un quartier regroupé autour d’un même poste de transformation.

PW: Avec l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi sur l’autoconsommation et son inscription dans les objectifs du Pacte Climat, les communes seront amenées à développer ce type de projets, pour lesquels nous pourrons leur apporter notre expertise. Les initiatives qu’elles prendront dépendront toutefois des opportunités qu’offre leur territoire!