Et le potentiel de la quatrième révolution industrielle se révéla

Dans un article publié en 2017, des économistes de Stanford et du MIT confiaient qu’il semblait de plus en plus difficile d’avoir de «bonnes idées»[1]. Concrètement, ils ont noté que la productivité de la recherche, y compris dans le domaine médical, avait eu tendance à décliner au cours des décennies. Leur article – relativement techno-pessimiste – venait grossir les rangs des publications qui avançaient que les innovations récentes (trop concentrées dans le domaine de la communication et du divertissement) étaient plus anecdotiques que transformatives et invitaient à relativiser l’impact positif à attendre de la quatrième révolution industrielle sur l’économie et la société. Michel-Edouard Ruben, senior économiste de la Fondation IDEA asbl, remet en question leur constat dans cet article…

 

Par bien des aspects, certaines évolutions observées depuis un an semblent donner tort aux techno-pessimistes. Il est ainsi apparu que quelques-unes des technologies (numériques, médicales, environnementales, de production) qui font la quatrième révolution technologique pouvaient, au même titre que les «grandes inventions» du passé, réinventer l’économie et qu’il était possible de trouver dans les avancées scientifiques des dernières décennies matière à espérer d’importants regains de productivité et de progrès.

 

Dans le domaine de la santé 

La rapidité avec laquelle un vaccin considéré comme sûr et efficace a pu être mis au point est une véritable prouesse. Seulement dix semaines après que la séquence du Sars-Cov-2 ait été rendue publique débutaient les premiers essais de la vaccination. Cela a été possible notamment grâce à une nouvelle approche (vaccins à ARN messager) utilisée par des BioTechs (Moderna, Walvax Biotechnology, BioNTech, etc.). Cette nouvelle modalité vaccinale et ce succès gigantesque des BioTechs sont, au-delà du Covid-19, de bon augure dans la lutte contre les maladies infectieuses. Ils pourraient ouvrir la voie à de nouvelles générations de vaccins et devraient donner lieu à de nouvelles collaborations prometteuses entre de gros acteurs industriels et des startups biotechnologiques à même de libérer tout le potentiel de cette «révolution» vaccinale et de régénérer la médecine moderne.

 

Dans le domaine du travail   

Avec les obligations de distanciation physique afin de lutter contre la propagation du coronavirus, la crise a représenté une rupture sans précédent pour le marché du travail qui a malgré tout pu résister au choc grâce à la généralisation du télétravail. Du jour au lendemain, ce sont des centaines de millions de travailleurs qui ont découvert qu’il était «possible» de travailler autrement grâce aux nouvelles technologies (ordinateur, VPN, zoom, etc.). Si l’impact du télétravail sur la productivité des salariés et des organisations est encore discuté, il est permis de penser que cette «révolution» dans la façon de travailler qui a lieu dans le contexte de la crise ne devrait pas être neutre sur l’organisation future du travail (notamment en termes d’autonomie des salariés, d’offre d’emploi et éventuellement en termes de dépenses en immobilier d’entreprises) et pourrait amener à repenser l’organisation territoriale.

En plus des avancées marquantes et enthousiasmantes en matière de santé et d’organisation du travail, il a été observé depuis un an une avancée à grand pas de la numérisation de l’économie (commerce en ligne, crypto-actifs, monnaie numérique de Banques centrales, objets connectés, contact-tracing sanitaire, télésanté, dématérialisation de la restauration et de l’enseignement, production fondée sur les données, etc.). A côté de cela, les États semblent vouloir renouer avec leur rôle de stratège (souhait américain de «Build back better», désir européen d’être stratégiquement autonome, volonté chinoise d’être moins dépendante de l’innovation extérieure) et remettre en question les acquisitions tueuses et la capacité des brevets à créer indûment des obstacles à l’entrée et à la propagation technologique qui peuvent empêcher de futures avancées.

S’il est trop tôt pour savoir si de tout ce foisonnement sortira un nouvel âge d’or [2], il est tout de même permis de le souhaiter. Aussi, les entreprises, les salariés et les pouvoirs publics seraient bien avisés de s’y préparer avec le double objectif d’en tirer parti et de se prémunir contre les risques qu’il comporte.


[1] BLOOM, Nicholas, Charles I. JONES, John Van REENEN & Michael WEBB (2017), «Are ideas getting harder to find?».

[2] Robert Gordon (2016), La fin de l’âge d’or –  Finances & Développement, FMI.

 

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