Pour une santé publique cohérente et durable

Selon Paulette Lenert, ministre de la Santé, notre pays a besoin d’une stratégie forte avec une vision inspirante et partagée, face aux défis sanitaires actuels et futurs. Une vision à long terme dont elle a fait sa principale mission, en pariant sur la digitalisation des démarches et des outils, au service des citoyens.

 

Comment le ministère de la Santé intègre-t-il la digitalisation dans son propre fonctionnement?

Avec la pandémie, nous avons accéléré nos démarches digitales, notamment en termes de centralisation et de structuration des données. Aussi, nous avons très rapidement mis en place des banques de données et des outils de monitoring, avec le soutien du Centre des Technologies de l’Information de l’État (CTIE). Ceci afin de recueillir de manière centralisée un maximum d’informations nécessaires par exemple sur les tests Covid-19, les capacités des lits dans les hôpitaux, etc.

Nous avons ainsi pu promouvoir en interne une certaine culture de la gestion des données. Ce qui nous a aussi permis de mesurer la plus-value d’une telle démarche, en termes de gain de temps, de fiabilité et de qualité, que ce soit dans notre travail au quotidien, dans nos estimations et projections ou encore, évidemment, dans nos prises de décisions.

À l’avenir nous devons continuer dans cette approche digitale, que ce soit au niveau de nos tâches quotidiennes ou de projets comme le programme «Gesondheetsdësch», dans lequel nous avons un groupe de travail spécialement dédié à la digitalisation. Sur base aussi des expériences réalisées sur la réserve sanitaire, nous avons un projet de registre digital des professions de santé; jusqu’à présent nous travaillions avec des données très administratives et sur papier, mais la pandémie nous a fait ainsi réaliser qu’il fallait très rapidement instaurer un registre digital avec les différentes instances concernées.

 

Quelles autres applications et solutions digitales prévoyez-vous dans les prochains mois?

Nous sommes en discussion sur le projet du tiers payant actuellement en phase de test, qui reposera sur une application de paiement direct très conviviale. Je pense par ailleurs au Dossier de Soins Partagés (DSP), le dossier médical électronique du patient qui vient d’être lancé. Nous cherchons là aussi à familiariser la patientèle avec cette façon de fonctionner.

Nous prévoyons en outre le lancement d’une nouvelle application mobile, qui vise à dématérialiser un peu plus la gestion des mémoires d’honoraires et des ordonnances, avec comme avantage que les salariés pourront par exemple disposer de leur certificat d’incapacité de travail directement via un PC ou un téléphone. D’autres chantiers ont été lancés indépendamment de la pandémie, comme le certificat de vaccination électronique, qui est pour le moment en phase pilote.

 

Quels sont les grands axes santé des mois à venir?

Aujourd’hui, il s’agit de saisir l’occasion post-pandémie et de poursuivre les objectifs du «Gesondheetsdësch» à savoir: définir des mesures destinées à améliorer l’efficacité du système de santé en tenant compte des besoins de la population, de l’évolution des techniques médicales et des ressources dont dispose le pays. Aussi le développement rapide des nouvelles technologies de santé et le progrès médical représentent des défis majeurs pour la pérennité de notre système. Ceux-ci ont en effet rendu plus pressante la nécessité d’en améliorer l’efficacité et la résilience.

Chaque patient doit avoir droit à des soins de qualité et bénéficier de la meilleure prise en charge possible, à la pointe du progrès, que ce soit au niveau des soins primaires, secondaires ou encore de la prévention. Dans ce sens, la santé mentale de nos citoyens me tient particulièrement à cœur, et nous allons nous investir davantage encore dans les mois à venir dans ce domaine.

Cette pandémie a en effet mis à rude épreuve l’ensemble du secteur de la santé. Elle a souligné plus que jamais l’importance des professionnels de la santé – médecins, infirmiers, aides-soignants, etc. – et a attiré l’attention sur leur rôle de pilier indispensable dans notre système de santé national.

Je me réjouis d’autant plus que nous avons pu mettre en place conjointement avec le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le ministère de la Sécurité sociale, et le ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région, une réforme de l’exercice et des formations de certaines catégories de professions de santé au Luxembourg, que nous avons présentée récemment et qui vise aussi à assurer l’attrait de ces professions.

 

Quelles sont actuellement vos grandes priorités face à la pandémie?

La vaccination, la vaccination et encore la vaccination! L’accès à des vaccins sûrs et efficaces contre le Covid-19 est bien évidemment un élément-clé du dispositif national pour sortir peu à peu de cette pandémie. Cette approche nous permettra un retour progressif à la normale. En attendant, et à court terme, nous ne devons cependant pas lâcher prise, mais, optimiste de nature, je suis confiante dans l’idée que nous allons y arriver.

Ensuite, j’ai beaucoup de respect pour les avancées de la recherche et espère qu’il sera possible de développer dans un avenir proche un traitement médical efficace contre le Covid-19.

  

Comment envisagez-vous la politique de santé post-Covid? 

Pour élaborer une politique de santé publique cohérente, durable et capable de répondre aux grands défis que rencontre notre système de santé, il est nécessaire de prendre en compte l’ensemble des facteurs qui influent sur notre état de santé: la génétique, les habitudes de vie, les conditions de travail, l’environnement, l’habitat et les relations sociales et familiales – chaque fois en plaçant le patient au centre des réflexions. Mettre en place une politique active de promotion de la santé et de prévention des facteurs à risque, tout au long de la vie, est ainsi une autre de mes priorités.

Pour cela, notre pays a besoin d’une stratégie forte en santé publique avec une vision inspirante et partagée. Cette stratégie à long terme devra se matérialiser dans un plan national Santé, comme prévu dans le programme de gouvernement 2018-2023. C’est pourquoi le volet «La santé par la prévention: un changement de paradigme» est un des thèmes majeurs du «Gesondheetsdësch».

Un accent fort sera donc mis sur la prévention, afin d’améliorer la lutte contre les maladies chroniques – surtout celles causées par des facteurs de risque liés à l’hygiène de vie, notamment le tabagisme, la consommation abusive d’alcool, les régimes alimentaires non équilibrés et l’inactivité physique – et la promotion des modes de vie sains sera activement poursuivie. En ce sens, la question de la santé est également une question éminemment sociale.

Autre dossier que je considère comme prioritaire pour les mois à venir: le renforcement des soins primaires! Il est essentiel que le système de santé luxembourgeois puisse reposer sur un réseau solide de médecins et de professionnels de santé. Le médecin-généraliste traitant doit être la pierre angulaire dans le parcours médical de chaque individu et surtout des patients atteints de maladies chroniques. Il m’importe de créer un environnement où tous les acteurs se retrouvent, tant au niveau hospitalier qu’extrahospitalier.

 

Plus généralement, quelles leçons personnelles, professionnelles et politiques tirez-vous de cette expérience depuis votre arrivée au gouvernement et au ministère de la Santé?

La plus grande leçon que je tire de cette expérience ministérielle, mais qui se confirme aussi à travers mes précédentes expériences professionnelles, c’est qu’il est essentiel de savoir travailler en équipe. Pour moi, c’est bien là la force de notre pays et de la fonction publique luxembourgeoise que de pouvoir se connaître, de pratiquer le networking et le travail collaboratif. Par conséquent, nous avons tous tout intérêt à nous serrer les coudes, à travailler ensemble de manière flexible, pour mutualiser sur ce qu’on sait bien faire et ne pas commencer à faire sa propre cuisine, chacun dans son coin.

 

En quoi consiste le programme « Gesondheetsdësch »?

Ce programme réunit tous les acteurs de terrain pour définir une vision partagée du système de santé de demain, qui tient compte des défis existants tout en restant attractif pour le patient et pour le prestataire. Les idées et suggestions des parties prenantes serviront de base à l’élaboration du Plan National Santé.

 

Le programme compte actuellement 13 projets, dont:

  • La création d’un registre digital unique pour les professions de santé qui répertorie en temps réel des données actualisées sur tout le personnel de santé (actif/inactif), afin d’effectuer une projection des ressources disponibles dans les différentes professions;
  • La mise en place d’un paiement immédiat direct pour le remboursement des frais de maladie à l’assuré. Le système sera opérationnel dès 2023;
  • La digitalisation du tiers payant social – à savoir la prise en charge directement par la Caisse nationale de santé des prestations médicales et dentaires des personnes sans ressources – simplifiera les formalités administratives pour toutes les parties prenantes.

 

 

Par Marc Auxenfants

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