Mieux communiquer pour mieux construire, un enjeu majeur du BIM
Le processus BIM est encore trop méconnu sur le marché. Jugé trop coûteux et difficile à mettre en place, il provoque encore de la réticence auprès des commanditaires. Marco Da Chao, cadre dirigeant et chef de service BIM, et Kevin Soares, BIM Manager pour le bureau Schroeder & Associés, déconstruisent ces préjugés un à un. Ils expliquent notamment qu’en recourant à ce processus, la communication entre les différents acteurs d’un projet s’en voit hautement améliorée. Son avantage premier? Une économie de temps et d’argent. Démonstration.
Depuis combien de temps votre bureau recourt-il au processus BIM?
MDC: Les premières utilisations de logiciels de fabrication assistés par ordinateurs datent des années 1950 et l’utilisation d’un système de description des bâtiments des années 1970. Chez Schroeder & Associés, nous avons fait nos débuts en modélisation 3D de structures métalliques en 1999 et à partir de 2011, nous avons commencé à appliquer le processus BIM. Nous nous sommes d’abord concentrés sur la modélisation avant d’appréhender d’autres fonctionnalités du processus et de développer les conventions de travail nécessaires à son utilisation.
Le BIM est un processus standardisé à travers le monde qui permet de générer et de gérer des informations fonctionnelles ou physiques relatives à un projet de construction. Il ne s’agit donc pas uniquement d’un logiciel de modélisation, c’est aussi et surtout un processus de collaboration améliorant la communication et les relations entre les différents acteurs d’un même projet. Il permet de structurer la donnée et de l’enrichir tout au long du cycle de vie d’un ouvrage.
Le marché n’a pas immédiatement été réceptif à ce nouveau processus car sa mise en place peut sembler laborieuse et coûteuse. Elle implique par exemple l’acquisition de certains outils digitaux (ordinateurs plus puissants, cloud,…) et le développement de compétences. Toutefois, ces dépenses sont largement amorties puisque le coût final du projet ainsi que sa durée globale sont optimisés et les données utilisées tout au long du Facility Management.
Quelles sont les compétences réunies au sein de votre équipe BIM?
KS: Notre département BIM, fondé en 2016, était au départ conçu comme un support interne. Il fournissait aux ingénieurs-conseils une assistance à la modélisation 3D et les aidait à intégrer le processus BIM dans leur manière de travailler afin de pouvoir répondre aux exigences des clients.
Aujourd’hui, elle compte six membres aux profils variés pouvant compter sur l’ensemble de la famille Schroeder & Associés, avec des compétences dans les champs d’activité bâtiment, infrastructures, topographie, SIG, Project Management et IT complétées par une soif de recherche et d’innovation, ainsi qu’une appétence pour le digital. Notre comité BIM, comptant un représentant de chaque métier dont nous disposons en interne, est par ailleurs chargé de nous communiquer ses besoins en fonction des projets en cours. Comme il s’agit d’un processus répondant aux besoins propres d’un projet, des formations générales ne sont pas toujours suffisantes. Parfois, les solutions que nous recherchons n’existent même pas! Le BIM nécessite en effet une veille technologique et des formations continues que notre équipe assure au quotidien.
Nous disposons aujourd’hui de BIM Managers, soit des chefs d’orchestre d’un projet BIM, définissant les conventions et la gestion de la donnée entre les différents acteurs de sorte à respecter l’objectif BIM du client. Ce qui nous différencie d’autres acteurs est que nous sommes axés sur la mise en pratique et l’exécution du processus en le combinant à notre savoir-faire dans les différents métiers de la construction. Récemment, nous avons par exemple transformé des relevés topographiques en modèles, permettant ainsi la création de métrés automatisés, l’amélioration des plans «as built» et l’optimisation du Facility Management. Nous disposons également de tout le bagage technique de sorte à conseiller et assister nos différents clients souhaitant migrer vers le digital en mettant en place le schéma qui correspond le mieux à leurs besoins.
Quel est votre rôle en tant que BIM Manager dans un projet?
MDC: Il dépend du commanditaire et des besoins qu’il nous exprime! C’est sur cette base que nous déterminons au sein de notre équipe les ressources et les outils nécessaires pour y répondre. Chaque projet est différent et nécessite des compétences adaptées. Notre force réside dans la composition très complémentaire de notre équipe, qui a une connaissance des métiers de la construction et qui propose donc des solutions pragmatiques et personnalisées.
KS: En tant que BIM Manager, nous créons tout d’abord une convention BIM définissant quels logiciels seront utilisés, les procédures à respecter et les rôles de chacun. Nous suivons et assistons les différents acteurs, qui ont différents niveaux de maitrise du processus, pendant toutes les phases du projet. Ce cadre de collaboration nous permet de nous assurer que le produit fini corresponde aux attentes du client.
Un autre de nos rôles peut être de contrôler la cohérence des prestations fournies par les acteurs du projet afin de faire un suivi qualité au client. Nous veillons à l’harmonisation de la maquette finale afin que le maitre d’ouvrage puisse l’exploiter correctement sur le long-terme et l’alimenter à son tour pendant toute sa durée de vie.
Quels sont les principaux avantages de ce processus?
MDC: En travaillant en BIM, nous pouvons communiquer au travers d’une maquette complète, reprenant tout l’environnement du projet et ses alentours. De plus, en adressant une tâche à chaque acteur du projet, tous connaitront leurs rôle et responsabilités ainsi que les échéances qui y sont liées. Il est aussi possible d’associer un processus de validation à chaque tâche. Le déroulement de la construction est ainsi clairement défini étape par étape, et ce, visuellement. L’effort fourni dans la mise en place d’une communication centralisée et d’un cadre de travail précis permet par la suite de gagner un temps précieux lors de la construction, notamment en évitant les erreurs.
KS: Dans cette même idée, différents pays se sont coordonnés pour définir une appellation unique pour chaque objet, un format normalisé qu’on appelle les IFC. Destiné à faciliter la communication entre des acteurs internationaux, ce langage est en constante évolution. Nous le suivons de près pour adapter notre structure de la donnée.
MDC: Enfin, à chaque changement effectué dans la maquette par un des acteurs, l’entièreté du projet se met à jour automatiquement et dévoile les incompatibilités en 3D. Nous pouvons alors rapidement créer des scénarios évitant ces conflits en réarrangeant la planification. Cela permet de diminuer drastiquement les retours en arrière dans le processus de construction et par là, la perte de temps et les coûts supplémentaires qui en découlent.
Pourriez-vous nous donner un exemple concret de fonctionnalités qu’il permet?
MDC: Le processus BIM permet de digitaliser plusieurs étapes, comme une maquette 3D, le planning communément appelé «la 4D», les coûts «5D», le Facility Management «6D» et la durabilité «7D» pendant la phase conceptuelle, de planification, d’exécution et de maintenance de l’ouvrage.
L’utilisation d’une maquette permet de faciliter la compréhension du projet, de réduire les incompatibilités entre les différents acteurs, de simplifier la constitution des dossiers d’appel d’offres, d’optimiser le planning et la méthodologie de construction par la création de scénarios et de mieux gérer les métrés et la facturation pendant la phase de la réalisation d’un projet.
La centralisation des informations dans la maquette permet par exemple d’optimiser le Facility Management en exploitant une maquette de l’ouvrage réceptionné. Ces données seront accessibles et mises à jour tout au long du cycle de vie de celui-ci, servant également pour sa déconstruction. Nous travaillons par ailleurs sur un projet pilote financé par la Commission européenne en collaboration avec le LIST pour mettre à profit toutes ces informations lors de la déconstruction d’un édifice. La revalorisation des matériaux sera en effet facilitée par la connaissance de ses éléments constitutifs. De plus, de nombreuses fonctionnalités sont également disponibles à travers des outils collaboratifs: création d’alertes pour l’entretien des équipements techniques, archivage des garanties, automatisation des échéances auxquelles remplacer certains éléments, optimisation des performances énergétiques,…
Sans oublier que dans le cas d’une rénovation ou transformation d’un ouvrage classé, la centralisation des informations et la disponibilité de la maquette permet par exemple de retrouver facilement la liste et la fiche technique des matériaux qui le composent.
Quelles sont vos ambitions pour le futur?
MDC: Le processus BIM présente de nombreux avantages pour le domaine de la construction «bâtiments» et «infrastructures», nous voulons donc continuer à assister et conseiller nos clients pour les aider à évoluer dans ce processus. Grâce à la standardisation de nos méthodes, nous pourrons les conseiller quant aux étapes à franchir pour le mettre en place et sélectionner les outils personnalisés qui leur seront utiles.
En parallèle, nous continuerons à nous former et à approfondir notre compréhension afin d’améliorer la qualité du service rendu. Nous suivrons attentivement l’innovation et intégrerons les nouvelles technologies de sorte à apporter la meilleure solution aux besoins de nos clients et à persévérer en tant que partenaire confirmé dans ce domaine.