Mertzig, première commune de l’Économie pour le Bien commun

En 2019, la commune de Mertzig s’engageait dans l’Économie pour le Bien commun à travers son projet #mertzig4all. Ce modèle économique alternatif a pour vocation de placer l’humain et l’environnement au centre des préoccupations. Certifiée en décembre dernier, la commune vise désormais l’amélioration continue. Mike Poiré, bourgmestre, revient sur les avantages d’un tel modèle au quotidien ainsi que sur ses opportunités.

 

En février 2019, vous lanciez #Mertzig4All. Pouvez-vous nous rappeler les grandes lignes de ce projet ainsi que les principaux éléments qui fondent l’Économie pour le Bien Commun?

L’Économie pour le Bien commun consiste à renforcer des critères sociaux et environnementaux dans l’économie pour assurer la cohésion sociale dans une société individualiste où l’esprit de solidarité ne cesse de se déliter. Pour ce faire, elle s’appuie sur des valeurs telles que la dignité humaine, la solidarité, la durabilité écologique, la cohésion sociale et la participation citoyenne. Ainsi, aux objectifs quantitatifs permettant d’évaluer le «succès» d’un acteur économique, s’ajoutent des objectifs sociaux et environnementaux plus qualitatifs.

À Mertzig, l’aventure a commencé le 1er février 2019 avec la délibération du conseil communal approuvant à l’unanimité le projet LEADER (Liaison entre actions de développement de l’économie rurale) dénommé #Mertzig4all avec l’objectif de devenir la première commune de l’Économie pour le Bien commun du Luxembourg. Plusieurs événements se sont enchainés: le «kick-off» avec Christian Felber, co-initiateur du mouvement, ensuite, les voyages d’étude en Autriche et en Allemagne pour rencontrer d’autres municipalités œuvrant dans ce modèle économique, les «workshops» organisés à Mertzig avec la participation de citoyens engagés, partenaires, entrepreneurs locaux et agents communaux pour finalement aboutir à la rédaction du rapport officiel et l’audit externe qui nous a permis d’être certifiés en décembre dernier.

 

Quels seront les impacts de la certification dans la vie communale et dans la vie des citoyens au quotidien?

Le modèle économique de l’Économie pour le Bien commun nous aide à analyser, à remettre en question et à canaliser le travail et les efforts en permanence grâce à l’instrument de la matrice des valeurs. Chaque action politique nécessite d’abord une remise en question fondamentale, pour ensuite aboutir à une solution qui contribue le plus au Bien commun selon la matrice. Par définition, les administrations communales doivent s’engager pour le Bien commun, mais cela ne va certainement pas de soi. En effet, celles-ci doivent d’abord s’en tenir au cadre légal et réglementaire. Elles peuvent ensuite aller plus loin, aborder un sujet autrement en y incluant les valeurs précitées, et dans le meilleur des cas, être porteuses d’idées pour concrétiser des solutions innovantes. À titre d’exemple, je cite le programme «Nachhaltigkeit macht Schule» dans les écoles, l’organisation de «Repair-Cafés», la «Givebox» et la «Bicherbox», le «Mäerzeger Themewee», mais aussi des projets d’infrastructure de grande envergure comme le projet intégré de l’école et de la maison relais de Mertzig selon le concept «LernLandschaft» ou encore le réaménagement inclusif de la maison communale.

 

Comment se déroule l’«après-certification»?

C’est un processus qui ne se termine jamais car c’est un travail d’amélioration continu. En effet, dans le cadre du rapport, nous avons communiqué les mesures effectuées dans chaque chapitre, ainsi que l’évaluation envisagée du progrès.

L’évaluation finale de l’auditeur se base sur une échelle de -10 à 10 points. Nous nous réjouissons qu’aucun solde négatif n’ait été retenu. Par contre, le meilleur score est de 4 points et la grande moyenne se situe à 2,3 points. Les marges de progression dans certains chapitres sont donc considérables! Avec la première certification a donc commencé le travail de la seconde évaluation qui aboutira à un nouvel audit, et je l’espère, encore une meilleure certification qui contribuera à l’amélioration du Bien commun dans notre commune.

 

Mertzig est la première commune à obtenir une telle certification au Luxembourg. Pensez-vous devenir une source d’inspiration pour d’autres localités qui souhaiteraient franchir le pas?

Les échos sont très positifs. Grâce au groupe d’action locale LEADER Atert-Wark, l’évolution de notre processus a toujours été communiquée. Ainsi, les communes membres du Syndicat intercommunal «Kanton Réiden» sont prêtes à entamer la démarche. D’autres, de tous les coins du pays, nous ont contactés et quelques rendez-vous ont déjà été fixés. Il s’agit en effet de collaborer, d’unir les forces et de créer des synergies. De manière générale, ce modèle économique est un outil idéal pour les communes étant donné qu’elles sont tenues d’œuvrer pour le Bien commun par définition.

 

Selon vous, cette philosophie peut-elle s’appliquer à l’échelle d’un pays tout entier ?

S’il s’agit de promouvoir le développement d’un réseau afin de collaborer et d’échanger davantage dans le but de renforcer l’Économie pour le Bien commun au Luxembourg, l’État peut inciter les acteurs économiques et les soutenir dans un esprit de solidarité et d’impact sociétal en créant, par exemple, des avantages fiscaux pour les entreprises qui œuvrent dans ce sens. Le législateur pourrait par ailleurs mettre en place un cadre légal contraignant instaurant un devoir de vigilance pour les entreprises enregistrées au Luxembourg afin de sensibiliser les acteurs économiques au respect des droits humains, à la responsabilité sociale et aux normes environnementales ; le tout dans un esprit éthique. Le débat politique autour du PIB du bien-être illustre parfaitement que le bien-être commun d’une société ne réside pas uniquement dans les richesses matérielles, mais également dans une très grande dimension sociale et environnementale.

 

À l’heure où la société s’individualise, où la tendance est au repli sur soi, n’y a-t-il pas, à travers l’Économie pour le Bien Commun, une certaine remise en question des mécanismes de notre société actuelle?

En effet, dans le système économique actuel, produire à bas prix est indispensable pour être concurrentiel. Dans cette logique, il est avantageux pour les entreprises d’amenuiser les critères sociaux et environnementaux d’une manière telle que leurs produits ou leurs services soient les moins chers. Les entreprises qui agissent de la sorte dominent car ce qui est moins cher se vend mieux. Or, l’environnement se dégrade, ce qui a des répercussions néfastes sur la santé humaine. Par ailleurs, de plus en plus de personnes souffrent d’isolement et de stress. L’Économie pour le Bien commun propose un autre modèle d’avenir qui dispose de tous les ingrédients pour améliorer nos façons de faire et de penser.

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