Un centre d’attraction pour le Nord

Ettelbruck, Schieren, Erpeldange-sur-Sûre, Diekirch et Bettendorf, ces communes du Nord représentant presque 24.000 habitants envisagent de ne faire qu’un. Jean-Paul Schaaf, bourgmestre d’Ettelbruck, nous conte l’histoire de la Nordstad, ce centre d’attraction pour toute une région, et évoque les dernières évolutions du processus de fusion. Il explique également comment les projets de sa commune se fondent dans ce large plan. Interview.

 

Pouvez-vous revenir sur l’histoire de la Nordstad et l’évolution récente du processus de fusion?

Le concept de Nordstad a été imaginé en 1973 par l’économiste et juriste Adrien Ries et est né du constat qu’il manquait un centre urbain attractif au nord du pays comme l’est Luxembourg-Ville pour le centre ou Esch-sur-Alzette pour le sud. Aucune démarche n’a toutefois été entreprise jusqu’au début de ce siècle, lorsque le plan directeur sur l’aménagement du territoire de 2003 a défini la Nordstad comme un centre de développement et d’attraction (CDA) d’ordre moyen. Depuis 2006, l’Etat et les communes concernées (définies alors comme une bande urbaine s’étendant de Colmar-Berg à Bettendorf) sont liés par une convention de coopération. Depuis lors, nous travaillons sur des projets communs ayant trait, par exemple, au tourisme, au trafic routier ou encore à la construction en zones inondables.

En 2008, les six communes partenaires se sont dotées d’un masterplan définissant l’axe central qui relie les gares d’Ettelbruck et de Diekirch comme noyau de la Nordstad. Pour faire de celle-ci un CDA d’ordre moyen, cet axe se devait de devenir un pôle d’attraction pour l’emploi. Nous avons donc décidé de constituer un syndicat à vocations multiples, le ZANO, chargé de la création, l’aménagement, la promotion et l’exploitation d’une zone d’activités économiques sur le territoire de la Nordstad. Il aura fallu presque dix ans et d’importants efforts de la part des six communes pour préfinancer le projet, mais les premières entreprises sont désormais sur place. La délocalisation de certaines sociétés qui éprouvaient des difficultés à se développer dans les centres-villes vers cette zone d’activités où elles ont davantage de potentiel permet aussi de libérer de l’espace au niveau des agglomérations et d’y déployer de nouvelles activités. C’est ainsi que, de fil en aiguille, nous parvenons à construire cette fonction centrale qui est la nôtre.

Quant à la question de la fusion, elle a véritablement émergé lors des dernières élections communales. Très vite, les conseils communaux d’Ettelbruck, de Schieren et d’Erpeldange ont entamé une réflexion à ce sujet. Dans un deuxième temps, nous avons décidé d’ouvrir la discussion aux autres communes membres de la Nordstad. Diekirch et Bettendorf ont accepté mais Colmar-Berg a refusé de prendre part à un projet qui irait plus loin qu’une coopération ou une collaboration dans le cadre d’un syndicat. Nous étions donc à cinq pour entamer le processus de fusion. Depuis, nous avons établi un nouveau masterplan qui rassemble nos dernières idées et, en 2020, le gouvernement a créé une société de développement qui permettra d’acquérir le foncier nécessaire à la réalisation de l’axe central Ettelbruck-Diekirch (actuellement aux mains de différents propriétaires) et de le développer de façon harmonieuse avant de le remettre en vente.

Depuis l’année dernière, les collèges échevinaux mènent des discussions exploratoires et procèdent à des analyses de fond devant déterminer si la fusion fait réellement sens. En collaboration avec le SIGI, nous avons réalisé une analyse financière qui a été transmise aux cinq conseils communaux. Dans un second temps, nous avons organisé des rencontres avec la population dans chacune des communes concernées. Pour pallier la faible fréquentation due à la situation sanitaire, nous avons mis en place une consultation en ligne qui permettait à chacun de s’investir malgré tout. Au printemps, les conseils communaux décideront, sur bases de ces résultats, si nous pouvons poursuivre le processus de fusion.

 

D’après les résultats du processus de consultation citoyenne, quelles sont les questions qui préoccupent les habitants? A l’inverse, quels sont les aspects qui les enthousiasment?

La fusion de cinq communes est un exercice d’envergure. Dès lors, de nombreuses questions se posent quant aux services communaux et les citoyens ont beaucoup de petites et grandes idées pour y répondre. De la création d’une application citoyenne à la digitalisation de certains services en passant par l’aménagement des horaires d’ouverture, les sondés se sont prononcés pour une meilleure qualité de services et davantage de spécialisation. Parmi les habitants, certains souhaitent également renforcer la participation citoyenne, peut-être via la création d’un parlement des jeunes, une idée que je trouve très intéressante.

Les sondés ont aussi exprimé leurs préoccupations quant à l’accès au logement, à l’avenir des commerces locaux en centre-ville et à la mobilité. Ils ont notamment exposé leurs craintes quant à l’évolution du trafic routier ainsi que leur souhait de voir se développer des solutions en termes de mobilité douce. Nos citoyens ont également émis une panoplie d’idées en ce qui concerne les espaces de loisirs et les infrastructures sportives et culturelles. Certains plébiscitent la création d’un jardin communautaire ou d’une plage le long de l’Alzette, d’autres la construction d’une piscine supplémentaire, l’aménagement de chemins de randonnée de meilleure qualité ou encore l’organisation de compétitions sportives intra-Nordstad. Les participants souhaiteraient également disposer d’espaces dédiés aux activités créatives.

 

En parallèle, la ville d’Ettelbruck s’est fixé ses propres objectifs de développement pour l’horizon 2030. Comment votre vision s’intègre-t-elle dans le contexte plus large de la Nordstad?

En élaborant notre «Vision urbaine 2030», nous avons défini nos objectifs à long terme et déterminé des actions concrètes pour les atteindre. Cette vision repose sur la créativité, la qualité des espaces urbains et l’attractivité, notamment pour les plus jeunes générations.

A titre d’exemple, nous avons travaillé avec la Croix-Rouge luxembourgeoise pour mener à bien le projet HARIKO. Dans ce cadre, nous avons rénové un vieux bâtiment communal dans lequel nous avons aménagé un atelier mis gratuitement à disposition des artistes. En retour, ceux-ci offrent des stages ou des workshops à des jeunes de la région et contribuent à l’animation de la ville durant les fêtes.

En ce qui concerne l’aménagement urbain, nous avons fait appel à un architecte pour mener une réflexion sur le rattachement du quartier de la gare – actuellement en rénovation – au centre de la ville. L’idée est de lier les deux espaces par un prolongement de la zone piétonne. Le même architecte a également réfléchi au mobilier urbain et à son intégration harmonieuse dans la verdure. En effet, notre vision 2030 est aussi très axée sur la nature. Notre souci est d’offrir aux habitants du centre-ville davantage d’espaces verts dont ils puissent profiter gratuitement. C’est pourquoi nous allons entièrement rénover la place du marché. Après consultation des citoyens, nous avons décidé d’en rétrécir le parking de moitié pour aménager sur les 50% dégagés un petit pavillon restaurant et un espace de jeu sur le thème du marché. Nous avons également pour projet de revaloriser le parc de l’Alzette en y aménageant des bancs, des gradins, un espace de petite restauration ou un bar, ou encore une zone pour accueillir des camping-cars.

Finalement, l’idée est de renforcer le centre-ville dans son rôle, ce qui rejoint parfaitement la vision Nordstad.

 

Vous développez également certains projets qui, à nos yeux, rapprochent Ettelbruck d’une ville intelligente. Pouvez-vous nous en parler?

Il est vrai que certains projets s’apparentent à ceux d’une Smart City. Nous avons installé le wifi dans la zone piétonne ainsi que des bornes d’informations digitales. Un projet lié à la signalétique est également en phase de réalisation: prochainement, des totems seront installés dans la ville pour encourager les gens à la découvrir à pied. Toujours concernant la mobilité, il nous tient à cœur de faciliter le parking en ville. C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers une entreprise basée à Ettelbruck pour installer un système de parkings connectés. Grâce à des caméras qui détectent les mouvements sur les emplacements, nous pouvons afficher à l’entrée des parkings le nombre de places disponibles en temps réel. Le système permet de guider aisément les automobilistes vers les espaces libres. C’est d’ailleurs l’un des meilleurs projets que nous ayons réalisés!

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