Pactiser avec les communes pour augmenter l’offre en logements abordables

Tout le monde le sait, se loger au Luxembourg devient de plus en plus coûteux chaque année. Henri Kox, ministre du Logement, n’échappe évidemment pas à ce constat. A ce poste depuis un peu plus d’un an, il semble avoir pris les choses en main: la nouvelle version du Pacte Logement et la récente création du Fonds spécial au développement du logement en témoignent. Interview.

  

Le dernier bilan de la première version du Pacte Logement indique que seuls 2,2% du budget alloué aux communes jusqu’en 2017 ont soutenu directement la création d’habitations à bas coût. Peut-on parler d’un échec? 

Dans le cadre de ce premier Pacte, les communes recevaient des dotations en fonction de l’augmentation de leur population sans contraintes d’investissement en matière de construction de logements à coût modéré par la suite. On ne peut donc pas leur reprocher de n’avoir pas rempli leur contrat… Un des objectifs du ministère était à l’époque de normaliser la croissance démographique aux yeux de la population; il aurait toutefois fallu insister davantage sur la création d’habitations abordables.

Il faut cependant souligner que cette première version du Pacte Logement avait réussi à susciter l’adhésion de 97 communes qui ont investi dans l’immobilier ainsi que dans la création d’équipements collectifs. Lors du dernier monitoring, il est apparu que 830 nouveaux logements à bas prix avaient été créés en dix ans par les communes. Bien que le bilan final nous amènerait autour des 930 habitations bâties, cela reste largement insuffisant.

 

Quels sont les objectifs du Pacte Logement 2.0?

La nouvelle loi régissant le Pacte Logement – dont le vote devrait avoir lieu avant l’été – sera davantage ciblée sur l’augmentation de l’offre de logements abordables locatifs en main publique. Pour cela nous devons définir à partir de quel seuil un logement est considéré comme abordable… Cette loi mettra l’accent sur la nécessité pour ces nouvelles constructions de rester dans la main publique. Elles ne pourront être vendues qu’en emphytéose, avec un droit de rachat établi par une convention, ce principe garantissant que les logements abordables le restent.

Cette nouvelle version vise trois objectifs: l’augmentation de l’offre de logements abordables et durables au niveau communal, la mobilisation du potentiel foncier et résidentiel existant et l’amélioration de la qualité résidentielle. Largement inspiré du Pacte Climat, qui a connu un grand succès auprès des communes, le Pacte Logement 2.0 prévoit l’intervention subventionnée par l’Etat d’un conseiller logement, dont la gestion sera opérée par myenergy également. Dès la signature d’une convention avec notre ministère, la commune bénéficiera de l’appui de ce conseiller pour une durée minimum de 180 heures. Ce dernier facilitera la création, la mise en œuvre et le suivi du Programme d’action local (PAL) défini par la commune, mais sera également acteur central de collaborations intercommunales. Prestataire externe ou employé au sein de l’administration, son profil est apparenté à celui d’un technicien architecte urbaniste pouvant justifier une expérience d’au moins trois ans dans le domaine de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme ou de l’architecture.

Le PAL fixe les objectifs propres à chaque commune. Ce document vivant est voué à être adapté au fil de l’évolution des projets. Il prend racine à la signature de la convention, lorsque le conseiller identifie le potentiel détecté au sein de la commune, et grandit avec l’élaboration de projets définis en collaboration avec la commission consultative et le collège des bourgmestre et échevins. Nous encourageons par ailleurs l’échange d’expériences et d’idées parmi les différents conseillers logement à travers une plateforme informatique développée par le SIGI. Cet outil facilitera également le conseil et le contrôle par le ministère du Logement.

  

De quel soutien financier les communes peuvent-elles bénéficier dans le cadre du Pacte Logement 2.0?

En plus de la rémunération du conseiller logement pendant 180 à 240 heures pendant la phase d’élaboration du PAL, le ministère s’engage à rémunérer le conseiller pendant 240 à 380 heures additionnelles pour sa mise en œuvre, en fonction du nombre de projets à développer.

Par ailleurs, un logement construit en vue de la location obtiendra toujours 75% de soutien dans son volet construction grâce à la loi «aide à la pierre». De plus, toutes les communes rejoignant le Pacte cette année recevront une dotation de 25 euros par habitant avec un minimum de 100.000 et un maximum de 500.000 euros pour l’année 2020. Si elles signent une convention cette année, elles recevront 10.000 euros par logement abordable construit en 2020. À partir de 2021, ce montant atteindra 19.000 euros par unité. Pour inciter à leur mobilisation, les communes recevront une dotation de 2.500 euros par habitation mobilisée à partir de l’année précédant la signature de la convention.

Nous avons toutefois fixé des limites pour la dépense de ces dotations; elles pourront ainsi utiliser un maximum de 50% des subventions reçues pour faire l’acquisition d’immeubles ou de terrains ainsi qu’un maximum de 50% également pour cadrer la vie urbaine et faire vivre les quartiers en créant des lieux de rencontre. Elles devront par ailleurs utiliser un minimum de 25% des subsides en communication de leurs actions pour encourager la participation citoyenne et en investissement dans les ressources humaines qui leur permettront de développer de nouveaux logements abordables. Le montant dédié à la communication pourra toutefois être revu à la baisse dans le cas d’une collaboration intercommunale.

 

Une phase test a été déployée avec le syndicat «de Réidener Kanton» et les communes de Wiltz et Mondorf-les-bains. Quels sont vos premiers retours?

A travers cette expérience, nous avons testé la collaboration intercommunale. L’aide du conseiller logement a été grandement appréciée de même que l’outil digital développé par le SIGI. Suite à ce test, nous avons décidé de subventionner 60 heures supplémentaires d’intervention du conseiller logement dans le cadre d’une collaboration intercommunale et/ou d’une participation citoyenne, afin de leur donner le temps de partager leurs idées.

Nous avons également réuni les communes lors d’une conférence virtuelle de deux jours au début du mois de février. Organisée en collaboration avec le ministère de l’Intérieur et le Syvicol, cette séance d’information visait à présenter les objectifs et le fonctionnement de cette nouvelle version du Pacte Logement. Le but était de motiver les communes, car nous avons besoin d’elles pour augmenter l’offre! Très nombreuses au rendez-vous, elles ont manifesté leur intérêt pour notre démarche ainsi que leurs appréhensions. Par exemple, les plus petites d’entre elles craignent de ne pas avoir l’expérience nécessaire pour identifier et mobiliser des terrains. C’est pourquoi nous les encourageons à développer des projets communs ou encore à s’appuyer sur notre outil digital pour bénéficier de l’expérience des autres.

 

Quel était l’objectif de la création du Fonds spécial au développement du logement en 2020?

Nous voulions regrouper tous les projets de logements conventionnés et subventionnés en phase d’exécution pour avoir une meilleure vue sur les responsabilités et les investissements de chacun des acteurs dans ce domaine, qu’ils soient publics (Fonds du Logement, SNHBM, communes) ou privés (asbl, fondations, autres acteurs privés). Chaque année, notre bilan sera présenté à la Chambre des députés, notamment pour discuter des points bloquant encore la création de logements à coût abordable.

Grâce à cet instrument, nous avons une meilleure vue des habitations construites et à venir: les projets actuellement inclus dans le Fonds spécial concernent 3.682 logements dont 1.588 sont achevés et 2.094 seront finalisés d’ici 2024. D’autres projets, qui ne sont pas encore conventionnés, font l’objet de projections. Nous visualisons également mieux les actions de chacun des acteurs de la construction de logements abordables – dont celles des communes – et leur complémentarité. Parmi ces dernières, on compte toutefois environ 40 communes qui n’ont pas encore établi de convention avec le Fonds spécial. Les plus grandes sont, sans surprise, celles qui comptent le plus grand nombre de création de logements sociaux à leur actif.

Le Fonds spécial regroupe aujourd’hui tous les budgets de projets conventionnés; nous disposons cette année d’une enveloppe de 136 millions et envisageons un budget de 211 millions en 2023 pour un objectif de 1.000 logements abordables construits par an par tous les acteurs publics de la construction. Partant de 3 à 4% de logements à bas coût dans la main publique, nous avons l’ambition d’augmenter notre parc locatif pour atteindre les 15% à moyen terme. Parmi les leviers actionnés pour y parvenir, le Pacte Logement 2.0 représente un budget d’environ 40 millions d’euros par an. A travers celui-ci, nous espérons rallier toutes les communes en leur apportant une aide financière et logistique dans leurs projets de construction de logements abordables.

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