L’intelligence économique pour renforcer la performance et la résilience des entreprises familiales luxembourgeoises

Face aux difficultés que les entreprises familiales luxembourgeoises (EFL) sont amenées à rencontrer[1], un usage de l’intelligence économique (IE) pourrait participer de façon non négligeable à leur performance et permettre de renforcer leur résilience. Ingrédient essentiel pour soutenir une stratégie durable et créatrice de valeur, ce mode de gouvernance peut contribuer à les rendre plus compétitives et les aider à se relancer à la suite de la perte d’activité causée par la crise sanitaire. Éclaircissements avec Thomas Valici, économiste à la Fondation IDEA.

 

La résilience des entreprises

Au regard de l’importance du poids des entreprises familiales dans l’économie luxembourgeoise, il importe de ne pas négliger ce type de structure[2]. Bien que ces organisations aient des contraintes, elles peuvent aussi faire preuve d’une certaine résilience leur permettant de rebondir. Cette résilience, plus ou moins forte selon l’entreprise et le secteur d’activité, se distingue principalement dans «la capacité d’absorption du choc, de renouvellement et d’appropriation» [3].

Toute chose égale par ailleurs, cette crise sera d’autant mieux absorbée par les entreprises dont la structure financière était saine dès le début. Celles qui possèdent ou qui ont pu conserver des liquidités, détenaient moins ou pas de dettes financières, bénéficiaient d’un patrimoine important – et d’une bonne réputation acquise à travers le temps – en souffriront moins a priori. En outre, les entreprises qui, dans cette période de grande incertitude, sauront se renouveler rapidement et faire preuve d’agilité organisationnelle et d’audace dans la conquête de nouveaux marchés et le développement de produits et services innovants seront celles les plus à même à survivre. Enfin, les entreprises qui auront appris des chocs précédents et pour lesquelles les équipes partagent des valeurs communes auront également plus de chance d’éviter la faillite[4].

  

Les contraintes des EFL  

Bien que ces attributs diffèrent pour chaque EFL, la majorité d’entre elles exprimaient déjà, et ce bien avant l’arrivée de la crise sanitaire, leurs inquiétudes concernant leur compétitivité. C’est donc sans surprise que le «contrôle de la profitabilité était devenu une de leurs priorités»[5]. Un tiers des EFL faisait en effet état de difficultés à contrôler leurs profitabilité, coûts et trésorerie. Au même moment pourtant, 79% d’entre elles exerçaient leurs activités pratiquement uniquement sur le marché luxembourgeois. Enfin, les EFL éprouvaient aussi de grandes difficultés à recruter du personnel compétent, le motiver et le fidéliser.

 

L’IE: dynamique d’intelligence stratégique

Souvent confondue à tort avec l’espionnage économique, l’IE est fortement recommandée par de nombreuses études. Son usage permet de prendre plus facilement conscience de ses forces, faiblesses, opportunités et menaces et de comprendre les climats économiques, sociaux et politiques des pays dans lesquels les entreprises souhaitent s’implanter[6].

En épluchant les documents publics des autres acteurs, les EFL peuvent collecter un ensemble de données et ensuite les recouper pour les transformer en informations. Ces dernières peuvent alors être étudiées afin de comprendre et prédire les agissements des fournisseurs, clients, compétiteurs actuels et potentiels, analyser les produits et services substituables[7] ainsi qu’assurer un meilleur suivi des risques politiques, naturels et industriels et des évolutions technologiques. L’IE s’articule également autour de la sécurité économique et/ou de l’influence. L’entreprise peut alors protéger son image et patrimoine informationnel et s’orienter vers des opérations d’influence[8].

Si l’IE est davantage pratiquée par les grandes entreprises, elle n’en reste pas pour autant leur apanage[9]. Les TPE-PME[10] peuvent aussi tirer profit de son application. En centralisant la collecte des données et l’interprétation de l’information et en veillant à ce que les renseignements circulent efficacement, les résultats peuvent être largement bénéfiques[11]. L’IE participerait à «accélérer la prise de décision, (…), améliorer l’efficacité, réduire les coûts, accroître le savoir, (…), identifier les opportunités et les menaces, faire gagner du temps, (…), conduire à une découverte de clients inconnus, une meilleure planification stratégique, (…) et finalement entraîner une augmentation du chiffre d’affaires annuel[12]».

Dès lors, un recours à l’IE permettrait aux EFL d’être potentiellement plus compétitives, d’augmenter leur part de marché à l’international et donc d’accroître leur profitabilité et résilience. Les risques liés au développement de nouveaux produits et services et à la conquête de nouveaux marchés seraient ainsi diminués car des études approfondies de renseignement auront été effectuées en amont. Davantage de liquidité serait ainsi gardée au sein des bilans tandis que les salariés seraient plus justement rémunérés. Les EFL deviendraient ainsi plus attractives pour recruter. Enfin, les problématiques concernant la gestion de trésorerie se réduiraient car l’intégrité et les critères financiers – minimum exigés de profitabilité, solvabilité et liquidité – des clients et fournisseurs auront auparavant été analysés. Le besoin en fonds de roulement et les factures impayées des EFL pourraient ainsi diminuer.

 


Article fourni par la Fondation IDEA

[1]Voir : PwC Luxembourg (2007): Les entreprises familiales luxembourgeoises.

[2] 70% des entreprises luxembourgeoises seraient de type familial.

[3]Voir: Bégin & Chabaud (2010): La résilience des organisations – Le cas d’une entreprise familiale.

[4]Voir: Coutu (2002): How Resilience Works.

[5] Voir : PwC Luxembourg (2007): Les entreprises familiales luxembourgeoises.

[6]Voir: Muñoz-Cañavate & Alves Alvero (2017): Competitive intelligence in Spain: A study of a sample of firms.

[7]Voir: Porter (1985): The Competitive Advantage: Creating and Sustaining Superior Performance.

[8]Les plus citées sont : la construction de réseaux d’influence (décideurs politiques/économiques), les opérations de lobbying et le financement d’études.

[9]Voir :Carayon (2003) : Intelligence Economique, Compétitivité et Cohésion Sociale.

[10] 2/3 des entreprises familiales luxembourgeoises seraient des PME.

[11]Voir: Galvin (1997): Competitive Intelligence at Motorola.

[12]Voir: Oraee et al. (2020): The competitive intelligence diamond model with the approach to standing on the shoulders of giants.

Lire sur le même sujet: