La problématique du logement au Luxembourg

Le logement pose de plus en plus problèmes au Luxembourg: offre insuffisante de logements abordables, inégalités qui se creusent, cherté du foncier. L’Observatoire de l’Habitat[1] a publié deux notes sur la question de l’abordabilité du logement en 2020 et trois notes sur la problématique du foncier en 2019. Un retour sur ces travaux avec Dr Antoine Paccoud, coordinateur de l’Observatoire de l’Habitat.

  

Dans le cadre de l’Observatoire de l’Habitat, une collaboration entre le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) et le ministère du Logement, le LISER a publié deux notes durant l’été 2020 sur la question de l’abordabilité qui permettent une meilleure compréhension de la situation du logement au Luxembourg.

La première de ces notes (la Note 25 de l’Observatoire de l’Habitat[2]) s’est penchée sur la question de la part que représente le coût du logement dans le revenu des ménages au Luxembourg. Sur la période d’étude (2010-2018), plus d’un tiers des ménages résidant au Luxembourg sont des propriétaires remboursant un emprunt pour leur logement et plus d’un quart sont des locataires du marché privé. Ce sont ces ménages qui font face à un coût important du logement par rapport à leur revenu. Ceci est surtout le cas pour les ménages locataires sur le marché privé et ayant un niveau de vie modeste. De plus, la part du coût du logement dans le revenu s’est accru sur la période, en particulier pour les locataires du marché privé. La note montre aussi que les accédants récents à la propriété font face à un coût du logement important par rapport à leur revenu. De façon générale, les analyses de cette note montrent que ce sont les ménages les moins aisés qui ont vu la part de leur revenu dédiée au logement augmenter le plus fortement sur la période 2010-2018.

Prenant constat de cette situation, la deuxième de ces notes (la Note 26 de l’Observatoire de l’Habitat[3]) se penche sur la notion du logement abordable, un terme qui revient de plus en plus souvent au Luxembourg comme une solution face à la cherté du logement. Cette note passe en revue les différentes définitions de ce terme utilisées à l’international afin de faciliter éventuellement son utilisation et de proposer une définition adaptée à la situation luxembourgeoise. Sur la base d’exemples de bonnes pratiques à l’étranger, la note utilise la notion du continuum du logement pour organiser les différentes offres de logement qui existent au Luxembourg. A travers cette approche, la note définit le logement abordable comme un segment intermédiaire (en terme de prix d’acquisition ou de loyer) entre les logements d’urgence et les logements du marché privé. Ainsi, ce segment engloberait les logements locatifs étudiants, les logements locatifs à coût modéré, ainsi que les logements à coût modéré en vente et en propriété abordable construits par les promoteurs privés. Pour faire face à l’augmentation continue des prix du logement et des loyers qui rend l’accès au logement difficile tant pour les locataires que pour les primo-accédants à la propriété, la Note 26 recommande un accroissement significatif de la production de logements abordables de ce type. Elle propose aussi de réfléchir à un segment intermédiaire qui serait destiné aux ménages qui ont des revenus trop élevés pour être prioritaires pour un logement locatif social, mais qui ne peuvent néanmoins pas accéder à un prêt hypothécaire.

Ces deux notes sont complétées par les travaux menés dans le cadre de l’Observatoire de l’Habitat en 2019. Cette année-là, trois notes étaient parues sur la problématique du foncier au Luxembourg et pointaient vers un rôle important de ce dernier dans la dynamique des prix dans le pays.

La Note 22[4] présentait la mise à jour pour 2016 du recensement des terrains potentiellement disponibles pour l’habitat dans les communes. Elle a montré que la surface de terrains disponibles est restée relativement stable depuis 2004, et situe autour de 2.846 hectares en 2016. Pour donner un ordre de grandeur, cette surface pourrait être utilisée pour construire entre 50.000 et 80.000 nouveaux logements, si l’on tient compte des densités des nouvelles constructions observées au cours de la période 2010-2016. Ces résultats rendent difficilement défendable l’idée que le problème du logement au Luxembourg vienne d’une pénurie de foncier.

La Note 23[5] s’est penchée sur une piste possible pour expliquer la cherté des terrains à bâtir au Luxembourg: la structure de la détention de ce potentiel foncier. En effet, les personnes physiques et les sociétés privées détenaient, en 2016, près de 90% de ces terrains. Au sein de ces propriétaires fonciers privés, il y a en outre un haut degré de concentration: 3.182 personnes physiques (le top 20% en terme de surface) possédaient en 2016 près de 70% de la surface totale détenue par ce type de propriétaire (et près de la moitié du potentiel constructible du pays).

La Note 24[6] s’est penchée sur la dynamique des prix de vente des terrains à bâtir entre 2010 et 2017. Elle a montré que les prix de ces terrains ont augmenté de façon relativement régulière autour d’une moyenne de +6,1% par an entre 2010 et 2017. Cette hausse a été beaucoup plus forte que celle des logements existants et en construction. Il est donc possible que ce soient les prix du foncier qui tirent vers le haut les prix de vente des logements.Pour approfondir les connaissances sur la situation du logement au Luxembourg suite à ces travaux sur les problématiques du foncier et de l’abordabilité, l’Observatoire de l’Habitat va se pencher dans l’année à venir sur la fiscalité du logement et sur les processus qui sous-tendent la production de logements.

 


 

[1] http://observatoire.liser.lu

[2] Leduc, Kristell; Lorentz, Nathalie; Vergnat, Vincent / L’évolution du taux d’effort des ménages résidents du Luxembourg selon leur mode d’occupation et leur niveau de vie entre 2010 et 2018. 2020. Luxembourg: ministère du Logement – Observatoire de l’Habitat. 13 p. (La Note de l’Observatoire de l’Habitat; 25)

[3] Górczyńska, Magdalena; Bousch, Patrick; Paccoud, Antoine; Skoczylas, Konrad; Feltgen, Valérie / Le «Logement abordable» au Luxembourg: définition, offre et bénéficiaires potentiels. 2020. Luxembourg: ministère du Logement – Observatoire de l’Habitat. 41 p. (La Note de l’Observatoire de l’Habitat; 26)

[4] Feltgen, Valérie; Licheron, Julien; Skoczylas, Konrad / Le potentiel foncier destiné à l’habitat au Luxembourg en 2016. 2019. Ministère du Logement – Observatoire de l’Habitat. 17 p. (La Note de l’Observatoire de l’Habitat; 22)

[5] Paccoud, Antoine / Le degré de concentration de la détention du potentiel foncier destiné à l’habitat en 2016. 2019. Ministère du Logement – Observatoire de l’Habitat. 10 p. (La Note de l’Observatoire de l’Habitat; 23)

[6] Licheron, Julien / Les prix de vente des terrains à bâtir en zone à vocation résidentielle entre 2010 et 2017. 2019. Ministère du Logement – Observatoire de l’Habitat. 10 p. (La Note de l’Observatoire de l’Habitat; 24)

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