Un soutien financier aux communes pour relancer l’économie locale

Garantes de la sécurité et de la propreté au sein des espaces publics, les communes ont été en première ligne des adaptations visant à endiguer la propagation du Covid-19 au Luxembourg. Aujourd’hui, elles font face à un nouveau défi, celui de relancer l’économie par leurs investissements au niveau local. Emile Eicher, président du Syndicat des Villes et Communes Luxembourgeoises (SYVICOL), nous parle du soutien que le syndicat continue à apporter aux communes dans les problématiques qu’elles rencontrent depuis le début de la crise sanitaire.

  

Quel impact la crise de Covid-19 a-t-elle eu sur les communes et leur organisation?

Au début du mois de mars, avant l’annonce de l’arrêt des activités par le gouvernement, nous avions rencontré l’inspection sanitaire afin de déterminer quelles seraient les responsabilités de chaque acteur public face à l’épidémie et quelles étaient les mesures urgentes que nous devions prendre. Nous étions tous surpris par la rapidité de l’évolution de la situation sanitaire et savions qu’il fallait réagir rapidement et de manière organisée.

Il est ressorti de cette réunion qu’un plan de pandémie avait déjà été créé en 2008, mais personne ne connaissait vraiment la marche à suivre… Nous avons tout de même veillé à mettre ce document à disposition des communes et les avons averties qu’il faudrait qu’elles s’organisent rapidement pour garantir certains services essentiels auprès de la population. Nous leur avons également donné des conseils sur la manière de s’organiser et sur les mesures de protection qu’il fallait déployer.

Quelques jours plus tard, plus précisément le 8 mars, lors d’une réunion plus approfondie, nous avons rencontré la ministre de la Santé, Paulette Lenert, et la ministre de l’Intérieur, Taina Bofferding, ainsi que le groupe de gestion de crise pour définir  le rôle des communes, qui ont dû garantir la sécurité et la salubrité sur leur territoire. Le rôle principal du SYVICOL a alors été de coordonner les actions. En ce sens, nous avons créé un groupe WhatsApp qui rassemble les 102 bourgmestres luxembourgeois. L’idée derrière cette initiative était de favoriser l’entraide pour réagir le plus vite possible dans la réorganisation des services.

Ainsi, dès qu’une décision était prise, elle était partagée sur le groupe pour faire profiter les autres de ce début d’expérience. Par exemple, la commune de Diekirch a émis un règlement concernant la clôture de ses aires de jeux, voyant en celles-ci des foyers potentiels de contamination. Ce document a ensuite été diffusé auprès des autres bourgmestres afin qu’ils puissent le transposer sur leur territoire. En quelques heures à peine, des synergies ainsi que des flux d’échange entre les communes se sont très vite développées et nous avons ainsi trouvé une manière efficace de réorganiser les services communaux. Le groupe WhatsApp est d’ailleurs toujours opérationnel à l’heure actuelle!

Nous nous sommes aussi coordonnés pour définir quels étaient les services qu’il fallait absolument garantir auprès de la population. Nous avons digitalisé tous ceux qui pouvaient l’être et dans certains domaines où le contact humain était indispensable, nous avons mis en place un système de rendez-vous individuels. Cela a permis à une majorité d’employés communaux de pouvoir télétravailler. Le SIGI, qui gère les solutions informatiques de 101 communes, a également été très réactif si bien qu’en deux jours à peine, les employés du secteur ont pu travailler à distance.

Cette expérience a été très positive et nous a montré que ce mode de travail était non seulement possible mais surtout efficace! Nous examinerons donc son déploiement à plus grande échelle à l’avenir. Toutefois, nous avons constaté que pour des raisons d’organisation et de communication, nous ne pouvions plus travailler exclusivement de cette manière. Les personnes vulnérables peuvent toutefois toujours télétravailler, mais de manière générale, les employés ont manifesté leur volonté de revenir au travail pour retrouver un minimum de contact social, d’autant plus que l’aménagement des bureaux d’un point de vue sécuritaire le permet aujourd’hui. Quant aux services à la population, ils ont normalement repris leur cours.

 

Quelles ont été les actions menées par le SYVICOL pour soutenir les communes en cette période?

Nous avons fait le lien entre les communes et les instances ministérielles. Par exemple, nous avons été en contact étroit avec le ministère de l’Education nationale lors de la prise de décision de fermer les écoles… puis de les rouvrir! Lorsque le ministère a suggéré de diviser les classes en deux lors de la reprise des cours, la plupart des communes ont très vite réagi en soulignant le manque de salles de classe, de transport scolaire et de personnel pour répondre à cette demande. Nous avons alors cherché des salles qui pourraient convenir à l’enseignement et les avons aménagées pour qu’elles se rapprochent d’un niveau de conformité acceptable. Ces aménagements devaient se faire au cas par cas en fonction des salles trouvées et des besoins des classes. Nous avons dès lors assuré de longues conversation avec le ministère de l’Education et de l’Intérieur pour réorganiser l’enseignement fondamental et trouver des solutions qui convenaient à tous. De plus, la situation étant inédite, nous avons dû tester ces solutions sur le terrain avant de pouvoir nous prononcer quant à leur efficacité. Avec du recul nous aurions sans doute fait certaines choses différemment, mais la majorité de nos adaptations se sont révélées efficaces.

Cette crise nous aura permis d’entrevoir de nouvelles attentes de la part des élus envers le SYVICOL. Pour mieux les identifier et nous réorganiser en conséquence, nous avons mené un sondage auprès des 1.120 élus communaux du 19 juin au 12 juillet.  Il en est ressorti qu’à l’avenir nous devrons davantage recueillir les impressions de terrain pour réfléchir à des solutions concrètes quant aux problématiques qu’ils rencontraient. Nous devons par ailleurs renforcer nos actions en matière de formation continue des employés du secteur et rendre notre information et notre communication à destination des communes encore plus directe et rapide. De plus, la plupart des élus attendent de nous davantage de conseil, par exemple dans l’explication et l’aide à l’interprétation des nouveaux textes de loi ou des changements législatifs qui les concernent. Pour répondre à ces besoins, nous avons engagé deux nouvelles recrues pour renforcer notre équipe qui se compose maintenant de huit personnes.

 

Quel bilan peut-on tirer de l’état des finances communales?

Pas plus tard que le 1er octobre, nous avons rencontré le Premier ministre ainsi que les ministres des Finances, de l’Intérieur, de l’Education et du Logement afin d’obtenir des informations quant à l’impact de la crise sur les finances communales pour l’année 2021. Jusqu’ici le gouvernement nous avait seulement informés d’un déficit d’au moins 420 millions d’euros si la crise ne s’aggravait pas. Or, certaines communes ne disposent pas d’assez de réserve pour compenser cette perte de revenus et d’autres verront bientôt leurs ressources épuisées… Il est donc nécessaire de discuter d’une forme d’aide financière, à l’image de l’Allemagne qui a compensé au moins la moitié de la perte des revenus communaux de l’impôt commercial par des subventions étatiques.

Le gouvernement attend des communes qu’elles continuent à investir et la plupart d’entre elles sont conscientes qu’un frein dans leurs dépenses impacterait gravement l’économie locale. Elles continueront donc à financer des projets aussi longtemps que leurs finances communales connaitront une forme d’équilibre; toutefois, si le gouvernement ne leur vient pas en aide, il va rapidement y avoir un clivage entre les communes qui ont des réserves financières et celles qui vont devoir couper dans leur budget! Nous allons donc inciter le gouvernement à les soutenir… Les communes ont en effet un rôle essentiel à tenir dans la relance de l’économie car elles sont un véritable moteur pour les entreprises et commerces locaux. Si leurs investissements ne sont pas maintenus, ces PME risquent la faillite et d’entrainer dans leur chute d’autres sociétés dans un effet boule de neige catastrophique.

Bien que le ministère de l’Intérieur ait annoncé soutenir la construction d’équipements collectifs en élevant de 35 à 40% le niveau des subventions à ce niveau, cette aide n’est que minime car les plafonds pour ces bâtiments publics n’ont pas été adaptés depuis plus de 20 ans et ne correspondent plus à la réalité du terrain. Plutôt qu’une hausse des subventions, nous souhaitons un subventionnement prenant en compte l’évolution des coûts réels pour ce type de structures.

 

Comment envisagez-vous l’avenir à court terme?

Nous ne pourrons pas nous projeter tant que le gouvernement ne nous donnera pas d’indications claires sur le financement qu’il débloquera pour les communes en 2021. Il est d’ailleurs urgent que les communes aient connaissance de leur budget car les projets de l’année prochaine seront votés en fin d’année et il faut que nous les préparions dès maintenant.

Au niveau du SYVICOL, nous sommes entre autres en train de préparer des réunions régionales qui nous permettent non seulement d’approfondir les résultats du sondage avec les élus communaux, mais également de discuter avec eux l’orientation que le syndicat devrait prendre à l’avenir. Ces réunions vont en principe avoir lieu en début d’année prochaine, toujours à condition que les conditions sanitaires le permettent. Nous avons également prévu d’élaborer un programme pluriannuel de formation, au vu de la demande à ce niveau. Le SYVICOL n’est plus le même syndicat qu’il y a six mois et veille à s’adapter aux résultats des sondages: être plus proche de l’élu communal, répondre davantage aux besoins des communes et savoir faire face aux défis de l’ère post-Covid-19.

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