La recherche, un instrument de relance efficace

Comme tous les secteurs d’activité, la propriété intellectuelle a également dû adapter son quotidien à la crise sanitaire. Entre réorganisation du travail des employés et conseil à la clientèle pour poursuivre les activités de recherche indispensables à la relance économique, Luca Polverari, gérant et partenaire du cabinet luxembourgeois Marks & Clerk, nous parle des chamboulements que la société a dû affronter à une période où l’officialisation imminente du Brexit soulève de nombreuses questions…

 

Comment avez-vous réorganisé le travail de vos collaborateurs en période de confinement? 

Certains collaborateurs étaient déjà équipés d’ordinateurs portables mais nos équipes de support n’étaient par exemple pas correctement outillées. Nous avons fait le choix de permettre aux employés d’accéder à leur ordinateur par VPN, mais la bande passante n’était pas assez large pour autant d’utilisateurs… Il a donc fallu redoubler d’inventivité pour trouver des solutions: travailler en rotation par département, adopter des créneaux horaires différents,…

Certains de nos employés pour qui le télétravail posait problème pour des raisons organisationnelles ou familiales ont demandé très tôt à réintégrer les bureaux, ainsi dès la mi-mai nos locaux ont rouvert leurs portes avec des effectifs très réduits. Petit à petit de plus en plus de personnes nous ont rejoints; nous avons pour cela organisé un roulement et un sens de circulation, imposé le port du masque, mis du gel hydroalcoolique à disposition,… Aujourd’hui, seulement 50% de l’équipe occupe les bureaux, en rotation.

Mais le Covid-19 a également eu des aspects positifs! Il a notamment eu l’avantage d’accélérer notre digitalisation en surmontant la peur du changement des employés en des temps records. Cela nous pousse aussi à intégrer plus largement le télétravail dans nos organisations quotidiennes. Nous avons par ailleurs remplacé nos voyages d’affaires par des vidéoconférences et avons remarqué le gain de temps et d’argent considérable que cela constituait. Sans remplacer complètement les contacts humains, le digital prendra donc davantage de place à l’avenir. Nous entendons d’ailleurs aménager une salle de réunion spécialement pour ces rendez-vous virtuels.

 

Comment la crise a-t-elle impacté vos activités?

Chaque client a réagi différemment; une minorité nous a par exemple demandé de réduire les frais au maximum sans encourir de perte de droits. En parallèle, certains offices nationaux ont étendu leurs délais, ce qui a entrainé un allongement des procédures avec des instructions plus tardives et moins nombreuses. Cela s’est traduit par une baisse d’activité sensible… ce qui nous a finalement permis de prendre le temps de revoir notre organisation de travail en confinement!

C’est logiquement au niveau de la protection des marques que nos activités ont le plus baissé, car la conjoncture n’est pas bonne pour le lancement de nouveaux produits. Cependant, l’histoire a déjà démontré que les sociétés qui ont arrêté de faire de la recherche et de l’innovation en période de crise n’ont pas survécu les années suivantes. Il est ainsi certain qu’il faut continuer à protéger ses droits car les politiques poussent à la consommation et l’économie connaitra donc prochainement un rebond. Les sociétés qui disposeront des meilleurs produits sur le marché seront alors celles qui se remettront le plus vite de la crise. Nous proposons donc de les accompagner pour cibler davantage leurs recherches et en réduire les coûts, sans les arrêter complètement.

Des domaines comme la chimie ou l’industrie pharmaceutique permettent moins facilement de réduire les champs de recherches car on ne connait pas forcément les compositions qui aboutiront à un médicament. Il est donc plus difficile de réaliser des économies… Les recherches sur les traitements et vaccins contre le Covid-19 ont d’ailleurs fait l’objet de demandes de brevet à l’étranger.

 

La crise sanitaire a tendance à l’éclipser, pourtant la période de transition avant l’officialisation du Brexit touchera à sa fin en décembre prochain. Comment Marks & Clerk s’y prépare-t-elle?

Les négociations laissent à penser qu’il n’y aura pas d’accord et qu’il faut s’attendre à un Brexit dur. Je pense qu’il faut arrêter de le redouter et au contraire s’y préparer. Nous planifions donc un Brexit dur avec toutes ses conséquences. Nos collègues anglais vont perdre leurs autorisations devant l’EUIPO, soit l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle responsable de la gestion des marques et dessins. Nous sommes donc en train de mettre au point une organisation de travail passant par le Luxembourg qui leur permettrait de ne pas perdre leurs clients.

Le Brexit n’aura pas beaucoup d’incidence sur les brevets au niveau de la propriété industrielle. Par contre, concernant les marques et les dessins industriels, il faudra dorénavant les déposer en Europe et au Royaume-Uni en parallèle. Comme le marché anglais conservera une certaine importance, il faudra penser à se protéger sur le territoire anglais séparément. Cela rendra la démarche probablement un peu plus chère et compliquée.

A mon humble avis, le Royaume-Uni restera un partenaire commercial important pour l’Union européenne et j’espère donc qu’un accord commercial sera trouvé assez rapidement après le Brexit. Néanmoins, Nous restons prudents quant à cette prochaine année et nous nous attendons à une certaine baisse d’activité.

 

Comment rassurer vos clients?

Nous faisons de notre mieux pour aiguiller notre clientèle en cette période. Récemment, nous lui avons encore proposé une présentation sur l’impact de l’impression 3D sur les droits en Propriété Industrielle (PI). En effet, garantir la sécurité des produits demandera une nouvelle stratégie à une époque où l’essor de l’impression 3D va faciliter la copie de pièces en tout genre. Nous restons donc proactifs, à l’écoute des tendances du marché et vigilants quant aux nouvelles législations afin de garantir un conseil avisé à nos clients quant à la protection de leurs produits.

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