L’après Covid-19: répondre aux enjeux du secteur de la construction

Toute crise apporte avec elle son lot de remises en question et le secteur de la construction n’a pas échappé à cette règle. En première ligne de ces réflexions, l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils (OAI) a apporté son soutien à tout le secteur en entretenant un dialogue constant avec le gouvernement et les institutions et en préparant des solutions avec ses partenaires. Jos Dell, président de l’OAI, Marc Feider, vice-président, et Pierre Hurt, directeur, répondent à nos questions à ces sujets.

 

Quel a été l’impact de la crise sur les membres de l’OAI?

PH: Comme de nombreux secteurs, les professions OAI[1] paient un lourd tribut économique à la crise provoquée par le Covid-19.
De par leur structure[2], les bureaux membres OAI ont vu leur activité fortement impactée, notamment par la fermeture des chantiers par décision gouvernementale ainsi que par les mesures de confinement qui ont ralenti l’avancement des projets en phase de conception et en phase de soumission.
Ils se sont investis dans le télétravail en déployant toutes les opportunités offertes par la digitalisation afin d’assurer une certaine continuité et de faire le travail requis pour mieux sortir de cette crise.
Par solidarité avec les secteurs vitaux de notre société actifs sur le terrain pendant cette période, il a été essentiel d’encourager tous les autres secteurs d’activité qui ont pu encore travailler, notamment les travailleurs intellectuels indépendants, à redoubler d’efforts pour limiter l’impact de cette crise.
Il est cependant indéniable que la plupart des chantiers ont pris un retard qui va au-delà de la simple période de fermeture. Sur proposition de l’OAI, le CRTI-B (Centre de Ressources des Technologies et de l’Innovation pour le Bâtiment), plateforme regroupant les maîtres d’ouvrage, l’OAI et les entreprises, a mis en place une Taskforce afin d’établir des guides pour une adaptation pragmatique du délai prévu contractuellement.

 

Comment les mesures d’hygiène et de distanciation ont-elles impacté le secteur de la construction? 

JD: Afin de respecter les mesures barrières, les bureaux membres OAI ont dû adapter leur organisation interne de la même manière que l’ensemble du secteur tertiaire. L’organisation des chantiers a également demandé une intense réflexion. En effet, la réouverture des chantiers n’a malheureusement pas été accompagnée de lignes directrices générales de mise en œuvre et de phases de transition, ni de règles plus spécifiques au travail sur chantier.
Il subsistait de lourdes incertitudes au regard des législations en vigueur, notamment en matière sanitaire. Les questions des attributions et des responsabilités respectives des divers intervenants et des relations inter-entreprises (par exemple: qui organise les coactivités et les contrôles?) n’ont nullement été réglées. Les situations sur le terrain appelaient des traitements différents, en fonction de la typologie et de la taille du chantier et selon que l’intervention d’un coordinateur de sécurité-chantier est légalement requise.

MF: En réalité tout redémarrage des chantiers n’a pu se faire qu’après analyse de l’état de chaque chantier – après un mois de fermeture totale – et de la mise à jour du redéploiement des ouvriers sur site.
La Taskforce du CRTI-B s’est également penchée sur ces questions fondamentales pour établir une aide pratique de bon sens pour guider tous les acteurs (maîtres d’ouvrage, architectes/ingénieurs-conseils, entreprises, artisans,…). Il s’agit d’aider les maîtres d’ouvrage à continuer leurs projets de manière efficiente et sécurisée lors de la crise sanitaire.

 

Quelles conclusions peut-on tirer de cette crise pour construire un meilleur vivre-ensemble?

 

MF: En tant que laboratoire d’un cadre de vie durable et résilient, le Luxembourg constitue un excellent terreau de réflexion en la matière. L’expérience des derniers mois quant à l’organisation du travail, avec un recours accru au télétravail, apporte de nombreuses réflexions à intégrer dans la conception des espaces de travail et des logements.
Il ne s’agit pas de multiplier les petites surfaces, mais bien de les agencer différemment, en mettant l’accent sur des espaces modulables et flexibles. Il faudra également étudier comment permettre aux habitants de logements collectifs de disposer également d’espace pour s’aérer. Il ne faut pas perdre de vue l’importance du lieu de travail pour maintenir le sentiment d’appartenance à un groupe. Faciliter les échanges entre collaborateurs renforce la créativité, l’efficacité et la productivité des équipes.

 

Quelles ont été les actions de l’OAI auprès du gouvernement pour penser l’après Covid-19?

JD: L’arrêt des chantiers ne devait en aucun cas être synonyme de mise sous le boisseau, par les autorités administratives compétentes, des dossiers de demandes d’autorisation, dont en particulier celles des autorisations de construire. Au contraire, l’instruction de ces demandes et l’octroi des autorisations sont cruciaux pour favoriser, une fois la crise sanitaire surmontée, un rebond vital et accéléré de l’activité du secteur de la construction. Il s’agit surtout d’éviter de créer un goulot d’étranglement risquant d’asphyxier fatalement ce secteur économique, en laissant en suspens durant de longues semaines voire des mois, les dossiers de demandes d’autorisation déposés, auxquels s’ajouteront les demandes ultérieures. En concertation avec nos interlocuteurs, des solutions pragmatiques et de bon sens ont été trouvées pour maintenir au maximum l’activité dans les bureaux membres OAI.

 

PH: Bien que nous soyons pris dans la gestion de nos activités au jour le jour dans le cadre difficile de cette crise, il importe d’assurer notre responsabilité sociétale en préparant dès à présent l’après Covid-19.
En tant que professionnels intellectuels indépendants, et avec une approche holistique, notamment au sein de la Maîtrise d’œuvre OAI, l’Ordre et ses membres sont à même d’identifier les véritables enjeux du secteur de la construction pendant et après cette crise, et les réponses innovantes à y apporter. A cet effet, nous recueillons les points saillants et les idées des membres OAI pour concevoir et préparer des solutions avec nos interlocuteurs et partenaires (administrations, communes, Chambre de Commerce, Chambre des Métiers, Fédérations des Artisans,…) via un formulaire sur notre site www.oai.lu.
Ces suggestions (procédurales, opérationnelles, juridiques, financières,…), qui sont en cours d’analyse, permettent de nourrir le Think Tank OAI «Post Covid-19», également ouvert au public, en vue de participer au débat sociétal pour tirer les bonnes conclusions de cette crise pour construire un meilleur vivre-ensemble.

 


 

[1] Architectes, ingénieurs-conseils, architectes d’intérieur, urbanistes-aménageurs, architectes-paysagistes, ingénieurs-paysagistes.

[2] 72% des bureaux membres OAI ont un effectif d’une à cinq personnes!

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