Vision Zéro: éviter la propagation du Covid-19

Au Luxembourg, tous les secteurs d’activité peuvent déclarer une contamination au Covid-19 comme maladie professionnelle. Pour éviter sa propagation en entreprise, l’initiative Vision Zéro, déployée par l’Association d’Assurance Accident (AAA), l’Union des Entreprises Luxembourgeoises (UEL) et l’Institut national pour le développement durable et la responsabilité sociale des entreprises (INDR), a regroupé les recommandations et bonnes pratiques que les différents secteurs d’activité peuvent appliquer pour garantir un cadre de travail sécurisé à leurs employés. Georges Wagner, chargé de direction de l’AAA, et Jean-Paul Olinger, directeur de l’UEL et de l’INDR, nous en présentent les grandes lignes.

 

 

Comment s’est déroulé le processus de reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle au Luxembourg?

GW: Au Luxembourg, le code 3101 du tableau des maladies professionnelles regroupe les maladies infectieuses, comme le Covid-19. En cas de contamination, un médecin peut ainsi nous envoyer une déclaration médicale d’une maladie professionnelle. Ce type de maladie professionnelle concerne absolument tous les secteurs d’activité et pas uniquement celui des soins.
Lorsque nous recevons une déclaration médicale, nous contactons l’employeur pour lui demander des explications supplémentaires quant à l’exposition au virus au travail. Si la personne a été exposée et/ou que d’autres cas ont été identifiés au sein de l’entreprise, nous allons par conséquent la reconnaitre comme maladie professionnelle. Les employeurs peuvent trouver davantage d’informations à ce sujet dans une FAQ dédiée sur notre site (www.aaa.lu). Jusqu’à présent, l’ensemble des déclarations reçues, soit 35 à l’heure actuelle, émanaient du secteur des soins.
Nous prenons également en charge des frais non couverts par la CNS. En outre, si le patient conserve des séquelles ou bien, dans le pire des cas, s’il vient à décéder, nous avons prévu des indemnités supplémentaires voire des rentes de survie.

 

Quel rôle tient l’UEL par rapport aux instances publiques dans le cadre de cette crise?

 

JPO: L’UEL représente les employeurs du secteur privé, à l’exception du secteur primaire, et regroupe en tant qu’organisation faîtière la Chambre de Commerce, la Chambre des Métiers, ainsi que les six fédérations patronales luxembourgeoises qui représentent l’artisanat, la finance, l’assurance, le commerce, l’Horesca et l’industrie.
Pour l’UEL, la démarche sécurité-santé au travail s’inscrit dans un concept global de responsabilité sociale de l’entreprise et dans le contexte actuel du Covid-19, cela est d’autant plus important. C’est pourquoi les chambres et fédérations membres de l’UEL, ensemble avec les services de santé, ont élaboré différents outils afin d’aider les entreprises à mettre en place les mesures adéquates pour protéger les salariés qui reprennent le travail.
En parallèle, l’UEL assure le dialogue institutionnel avec le gouvernement, en sa fonction patronale au sein des organes de décision des institutions de la sécurité sociale (AAA, CCSS, CNS, CNAP, FDC), pour assurer le suivi de l’activité, se concerter sur des thématiques liées comme les incapacités de travail, le congé pour raisons familiales, le chômage partiel, ou encore la définition des personnes vulnérables. Nous avons par ailleurs informé ces instances publiques de la réalité vécue par les entreprises et de leurs problèmes quotidiens. Grâce à ce travail, les ministères ont pu bénéficier d’un éclairage complémentaire pour prendre leurs décisions.
Nous remercions le gouvernement pour la confiance qu’il nous a accordée, mais également pour celle qu’il témoigne aux entreprises en leur permettant de rouvrir progressivement. Les chiffres montrent que les mesures d’hygiène et de distanciation qu’il a imposées sont efficaces. En effet, la plupart des secteurs ont déjà rouvert, dont certains depuis plusieurs semaines, et on ne constate pas d’augmentation des cas pour autant. Ces mesures semblent donc porter leurs fruits!

  

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les entreprises dans le cadre de leur reprise? 

GW: Les secteurs n’ont pas tous été touchés de la même façon par la crise. Certains ont été complètement arrêtés et ont donc subi une perte d’activité de 100%, d’autres ont pu maintenir partiellement leurs activités. Parmi ceux complètement à l’arrêt, le taux d’accident du travail a évidemment atteint les 0%. Les autres secteurs ont beaucoup recouru au télétravail ce qui a également fait chuter le nombre d’accidents.
Par ailleurs, il y a eu au départ des problèmes d’approvisionnement en équipements de protection divers et également des difficultés à changer les habitudes et mentalités quant à une pratique comme le port du masque. Si deuxième vague il y a, nous serons mieux préparés à l’affronter.

 JPO: En effet, pour certains secteurs la crise sanitaire a entraîné un arrêt partiel ou complet des activités (par exemple pour l’artisanat, la construction, le commerce et l’Horesca) alors que pour d’autres, le télétravail s’est généralisé. Les membres de l’UEL accompagnent les entreprises pendant la crise et à la suite de la reprise pour mettre en place les processus de sécurité et d’hygiène qui leur sont imposés. Il s’agit d’abord d’un travail de sensibilisation des équipes, des clients et des fournisseurs pour qu’ils adoptent les bons réflexes, de façon générale et plus particulièrement par rapport aux besoins sectoriels applicables. D’un côté, les employeurs devront retrouver la confiance de leurs employés en leur garantissant un cadre de travail sécurisé et de l’autre, les entreprises devront rassurer leurs interlocuteurs (fournisseurs et clients) concernant leurs activités. La reprise ne sera que progressive notamment pour les secteurs les plus touchés.

Cette première expérience épidémique nous aura permis de tirer des enseignements du vécu des entreprises et institutions. Elle aura favorisé la sensibilisation à des pratiques de protection simples à mettre en place comme le port du masque. De plus, grâce à la stratégie de tests à grande échelle mise en place par le Luxembourg Institute of Health (LIH), un nouveau risque de propagation pourra être détecté par secteur. En l’anticipant, les sociétés cibleront leurs actions en conséquence plutôt que d’opérer une fermeture complète. Cela nous permettra d’approcher une éventuelle deuxième vague différemment, dans l’intérêt de tous.
Enfin, la distanciation physique opérée par le télétravail a eu des conséquences psychologiques sur les employés, mais également sur la culture d’entreprise. Les liens entre les équipes en pâtissent et il est plus difficile d’intégrer les nouveaux membres dans une équipe, par exemple.

 

Quels sont les outils déployés par les initiateurs de Vision Zéro pour accompagner les entreprises?

JPO: Sur le site web de l’UEL, on retrouve des guides de bonnes pratiques créés par les organisations sectorielles en collaboration avec la médecine du travail, le ministère de la Santé et les organisations européennes pour organiser la reprise en toute sécurité. Une check-list peut aussi les aider à n’oublier aucune mesure! Chaque secteur a en effet ses spécificités et les mesures de protection contre le Covid-19 doivent être adaptées en fonction de celles-ci.

GW: Sur le site «visionzero.lu», nous avons rassemblé les liens vers les sites patronaux et du salariat réunissant des recommandations et bonnes pratiques. Il existe bien sûr des pratiques générales qui concernent tous les secteurs et qui sont reprises dans les recommandations du gouvernement, comme la distanciation de deux mètres et le port du masque quand cela n’est pas possible, le lavage régulier des mains, etc.

 

Beaucoup d’entreprises continuent à recourir au télétravail dans le cadre de leur reprise, quelles conclusions tirez-vous de cette pratique après plusieurs semaines d’application?

GW: Il faudra faire le point sur le télétravail et voir ce qui a fonctionné ou non. Les employeurs ont constaté que ce mode de travail fonctionne et on peut donc s’attendre à ce qu’il prenne davantage d’ampleur à l’avenir. Grâce à cette pratique, beaucoup d’employés n’ont plus effectué de trajet en voiture, ce qui a décongestionné les routes et diminué le nombre de ce type d’accident. Par ailleurs, à cause du confinement, beaucoup de secteurs étaient fermés, notamment ceux à risques élevés et si nous comparons nos statistiques à celles de l’année dernière, nous avons enregistré une baisse de plus de la moitié du nombre d’accidents sur cette période.

JPO: Si le télétravail a indéniablement apporté des solutions pour certains postes et continuera à se développer, il ne pourra jamais se substituer complètement au travail en équipe au bureau; c’est un outil complémentaire. Il y aura toutefois tout un volet de questions parmi lesquelles des considérations de sécurité et santé spécifiques au télétravail à prendre en compte.

 

Comment se développera l’initiative Vision Zéro dans un futur proche?

JPO: Afin de promouvoir durablement l’excellence et le transfert du savoir-faire en matière de gestion et de suivi dans les domaines de la sécurité et de la santé en entreprise, l’UEL, à travers l’INDR, et en collaboration avec l’AAA et d’autres partenaires de référence, organise régulièrement depuis 2004 un ensemble de manifestations dédiées à la sécurité et à la santé en entreprise qui ont abouti à la stratégie nationale Vision Zéro, dont le forum sécurité et santé au travail fait partie. La centaine d’exposants qui y participent attire tous les deux ans plus de 1.000 visiteurs aux workshops  organisés.

GW: La première étape de notre stratégie Vision Zéro a débuté en 2016 avec une approche générale. Pour aller plus loin dans cette stratégie, nous sommes en train de développer une approche plus sectorielle avec l’objectif d’identifier plus précisément les problématiques auxquelles chaque secteur est confronté, et ce, afin de prévenir et réduire encore plus efficacement les accidents du travail que l’on y rencontre. Dans ce contexte, notre forum sécurité et santé au travail qui devait avoir lieu cette année a été reporté à une date ultérieure, en attendant que la situation revienne à la normale.

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