L’agenda digital dans le «monde d’après»: quelles perspectives?

Avec la crise liée au nouveau coronavirus, c’est tout un pan de l’économie qui s’est numérisé à marche forcée. Véritable planche de salut pour certains secteurs, la digitalisation a bénéficié d’un coup d’accélérateur inopiné qui rebat les cartes de bien des stratégies. Analyse avec Patrice Witz, Digital Leader chez PwC Luxembourg.

 

Si l’on parle de «transformation» digitale, c’est que la société qui s’est engagée dans ce processus en est sortie changée. Si vous deviez dresser un tableau des entreprises luxembourgeoises avant, pendant et après la crise sanitaire, que souligneriez-vous?

Avant la crise, une étude PwC intitulée «Banking Trends and Figures» avait révélé l’ampleur du travail qu’il restait à accomplir du point de vue de la digitalisation à Luxembourg. D’après ce sondage, seuls quelque 50% des sociétés se disaient engagées dans la transformation digitale à la fin de l’année passée. L’autre moitié ne s’était pas encore lancée dans le processus ou n’était que dans sa phase de démarrage. Le même constat pouvait s’appliquer à tous les secteurs. Et lorsque agenda numérique il y avait, la priorité était largement donnée à l’optimisation des processus ainsi qu’à la gestion de la relation client.

Pendant la crise, c’est la mise en place de capacités de télétravail qui a pris le pas sur le reste. Bien que beaucoup d’entreprises soient parvenues d’une manière ou d’une autre à organiser le travail à domicile, l’exercice a mis en lumière un certain nombre de difficultés opérationnelles. Pallier la circulation du papier entre les services, l’absence de contacts directs et rapprochés ou l’accès aux applications métier nécessaires à la réalisation des activités quotidiennes représentaient autant de défis.

Nous entrons désormais dans une troisième phase que nous pourrions qualifier de «sortie de crise». Le temps est venu de réfléchir à l’efficacité des modèles opérationnels et à l’accélération de l’agenda digital pour renforcer la dynamique des entreprises et assouplir leur mode de fonctionnement dans les métiers, les opérations, mais aussi vis-à-vis de l’accélération de la vente et du service à distance par exemple.

 

Dans le contexte de la crise, l’un des objectifs premiers était de rendre possible le télétravail à large échelle. Quelles sont les leçons à tirer de cette expérience?

Avant la crise, personne n’aurait ne serait-ce qu’envisagé d’expérimenter le télétravail à cette échelle. Force est de constater que le confinement a contraint toutes les sociétés à lancer l’initiative de manière tactique. Aujourd’hui, nous accompagnons des entreprises luxembourgeoises dans leur réflexion sur le télétravail de demain dans une logique durable. Il faut que le télétravail remonte dans l’agenda digital et qu’il soit abordé avec un œil neuf car il ne s’agit pas simplement d’une mise à disposition d’outils et de matériel, comme cela a été perçu pendant la crise, mais d’un dispositif beaucoup plus stratégique qu’il n’y paraît, qui touche à des enjeux de ressources humaines, d’immobilier, de fiscalité, de modèles opératoires et de résilience. L’Etat a d’ailleurs pris un certain nombre de mesures pour inciter les entreprises à accélérer cet agenda.

 

Selon vous, quelles sont les clés pour mener sa transformation digitale avec succès?

Chaque entreprise est unique, la recette le sera donc aussi. L’une des clés du succès est d’agir au service de la clientèle sous peine de numériser des processus ou des services qui ne rencontrent pas ses besoins. Dans le nouveau contexte engendré par la crise, il est important que les entreprises se reconnectent avec leurs clients pour s’assurer de l’adéquation entre leurs services et les attentes de ceux-ci.

De plus, une transformation digitale réussie doit adresser à la fois un axe externe, c’est-à-dire les interactions entre l’entreprise et ses clients et ses fournisseurs, et un axe interne, à savoir le travail en son sein. S’il est important d’avancer de concert sur les deux axes sous peine de rendre l’ensemble caduc, il convient d’aborder sa transformation en fonction de ses objectifs premiers. Une entreprise qui aspire à créer de nouvelles sources de revenus devra mettre l’accent sur l’axe externe alors qu’une société qui désire réduire ou optimiser ses coûts misera sur la dimension interne. La transformation digitale doit servir la stratégie de l’entreprise pour faire sens. C’est la deuxième clé.

Enfin, il est primordial que l’expérience employé rencontre celle du client. Nos études démontrent que, même dans le cadre d’une transformation digitale, les clients attendent un contact humain à un moment donné. Numériser n’implique pas de supprimer toute interaction; il s’agit plutôt d’interagir au moment opportun et de mieux équiper les employés pour que l’échange soit le plus pertinent et apprécié possible.

 

Chez PwC, comment accompagnez-vous les entreprises dans cette transformation?

L’accompagnement est adapté aux spécificités de chacun de nos clients mais nous agissons généralement sur quatre dimensions. La digitalisation implique, in fine, une véritable transformation pour les entreprises. Via des changements de modèle opératoire, elle touche à leur stratégie. Quelle que soit l’entreprise, il est donc primordial de commencer par chercher l’adhésion du management et de la maintenir tout au long du processus. Ensuite, nous travaillons sur la voix du client. Nous aidons les entreprises à aligner leurs produits, leurs services ou leurs canaux sur les attentes de leur clientèle ou de leurs prospects. Evidemment, nous intervenons également sur la dimension technologique. Une transformation digitale repose sur un agenda relativement large et s’inscrit dans un écosystème de plus en plus complexe. PwC conseille donc les entreprises sur les capacités à mettre en place pour leur permettre d’implémenter rapidement de nouvelles solutions et modèles opératoires. Enfin, nous embrassons la dimension humaine de cette transformation en aidant les employés à absorber les bouleversements induits par la digitalisation. A cet égard, nous aidons les ambassadeurs du changement à avancer sur cet agenda.

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