Un modèle pour étudier l’effet des politiques de confinement sur l’incidence des infections dues au COVID-19

L’épidémie de COVID-19 a été premièrement enregistrée en décembre 2019 à Wuhan, en Chine. L’Organisation mondiale de la santé a ensuite déclaré une «urgence de santé publique de portée internationale» le 30 janvier 2020 et l’a qualifiée de pandémie le 11 mars 2020. Pour tenter de sauver des vies humaines et d’éviter que les systèmes de santé ne soient submergés, un certain nombre de politiques de confinement ont été mises en œuvre dans le monde entier. Bien que cruciales pour la santé publique, ces mesures ont contribué à un choc économique sans précédent dont les conséquences risquent d’être durables.

Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre quelles politiques se sont avérées jusqu’à présent les plus efficaces pour contenir le virus, et de décrire les canaux par lesquels ces effets opèrent. Dans cet article1, deux chercheurs de l’Institut luxembourgeois de recherche socio-économique (LISER) et un chercheur de l’Institut d’économie du travail (IZA) évaluent les effets des politiques de confinement dans 135 pays sur les nouveaux cas journaliers de COVID-19, ainsi que la mobilité de la population dans divers domaines. Les auteurs considèrent huit interventions, dont la date d’introduction et l’intensité2 varient entre les pays. Ces politiques sont le contrôle des déplacements internationaux, la fermeture des transports publics, l’annulation d’événements publics, les restrictions sur les rassemblements privés, la fermeture d’écoles et de lieux de travail, l’obligation de rester à la maison et les restrictions de mobilité interne (entre les villes et les régions). L’approche des auteurs, qui se fonde sur l’analyse d’événements multiples (« multiple-event framework »), permet d’étudier de manière dynamique les effets de ces huit politiques. En exploitant la variation de l’intensité et des dates d’introduction de ces politiques d’un pays à l’autre, les auteurs sont en mesure d’estimer l’effet net de chaque politique, tout en tenant compte de la présence de politiques concomitantes.

Le principal résultat de l’analyse est que l’annulation d’événements publics, l’imposition de restrictions sur les rassemblements privés et la fermeture d’écoles ont les effets quantitativement les plus prononcés pour réduire l’incidence du COVID-19. Ils sont suivis par la fermeture des lieux de travail et les mesures de confinement à domicile, dont les effets sont moins importants. En revanche, aucun effet n’est constaté en ce qui concerne le contrôle des déplacements internationaux, la fermeture des transports publics et les restrictions de circulation entre les villes et les régions. Il est intéressant de noter qu’estimer l’effet de chaque politique tout en ignorant l’influence simultanée des autres politiques aurait conduit à la conclusion erronée qu’elles sont toutes efficaces pour réduire les nouvelles infections.

La deuxième partie de l’analyse établit un lien entre les politiques de confinement et les comportements de mobilité afin de mettre en lumière les mécanismes par lesquels elles contribuent à « aplatir la courbe ». Ces politiques ont tendance à réduire le temps passé hors du domicile, ce qui entraîne une réduction du nombre d’infections par divers canaux. Par exemple, l’annulation d’événements publics et, dans une moindre mesure, la restriction des rassemblements privés réduisent l’exposition à des lieux bondés et denses où le traçage du contact est difficile. Ces événements, qui ont une large portée épidémiologique à l’intérieur des pays et entre eux, sont ceux qu’il convient de restreindre prioritairement. Les fermetures de lieux de travail ont un impact moindre sur la diminution des nouvelles infections, très probablement en raison d’un nombre de personnes et d’une densité plus faible et d’une traçabilité dans ces environnements. Bien qu’ils aient été imposés relativement tôt dans de nombreux pays, les contrôles des déplacements internationaux ne semblent pas efficaces pour bloquer l’évolution du virus. Cela s’explique probablement par leur manque de rigueur, et le fait qu’il suffise d’une brèche pour que le virus se propage au-delà des frontières, ce qui suggère le caractère immatériel de ces dernières dans le domaine des épidémies.

 

Dr.  Konstantinos Tatsiramos et Dr. Bertrand Verheyden
Département ‘Conditions de vie’

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