Architectour.lu: gare Belval-Université

Le bâtiment évoque une chenille suspendue au-dessus des rails. Les coussins d’air translucides du toit règlent la luminosité à l’intérieur en absorbant ou évacuant l’air et s’éclairent en différentes couleurs quand il fait noir. La nouvelle gare Belval-Université représente la porte d’entrée principale vers le site de Belval-Ouest pour les visiteurs arrivant en train ou en bus. Le quai central unique est équipé des infrastructures techniques nécessaires. L’accès pour piétons donnant entrée sur le site est réalisé par le biais de deux passerelles. Les six associés du bureau d’architecture Jim Clemes Associates nous décrivent en quelques lignes ce projet emblématique du Luxembourg réalisé en partenariat avec Milestone, Consulting Engineers; Betic Ingénieurs-Conseils; Jean Schmit Engineering; Dahlem, Schroeder & Associés.

Pas loin de deux siècles après l’apparition du chemin de fer, la gare n’a pas cessé d’exercer une certaine fascination sur le public: elle est le cœur, l’organe essentiel du système circulatoire qu’est le réseau ferroviaire. Elle est tout à la fois la porte d’entrée d’une ville et l’ouverture vers l’ailleurs. La gare est aussi un geste symbolique dans l’urbanisation et son architecture illustre parfaitement ce message: à travers les époques elle a tour à tour servi d’image de marque des diverses compagnies qui se disputaient le marché, montré le triomphe de l’industrie, ou inversement valorisé des particularismes régionaux, idéalisé le fonctionnalisme, représenté la puissance de la nation… Aussi, bâtir une gare au XXIe siècle n’est pas un geste neutre. C’est d’ailleurs la première fois que les Chemins de fer luxembourgeois construisent – on peut presque dire «inventent» – une gare de toutes pièces, alors que d’autres, autour de la capitale, sont d’ores et déjà prévues. Née de la volonté de faire de Belval un nouveau pôle d’attraction d’un point de vue économique (bureaux, centre commercial), culturel (Rockhal, Cité des Sciences), social (habitations), intellectuel (université) et des loisirs (cinémas, restaurants), la gare de Belval représente l’un des maillons essentiels d’accès à cette zone par les transports en commun. Elle constitue la porte d’entrée principale vers le site, en lien avec les autres moyens d’accès: gare routière et Park & Ride.

Pour mieux situer ce lieu essentiel de passage et d’échange, la volonté de l’architecte a été de mettre en avant la notion de mouvement, de voyage et de dynamisme. Il rompt avec la rectitude de la plupart des édifices ferroviaires, en dessinant une forme organique, animale, douce et ronde qui fait penser à une chenille ou un mille-pattes en mouvement. Sortant déjà de sa chrysalide, l’animal évoque la transformation, le développement et donne ainsi l’amorce que quelque chose qui va plus loin, l’image énergique d’un bâtiment novateur, qui colle à son époque. Ce n’est cependant pas un simple tube ou tunnel; la gare de Belval-Université est prête à digérer les milliers de passagers qui y circulent tous les jours (en particulier lors des concerts à la Rockhal où 2.000 personnes empruntent les trains simultanément). Le tracé du bâtiment s’élargit ainsi là où il y a plus de circulation, plus d’activité et plus de technicité.

Comme c’est souvent le cas, c’est de la contrainte qu’est née la belle idée de voir la gare enjamber les rails: déjà présents, avec la hauteur importante des caténaires, ils obligeaient l’architecte à déployer son imagination. C’est donc un projet aérien et aéré que nous avons conçu de manière originale puisqu’il est rare de voir une gare passer au-dessus des quais. Les premières gares, celles du XIXe siècle qui demeurent les icônes du genre étaient construites sur un modèle binaire, avec la partie voyageur (réalisée par un architecte) différenciée de la partie quai et rails (réalisée par un ingénieur). La plupart des gares modernes rompent avec cette confrontation et regroupent en leur sein des fonctions diverses. Celle de Belval ne fait pas exception: les quais sont littéralement avalés par la gare qui les surplombe. Le bâtiment – une plateforme d’une longueur de 120 mètres sur 16 piliers – semble planer au-dessus des voies. Ces «pattes» semblent protéger les quais comme une femelle mettrait ses petits à l’abri sous elle.

Lieu de passage, lieu d’échange, la gare est pensée comme une place de marché où les diverses fonctions commerciales sont intégrées. Elle est aussi volontairement ouverte sur l’extérieur par de grandes surfaces vitrées qui donnent une vue somptueuse sur tout l’environnement. Elle est aussi une plateforme reliée de manière visible à son cadre. En effet, deux passerelles raccordent la gare d’une part au complexe Plaza 1, à la Rockhal et à la Terrasse des Hauts-Fourneaux, d’autre part à la gare routière et au parking.

La gare de Belval-Université n’est évidemment pas que symboles et images. C’est aussi un concentré de technologies qui a nécessité une ingénierie des plus pointues, notamment parce que les trains continuaient à circuler pendant toute la phase de réalisation du bâtiment. Ainsi la coque de béton a été réalisée sur place, coulée dans des coffrages spécialement conçus pour l’occasion. Le toit est recouvert d’une membrane translucide qui sert de protection solaire: une triple couche de film imprimée à damier se gonfle ou se dégonfle pour laisser passer plus ou moins de lumière et de chaleur. À la nuit tombée, la chenille se fait luciole, la voûte s’illumine et prend des couleurs comme un phare qui rappelle aux voyageurs où ils se trouvent et où ils vont.

Article réalisé en partenariat avec l’OAI et s’inscrivant dans une série destinée à présenter les quatorze projets highlight du Guide d’architecture contemporaine du Luxembourg, Architectour.lu.

Lire sur le même sujet: