Solidarité, force et persévérance

Il y a quelques temps encore, le marché de la construction et de l’immobilier était florissant mais personne ne peut dire à quoi il ressemblera à l’avenir. La mise à l’arrêt de tous les chantiers du pays laisse les chefs d’entreprise du secteur dans l’incertitude. Si le mot d’ordre est avant tout la solidarité nationale, «l’incertitude ne doit néanmoins pas empêcher la prise de décision». Interview de Gilles Christnach et David Determe, CO-CEO’s du bureau d’Ingénieurs-Conseils Betic.

 

À la rédaction de ces lignes, les chantiers du pays ont été mis à l’arrêt, dans quelle mesure cela affecte vos activités?

GC: Comme toute la population, nos collaborateurs sont plus que jamais mobilisés afin d’éviter la propagation du virus. Notre objectif est de minimiser son impact, tant sur le plan sanitaire que sur le plan économique. C’est pourquoi nous avons mis en place un plan de continuité d’activités qui assure un service constant et faisons notre maximum pour assurer le meilleur niveau de qualité possible sur nos projets.

Le bureau reste ouvert avec un personnel réduit au strict minimum et avec l’application rigoureuse des consignes de précaution, la permanence téléphonique est assurée et les autres collaborateurs sont en télétravail avec une configuration de leur poste informatique identique à celle du bureau. La coordination de l’activité est effectuée à distance mais des permanences sont cependant assurées et indispensables, notamment pour accompagner nos collaborateurs juniors, qui, en télétravail, font face à des problématiques ne pouvant être réglées à distance. Et comme tout le monde, le téléphone et les visioconférences sont devenus nos meilleurs alliés.

 

Comment se passe le télétravail de vos collaborateurs?

DD: Le matériel mis à disposition de nos collaborateurs avait été testé à leur domicile en amont et offre des configurations souvent identiques à celles du bureau. Certaines de nos activités requièrent en effet des outils spécifiques ne pouvant être substitués par un simple laptop. Nos programmes de modélisation 3D par exemple sont très lourds et nos dessinateurs ont besoin de plusieurs écrans pour garantir un confort de travail mais aussi, ne nous le cachons pas, la productivité. Nous avons donc pris le pari de recréer leur espace de travail à la maison et si vraiment ils doivent venir au bureau ponctuellement, ils ont à disposition des postes de travail plus légers. Finalement, ils font du «télétravail au travail». Nous avons également renforcé la communication interne pour être au mieux présent à leurs côtés.

 

Êtes-vous plutôt optimistes ou pessimistes pour l’avenir ?

DD: Il est extrêmement difficile de se projeter. Les décisions qui doivent être prises le sont forcément sur base d’informations incomplètes. Les mesures mises en œuvre trop tôt sont jugées alarmistes et celles déployées trop tard sont dites négligentes. Nous sommes néanmoins certains que ceux qui surmonteront le mieux cette crise sanitaire seront les optimistes qui misent sur l’avenir. Cela a toujours été notre vision. Des crises nous en avons passées, nous en passions avant cette situation et, à l’aube de nos 20 ans, nous aurons à en surmonter d’autres, c’est certain. Encore fin 2019, la presse faisait l’écho de l’inaltérable flambée des prix de l’immobilier (+11% en 2019), rendant l’accession à la propriété très compliquée, voire impossible.

Le marché de l’immobilier était florissant, ce qui nous a d’ailleurs conduit à une période compliquée en termes de ressources humaines. Plus de postes à pourvoir que de personnes disponibles, packages salariaux s’envolant, volatilité des jeunes n’ayant jamais connu de crise de l’emploi, opportunisme financier à chaque changement d’entreprise… Malgré une politique d’accompagnement, de montée en compétences et de perspectives de carrière que nous savions ambitieuse, nous avons, nous aussi, vécu cette situation de plein fouet avec un turnover important.

GC: Ceci nous a clairement mis en difficulté dans la conduite de nos projets depuis un an et cela nous a poussé à repenser complètement notre politique de ressources humaines. Nous apercevions les premiers bénéfices et aujourd’hui la donne change! Cela fait un moment que nombre d’observateurs annoncent une crise dans notre secteur. Personne n’aurait pu prévoir cette crise sanitaire mais au vu de sa durée, même en restant optimiste, il faut penser la crise économique qu’elle engendrera.

 

Imaginons le pire des scénarios: la pandémie de Covid19 s’éternise, aucun chantier ne peut se faire, les prix s’effondrent et le marché de l’immobilier peine à repartir…

GC: Si les prix chutent radicalement, il y aura dans un premier temps une forte demande et une concurrence féroce. Mais si la crise s’éternise, ce sera in fine, moins de contrats, moins de commandes, moins d’emplois et donc plus de faillites.

Mais nous sommes convaincus que l’unité, qu’elle soit nationale, de la Grande Région ou même européenne, nous permettra de passer cette crise, grandis, et continuerons, comme nos confrères et partenaires, à déployer de nouvelles mesures au vu de l’actualité pour continuer à avancer. Nous ne misons donc clairement pas sur cette option.

 

Prenons le meilleur des scénarios: la pandémie est endiguée et l’activité repart rapidement…

DD: Il pourrait y avoir un boom de l’immobilier et les projets seront alors plus nombreux. Il faudra s’investir à 200%, à la fois dans ceux de grande envergure mais aussi dans les plus petits. Les premiers sont certes davantage sources de revenus réguliers mais les seconds font intrinsèquement vivre tout un écosystème d’artisans et de petits installateurs qui nous sont indispensables à tous.

De la maison relais, aux bâtiments résidentiels et jusqu’à la Casa Ferrero, chez Betic nous avons toujours mis un point d’honneur à gérer tout type de projets. Nous avons en effet des projets de toutes tailles, dont les plus petits sont d’ailleurs tout aussi intéressants et formateurs pour nos jeunes d’un point de vue technique et dans tous les cas, nous garderons cette philosophie.

 

Beaucoup de monde est convaincu que le «Le coronavirus sera le cygne noir de l’année 2020». Et vous?

GC: Clairement. Là où en matière de ressources humaines, nous travaillions depuis un moment sur «l’infidélité professionnelle», aujourd’hui, nous allons devoir revoir en profondeur nos méthodes de travail. Est-ce que ce sera mieux qu’avant? Peut-être, peut-être pas, mais cela sera différent. Nous avons tous des schémas mentaux en tête et avons tendance à croire que les choses sont immuables. Cette crise nous fait découvrir, par obligation, les «joies» du télétravail… Nous multiplions les visioconférences, encourageons nos collaborateurs à utiliser davantage le téléphone pour garantir une communication précise, efficiente et rapide pour valider les options…

DD: Nous avions commencé à étudier en détail les contraintes de transport de nos collaborateurs qui sont la «bête noire» de tout frontalier pour nous réinventer: flexibilité des horaires, possibilités de télétravail… Avec un environnement ayant encore évolué, nous allons revoir notre copie et certainement accélérer cette mutation, qu’il s’agisse des possibilités de travail collaboratif comme le Building Information Modeling, les nouveaux outils de communication et évidemment les possibilités de télétravail au vu de la législation avec les pays frontaliers, qui sera peut-être amenée à évoluer…

GC: A l’instar de nos confrères, partenaires et clients, nous sommes convaincus que notre solidité financière, l’implication de nos collaborateurs fidèles mais aussi de nos jeunes recrues qui vont encore grandir à nos côtés, tout comme les dispositifs gouvernementaux nous permettront de passer cette période, et que comme toujours, «nous trouverons un chemin, ou bien nous le ferons».

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