Perfectionner l’avenir

On sait que la formation est un enjeu crucial pour l’avenir des entreprises, des emplois, des régions et des Etats. Les études montrent que licencier les profils désuets pour recruter de nouvelles compétences est trois fois plus onéreux que d’agir en interne. Si la quasi-totalité des CEO s’inquiètent de la disponibilité des compétences au sein de leur entreprise, une grande majorité des employés craignent que leur métier soit un jour disrupté par le digital et sont prêts à acquérir de nouvelles compétences pour changer de poste. PwC Luxembourg a vu là un alignement des planètes pour créer «Skills Expander». Interview croisée de Lieven Lambrecht, directeur des ressources humaines, et de Christian Scharff, People & Organisation Leader.

 

Comment présenter le «Skills expander»?

CS: C’est une plateforme digitale qui permet à une organisation de définir sa trajectoire en termes d’emplois, de connaître les compétences dont elle aura besoin à l’avenir, de communiquer les postes disponibles et assurer la formation individuelle. Les collaborateurs occupant des métiers voués à disparaitre par la digitalisation et l’automatisation peuvent ainsi être conseillés, orientés selon leurs souhaits et combler leurs écarts de compétences. L’objectif de cette solution opérationnelle est de placer la bonne personne dans la bonne position, équipée de la bonne formation dans une période de temps comprimée.

LL: Cet outil conçu au Luxembourg est unique en son genre et s’exporte mondialement. Intégré à PwC, il profite à tous nos collaborateurs à travers le monde et répond à des enjeux à la fois professionnels et personnels dans le monde digital qui se profile.
Nos métiers d’audit et de conseil sont actuellement en pleine mutation et il en va de notre responsabilité que d’accompagner nos collaborateurs dans ce changement. C’est pourquoi PwC investit trois milliards d’euros à l’acquisition de nouvelles capacités. Bien évidemment il en va de notre compétitivité future mais ces investissements dépassent largement le cadre de l’employabilité de nos collaborateurs. L’idée est qu’en les formant à l’IoT, la robotique, l’IA, etc. nous créons aussi des citoyens digitaux qui évolueront plus aisément dans un monde digital.

 

Qu’est-ce que l’«upskilling»?

CS: Un salarié européen reçoit en moyenne entre trois et cinq jours de formation annuels dont l’objectif principal est d’approfondir ses connaissances du métier. Seulement 20% de ce temps est dédié à de nouveaux savoirs; ce qui est bien évidemment trop peu. Acquérir de nouvelles compétences requiert un minimum de 15 à 30 jours par an.
Si les entreprises matures comprennent l’importance du perfectionnement, elles rencontrent néanmoins des difficultés à le mettre en place. Certes, il y a un problème de méthodologie mais aussi d’outillage et c’est pourquoi nous avons créé «Skills expander».

LL: La montée en compétence est devenue plus que jamais la réponse indispensable à la transformation technologique et économique en cours. C’est un élément essentiel d’un nouveau «contrat social» dont les nouveaux changements technologiques ont besoin si nous voulons qu’ils représentent une chance pour tous.

 

À qui s’adresse cette plateforme?

LL: Les utilisateurs sont de grandes entités privées et publiques comme les gouvernements, régions, villes et groupes internationaux. En somme tous ceux qui cherchent à comprendre la dynamique de l’emploi, à assurer les bonnes formations aux bonnes personnes, à adapter les programmes des universités et écoles en fonction des besoins.
Imaginez une mégalopole capable d’anticiper et de comprendre les métiers voués à disparaître et les nouveaux besoins en termes de capacités. Elle sera alors en mesure d’agir sur toute une série de leviers (éducatif, migratoire, immobilier, etc.), et ce, de manière préventive.
Il en va de la capacité d’agir en amont de la pénurie de compétences.

CS: Les gouvernements sont directement concernés par l’employabilité de leurs citoyens. Se doter de cette plateforme leur permettrait de la mettre à disposition des industries qui sont prioritaires à leur économie par exemple.
On sait ce que coûte la non-formation en termes de licenciements, de délocalisations, de chômage, d’anxiété, de tensions sociales et de monté des populismes. La Norvège, le Costa Rica, Singapour ont déjà décidé de mettre des plateformes de perfectionnement à des échelles nationales et d’autres législations s’y intéressent de près. À l’instar de messieurs Schmit et Breton, commissaires européens à l’Emploi et au Marché intérieur qui le mettent à l’agenda stratégique de l’Union européenne.
L’Europe connait une baisse de sa démographie et fait face à la métamorphose technologique des métiers. Plus inquiétant encore, le taux d’inactivité des 18-30 ans est de 15% (28% en Italie et 33% en Turquie). C’est un sujet immanent politique dans la mesure où si rien n’est fait, la pénurie de talents poussera les entreprises à prospecter là où ils sont: à la concurrence dans un premier temps, puis en se délocalisant.
Le perfectionnement au sein de l’entreprise est le meilleur moyen de s’alimenter en bonnes compétences.

 

Comment se passe le déploiement de ce service dans l’entreprise?

CS: De manière relativement simple. Nous avons développé une plateforme intégrée avec un ensemble de modules flexibles qui peuvent être facilement adaptés aux besoins spécifiques des entreprises. La plateforme donne accès à différentes populations selon des droits qui sont propres à chacun et déterminés au préalable par la direction. S’y trouvent les ressources humaines qui peuvent par exemple piloter la plateforme et avoir une vue d’ensemble, les coachs internes et les organismes spécialisés alimentant les formations et les collaborateurs. Chaque participant accède à la plateforme via un seul point d’entrée.
La planification des effectifs, l’évaluation des compétences, l’appariement des emplois et des formations, la protection des données et la communication intégrées sont ainsi assurés.

LL: Ces services existent déjà dans certaines entreprises mais de manière verticale. Nous avons voulu assurer une plus grande rapidité et fluidité entre la stratégie et l’exécution. Et ce, tout en assurant la sécurité des données, la confidentialité, la sécurisation des courriels, etc.
La méthodologie permet aux parties prenantes de conceptualiser, de cocréer et de prototyper de nouveaux produits, services, stratégies et modèles commerciaux et de préparer au mieux l’initiative de mise à niveau.
Le résultat est la précision, un budget défini, une stratégie de mise en œuvre et d’exécution définie et un plan d’engagement des parties prenantes.

 

 

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