Savoir saisir les opportunités

Sébastien Berthelot débute sa carrière de manière très traditionnelle, dans le milieu bancaire luxembourgeois. Aujourd’hui à la tête de sa propre entreprise, Moovee, spécialisée dans le partage de véhicules, le jeune entrepreneur s’étonne presque du chemin parcouru: «C’est ce que je trouve fabuleux dans la vie; il est difficile à 15 ou 20 ans de choisir une voie, mais cela ne veut pas dire qu’on ne pourra pas en changer, au fil des opportunités qui se présentent». Portrait d’un entrepreneur à la modestie touchante et à l’enthousiasme communicatif.

 

L’attrait du monde du travail

«Tous les trois à quatre ans, nous changions de ville…». Le récit d’enfance de Sébastien Berthelot est rythmé par les déplacements familiaux imposés par les ambitions carriéristes de son père. Mesurant l’impact de ces changements de décor incessants sur la vie sociale de leurs deux garçons, ses parents finissent toutefois par stabiliser le noyau familial dans la ville de Nancy. Sa mère y crée alors sa propre société de location de vaisselle et de matériel de réception qu’elle conservera pendant 20 ans. «Je viens d’une famille très traditionnelle dans ses projets professionnels, jusqu’à la forme d’entrepreneuriat choisie par ma mère», confie Sébastien Berthelot. Le jeune homme grandit ainsi avec l’idée préconçue qu’il faut faire des études pour trouver un bon travail. Elève moyen, «voire un peu fainéant», il est orienté vers un BTS dans le domaine de l’informatique industrielle. Les conseils paternels bienveillants le poussent ensuite à poursuivre des études universitaires dans lesquelles il ne s’épanouit pourtant pas.

Quelques mois après ses débuts académiques, on lui propose un contrat d’un an en tant qu’informaticien au sein d’une banque au Luxembourg. Y voyant l’opportunité de mettre entre parenthèses son parcours universitaire le temps de gagner la maturité dont il estime manquer pour en assurer le bon déroulement, il accepte cette proposition et se confronte au monde du travail luxembourgeois du début des années 2000, espérant qu’en travaillant dur, les études finiraient par lui manquer.

Mais très vite, l’informaticien d’alors se plait à gagner sa vie et évolue au sein d’une société en pleine croissance qui lui offre des opportunités de progression qu’il ne peut, et surtout n’a pas envie de refuser. Si les bancs de l’université sont définitivement relégués au rang de souvenirs, il ne cesse pourtant de se former de manière autodidacte, passant d’un univers de la banque privée en perte de vitesse au florissant domaine des fonds d’investissement.

 

Vivre de sa passion

Lorsque son beau-frère crée son entreprise, Sébastien Berthelot l’intègre et entre pour la première fois en contact avec le monde de l’entrepreneuriat. «Bien que le projet n’ait pas perduré, cette expérience a été révélatrice. Dans cette structure dynamique, toutes les décisions étaient guidées par la passion! Ma perception du travail en a été transformée», se souvient-il.

Plus que l’expérience professionnelle, la figure d’entrepreneur que son beau-frère représente l’inspire alors: «Dans sa carrière entrepreneuriale, il a échoué. Pourtant, j’ai été inspiré par sa capacité à croire en son projet et à tout y investir. Nous, les entrepreneurs, sommes un peu les artistes du monde économique, nous n’avons pas un mode de vie classique dans lequel il est facile de se projeter. Mais grâce à lui, j’ai appris à oser…».

 

Partir pour mieux se trouver

Le retour à une vie professionnelle plus conventionnelle n’a toutefois pas été très long, puisque qu’à la naissance de son second enfant, son épouse les pousse à l’aventure: «Sur l’initiative de ma femme, nous avons tous les deux posé un congé parental de six mois et avons entamé un tour du monde avec nos enfants». Un aller-simple pour Singapour en poche, sans itinéraire précis, et deux enfants dans les bras et le couple s’envole! «C’est bien plus facile qu’il n’y parait», relativise-t-il aujourd’hui en se remémorant le voyage qui leur aura fait découvrir l’Asie du Sud-Est, l’Australie, Hawaï et l’ouest américain.

Sur un air de vacances familiales, le congé parental est pourtant l’occasion pour les jeunes parents de composer la partition de leur future carrière. C’est en effet au cours de cette période qu’ils font l’acquisition, il y a huit ans, de la société française CV Premium, essentiellement gérée par son épouse, mais dont Sébastien Bethelot préside encore aujourd’hui le conseil d’administration.

 

Quand un projet en amène un autre

Peu de temps après, le jeune entrepreneur crée avec un ami une première entreprise, Helio East Solar, spécialisée dans le domaine de l’éclairage solaire à destination des marchés publics. Cette société lui offrira un premier contact avec l’univers de la mobilité urbaine à travers la rencontre d’un fournisseur de vélos partagés pour les villes. Dans un même temps, il s’essaie à l’électrique derrière le volant d’une Renault Zoé et est immédiatement séduit par ce type de motorisation. «J’ai trouvé cette alternative tellement idéale que m’est venu un questionnement: pourquoi les usagers ne sont-ils pas une majorité à l’adopter?»

Cette réflexion posera les premiers jalons de Moovee. Sébastien Berthelot et son associé de l’époque avaient alors une certitude: les modèles économiques, dans tous les domaines, s’orientent vers le partage. «Nous étions dès le départ convaincus que la mobilité de demain passerait par le partage, à l’image du monde de la musique, que tout le monde consomme aujourd’hui sur des plateformes de streaming plutôt que par l’achat de CDs. Toutefois, les usagers restent attachés à la propriété et il fallait trouver le moyen de leur adresser une offre qui les séduise…» explique-t-il.

En partant à la conquête d’un marché privé encore très traditionnel dans son modèle de gestion de flotte, les deux associés créent une offre flexible s’adaptant à ses besoins. La plateforme digitale qu’ils créent permet la réservation, mais surtout la gestion optimale du partage d’une flotte mêlant voitures de toutes motorisations, scooters, trottinettes ou vélos. Ce système débouche sur une diminution du nombre de véhicules et de facto, de ses coûts de gestion. Bien que le projet soit réfléchi, le succès n’est pourtant pas immédiat…

 

Apprendre de ses erreurs

«En tant qu’entrepreneur, il est important de décorréler les dimensions passionnelle et rationnelle, sans que cela ne devienne un frein à la créativité. Il ne faut pas avoir peur de bouger les lignes et de créer des produits innovants, mais il faut veiller à être pragmatique et s’équiper d’un bon modèle économique», explique Sébastien Berthelot.

Cet enseignement, il le tire notamment de plusieurs refus qu’il reçoit en se lançant sur le marché luxembourgeois en fin d’année 2017: «Nous nous sommes rendus compte qu’il nous manquait un élément fondamental: le financement». La solution est apparue assez rapidement aux deux collaborateurs qui ont eu l’idée de se tourner vers le monde du leasing, et plus particulièrement vers ALD Automotive: «Ce premier partenariat nous a apporté la crédibilité et la stabilité dont nous manquions sur le marché. L’entreprise finance en effet des véhicules et apporte du conseil aux entreprises quant à leur mobilité».

 

«Avec l’entrepreneuriat, je m’achète la liberté de choisir…»

Aujourd’hui, l’entrepreneur est seul à la tête de la startup et continue à développer le projet en prospectant de nouveaux clients au Luxembourg et à l’étranger. Lorsqu’il nous dévoile sa vision de la mobilité, on comprend vite que le partage de véhicules n’y est qu’une solution parmi d’autres. Il explique: «J’imagine qu’à l’avenir, chaque citoyen se constituera un patchwork de solutions sur-mesure, selon ses besoins. L’offre doit être suffisamment large et variée, mais également facilement accessible, pour inciter à délaisser son véhicule personnel».

Quant à son futur professionnel, Sébastien Berthelot ne veut pas tirer pas de plans sur la comète. Ce qu’il préfère dans l’entrepreneuriat? Pouvoir répondre à des problématiques de clients en proposant des solutions adéquates… mais également travailler pour un projet qui le passionne au quotidien, et pour l’heure, son entreprise répond à ces deux critères. «Moovee est un projet qui me captive car nous agissons dans un domaine assez peu mature, dont l’évolution du marché reste difficile à prédire. Notre rôle est d’accompagner les entreprises dans cette transition», conclut-il.

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