Sur le parcours d’un citoyen

Dans le cadre de son livre blanc intitulé «La digitalisation du secteur public au service de l’expérience citoyenne», KPMG Luxembourg a fait l’exercice de se mettre dans la peau d’un citoyen et d’effectuer son «parcours type» au travers de quatre branches du secteur public. Pour répondre aux attentes d’un citoyen-consommateur de services digitaux, les administrations devront établir une stratégie commune pour lui assurer un parcours cohérent, intégré et continu. Patrick Wies, Partner responsable du secteur public, et Jérôme Bernard, Partner responsable du Technology Advisory pour ce secteur, reviennent avec nous sur les défis que pose la digitalisation au sein du secteur public.

 

En quoi consiste ce livre blanc?

PW: Il propose d’approfondir l’analyse de la digitalisation du secteur public déjà initiée dans l’étude Customer Expérience Excellence où deux services publics s’étaient distingués pour la qualité de leur «expérience citoyenne». Nous y avons identifié les parcours-citoyens types que les résidents luxembourgeois traversent lors de leurs contacts avec différentes branches du secteur public (administration, transport, santé et services commerciaux) et en avons dégagé les points forts et défis.

JB: De manière générale, nous avons constaté que les citoyens attendent du secteur public le même niveau de service et d’interaction que dans le reste de leur vie de consommateur. De plus, toute nouvelle attente adressée dans son parcours de consommateur devient un standard, ce qui nécessite une amélioration constante des services fournis par les opérateurs publics pour maintenir un bon niveau de satisfaction des citoyens.
Prudence toutefois: la proximité avec le citoyen reste la priorité du secteur public qui doit prendre en compte leur diversité et leur proposer un service personnalisé. Dans ce contexte, il est pertinent d’effectuer une analyse des comportements des citoyens pour comprendre leurs attentes lorsqu’ils entrent en contact avec une administration. Nous effectuons cette analyse en nous basant sur cinq axes (extraits de notre approche «Five My’s») pour appréhender leur motivation, leur mode de connexion, et ce qui monopolise leur attention, leur temps disponible et leur budget lorsque cela est pertinent. En fonction des résultats, nous créons des parcours-citoyens personnalisés par groupe.

 

Si l’on compare le Luxembourg aux autres pays, comment évaluer la digitalisation de son secteur public?

 PW: La digitalisation d’une part et la simplification administrative de l’autre font parties des objectifs gouvernementaux. Pour fluidifier le parcours-citoyen, il faut toutefois veiller à ce que la digitalisation s’opère à tous les niveaux (front, middle et back office), dans un processus global. Il sera ainsi possible d’offrir une expérience cohérente d’un bout à l’autre de la chaîne, en tenant compte des différentes étapes du parcours-citoyen et à travers un seul point de contact.

JB: Par rapport aux autres pays étudiés, nous avons remarqué que le secteur public luxembourgeois bénéficiait d’une bonne image auprès de ses citoyens. L’intégrité et l’empathie semblent être les qualités qu’ils valorisent particulièrement; or la digitalisation peut impacter ces valeurs. Le défi sera donc de conserver la proximité et le contact humain qui font la force du secteur public en mettant à profit la fluidification des parcours citoyens grâce à l’automatisation de certaines tâches.

PW: Les institutions doivent établir une stratégie qui privilégie le contact humain aux moments adéquats. Elles doivent en effet exploiter les canaux de communication en ligne et hors ligne de manière intégrée et cohérente pour répondre aux besoins spécifiques des différents groupes de citoyens.

 

Quelles sont les conclusions de votre analyse des branches spécifiques appartenant au secteur public?

JB: Il en est ressorti un besoin de cohérence générale dans ce que le secteur public propose. Le citoyen ne comprendrait par exemple pas qu’une démarche ne soit qu’à moitié digitalisée parce qu’elle implique une autre administration qui n’aurait pas encore digitalisé ses services…

PW: La digitalisation doit également limiter les efforts du citoyen dans son parcours. Dans le secteur de la santé par exemple, le dossier de soin partagé reprend toutes les informations relatives à un patient. Dans un souci de cohérence, celles-ci ne lui sont demandées qu’une seule fois et il s’attend à ce que toutes ses interactions médicales se fassent sur cette base. Dans le même ordre d’idées, les différents opérateurs de transports publics doivent joindre leurs efforts et établir une stratégie coordonnée qui facilitera le parcours de mobilité du citoyen.

 

Quelles sont vos recommandations pour l’amélioration des services digitaux offerts par le secteur public?

JB: Tout d’abord les administrations doivent veiller à comprendre les motivations du citoyen et à s’y adapter. En deuxième lieu, le secteur public doit combiner le meilleur de l’humain et du digital en mettant les besoins du citoyen au cœur du développement de solutions technologiques. 

PW: La stratégie de digitalisation doit par ailleurs couvrir l’entièreté de l’organisation et pas uniquement la partie avec laquelle le citoyen est en contact. De plus, les administrations doivent préférer une approche plus intégrée et horizontale, facilitant les ponts d’une administration à une autre, pour éviter les ruptures dans les démarches et la multiplication des points de contact.
Les agents sont à la fois au cœur du processus de digitalisation et de celui de l’expérience citoyen. Il faut donc aussi les accompagner et les former. De plus, il faudrait veiller à faire la promotion des services digitaux existants tant en interne qu’auprès du public.
Le développement de solutions digitales doit également passer par la collaboration avec le secteur privé et le monde des startups, qui lui donneront davantage d’agilité. Cette collaboration existe déjà, du moins dans le partage d’idées qui déboucheront sur des solutions mises à disposition de tous les citoyens.

JB: Enfin, la dernière mesure que nous leur recommandons est de maîtriser l’économie de l’expérience client, en établissant une stratégie avec des priorités quant aux défis à relever afin de mieux gérer les budgets alloués.
Il s’agit ici de poursuivre des efforts qui sont pour la plupart déjà bien engagés: essayer de ne demander au citoyen la même information qu’une seule fois, être transparents quant à l’utilisation de ses données, faire en sorte qu’il puisse accéder à une démarche par un seul point de contact,… Toutes ces considérations sont déjà prises en compte, mais les efforts doivent être poursuivis.