Genèse d’un facilitateur

Créé à l’aube du nouveau millénaire, le Fonds National de la Recherche fête ses 20 ans. Ce levier de financement définit les priorités nationales, oriente la recherche et réalise la promotion des sciences. Interview de Marc Schiltz, secrétaire général et responsable exécutif du FNR depuis 2011.

 

Peut-on dire que l’histoire du FNR est un peu celle de la recherche publique au Luxembourg?

La forte volonté politique d’investir et de bâtir ce secteur a mené à la création du Fonds National de la Recherche en 1999 puis à celle de l’Université du Luxembourg en 2003. En 2007, et sous mandat gouvernemental, le FNR a pu définir les cinq priorités nationales que sont la recherche sur les matériaux, les systèmes d’informations et de communication, la gestion des ressources naturelles, les sciences sociales et les sciences de l’éducation ainsi que le biomédical.

Nous savions qu’il fallait éviter que ces nouvelles connaissances soient nichées dans une tour d’ivoire et assurer qu’elles trouvent une application réelle au-delà d’un environnement purement académique.  Des programmes ont alors été développés en lien avec les industries, les entreprises, le secteur des services et la société multiculturelle du pays.

La réforme législative de 2014 nous a attribué de nouvelles missions dont celle de soutenir la valorisation des résultats de la recherche. Nos instruments de financements ont par exemple soutenu des collaborations entre les institutions de recherche et le secteur privé.

Le gouvernement établit actuellement une nouvelle stratégie nationale pour laquelle nous avons formulé des propositions; elle devrait être présentée dans les premiers mois de 2020.

 

La recherche publique bénéficie donc du soutien politique mais qu’en est-il de celui de la population?

Nous réalisons régulièrement des sondages auprès de la population résidente dont les résultats montrent un soutien des investissements dans la recherche. Le taux de confiance envers les scientifiques dépasse même les 88%, ce qui est peut-être en passant, le signe d’une plus grande résistance aux informations sans fondement.

Le soutien constant des gouvernements successifs relève d’un consensus politique qui se concrétise dans les budgets dédiés, multipliés par douze depuis la création du FNR.

Je crois que le dialogue entre les scientifiques, les citoyens et les politiques sera d’une importance capitale à l’avenir. Il existe déjà de bons exemples comme les cafés-débats du LISER ou encore les rencontres organisées entre députés et scientifiques qui tour à tour passent une journée dans l’environnement de travail de l’autre. Ce sont des échanges enrichissants de part et d’autres dans la mesure où le travail scientifique est gratifié de l’intérêt sociétal et que le discours politique s’éclaire des connaissances scientifiques.

Ces faveurs sont autant d’exigences à remplir; à nous les scientifiques d’être à la hauteur du crédit qui nous est accordé.

 

Quelles sont les grandes nouveautés dans la recherche publique?

Historiquement la science se fait avec le paradigme des hypothèses vérifiées par l’expérimentation mais la transformation digitale impacte désormais jusqu’à nos méthodologies de travail.

La masse de données génère désormais une grande quantité d’informations qu’il s’agit d’extraire. Ceci révolutionne des domaines comme le biomédical où l’on peut désormais établir un profil génétique d’une personne en quelques minutes seulement. Il en va de même pour les sciences sociales qui bénéficient d’une mine d’informations que sont les données téléphoniques et les réseaux sociaux.

Le digital nous oblige à repenser la méthode scientifique aux lumières de l’éthique et de la sécurité des systèmes informatiques. Il en va de la protection des données personnelles, des données hautement sensibles, des intérêts industriels mais aussi de la souveraineté des Etats et notamment en période électorale.

Enfin, il y a des initiatives gouvernementales qui se concrétisent telle que l’agence spatiale luxembourgeoise (Luxembourg Space Agency) dont nous sommes partenaires. C’est un créneau économique, certes mais également de recherche, générateur de questions scientifiques ô combien intéressantes.

 

Parlez-nous des synergies que vous favorisez…

Contrairement à nos pays voisins qui peuvent compter jusqu’à une centaine d’universités et plusieurs centaines de centres de recherche, l’exiguïté de notre territoire ne permet pas d’établir un système concurrentiel. Ceci est bien compris par les directeurs et la coordination entre les différents centres de recherche fonctionne désormais très bien. D’ailleurs, les grands projets que nous finançons, comme l’étude menée par le «National Centre of Excellence in Research on Parkinson’s Disease» rassemble des partenaires comme le LIH, l’Uni.lu, le LNS et le CHL. Lorsque nous sommes amenés à nous présenter à l’étranger, nous adoptons une même marque: «Research Luxembourg»; là aussi pour montrer notre unité.

La concurrence ne doit pas être interinstitutionnelle mais internationale, et ce, afin de veiller à ce que la qualité soit à la hauteur de nos ambitions. C’est pourquoi nous nous appuyons sur un réseau mondial d’experts et de scientifiques qui réalisent plus de mille évaluations de projets par an. Dans les comités de sélection et d’évaluation, le mot d’ordre est d’avoir le même niveau d’exigence et de standards que dans leurs pays.

 

Quels sont les signes de la bonne santé de la recherche publique?

Disons que plusieurs indicateurs sont au vert. D’une part, les scientifiques qui siègent dans nos comités durant plusieurs années voient les évolutions positives et nous renseignent. Ensuite, nos équipes de recherche sont de plus en plus sollicitées dans des projets européens; financés par la Commission européenne, on ne peut rentrer dans ces consortiums que si la qualité est là. Nous bénéficions en outre toujours plus de financements européens. Enfin, nous réussissons à attirer de hauts profils internationaux.

Nous pouvons être fiers de ce qui a été accompli en si peu de temps. Développer un site de recherche avec une bonne visibilité internationale est un exploit collectif. Il reste néanmoins de grands défis à relever et notamment avec la transformation digitale et l’arrivée de l’intelligence artificielle qui apporteront tout un ensemble de défis sociétaux dans lesquels la recherche scientifique aura un rôle déterminant. Les 20 années à venir s’annoncent tout aussi excitantes, si ce n’est plus encore…

 


Présentation du CEO

Titulaire d’un doctorat en physique et d’un MBA pour cadres de l’INSEAD, Marc Schiltz est actif dans la recherche et l’enseignement supérieur depuis plus de 20 ans dans plusieurs pays européens et est un scientifique reconnu. Il a développé une expertise approfondie dans la gestion et l’organisation de la recherche stratégique. Sous sa direction, le FNR a largement contribué à renforcer la qualité et l’impact du système de recherche luxembourgeois et à établir des liens avec le secteur privé et la communauté scientifique internationale.


 

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