Invest EU

Au lendemain de la crise financière, le plan Juncker a été lancé avec l’objectif de redonner une énergie au tissu économique européen. Cet effort de plus de 400 milliards d’euros, au travers de la Banque Européenne d’Investissements, avait alors l’ambition de combler la chute de 40% des investissements pendant la crise. Invest EU, le nouveau plan pour l’Europe prévu à l’horizon 2021-2027, entend quant à lui favoriser la transition «carbon free», la transformation digitale de nos sociétés et le développement de l’économie sociale et solidaire. Fabio D’Aversa, économiste et associé chez PwC, répond à nos questions.

Quels sont les éléments d’importance capitale d’Invest EU?

Le plus important à mes yeux, c’est la transformation de notre modèle économique en faveur de la transition écologique. La question du changement climatique est dorénavant explicitement intégrée dans les objectifs stratégiques. Les investissements ne devraient donc pas bénéficier à des activités économiques qui ne soient pas susceptibles de produire un impact positif sur l’environnement.
La deuxième nouveauté réside dans la gestion d’Invest EU qui sera réservée à 75% à la BEI et ouvert à 25% à d’autres institutions partenaires comme les banques d’investissements nationales (la Caisse de Dépôts et Consignation en France ou la SNCI au Luxembourg par exemple). Ce qui devrait nettement augmenter le nombre de projets financés et l’utilisation des fonds disponibles, mais aussi améliorer l’allocation des ressources d’investissements des gouvernements nationaux sur des investissements en ligne avec les objectifs stratégiques mentionnés.
Le troisième élément est les moyens mis en œuvre pour l’assistance technique afin de faciliter la finalisation et l’implémentation des projets financés.
Même si pour l’heure, les discussions au sein du Parlement européen sont encore en cours, le budget total devrait à nouveau tourner autour des 38 milliards d’euros de garantie du budget de l’Union et atteindre le montant de 650 milliards d’investissement d’ici fin 2027.

Qui en bénéficiera?

Invest EU est une garantie dont bénéficieront la BEI ainsi que les banques d’investissements publiques des Etats membres. La réglementation secondaire, qui n’est pour l’instant pas encore publiée, devrait aussi faciliter le partenariat avec les investisseurs privés.
Ces garanties permettront d’investir dans les quatre axes prioritaires que sont: les infrastructures soutenables, l’innovation et la transformation digitale, les petites et moyennes entreprises, l’économie sociale et la formation.
La question du changement climatique et la protection de l’environnement devront être présents dans tous les axes et dans tous les investissements.

Quels seront les critères demandés?

La gouvernance d’Invest EU, qui s’échelonne de 2021 à 2027, reste en cours de définition. Nous savons déjà qu’il sera géré par un Comité d’investissements coordonné par les Services de la Commission européenne. Il reviendra à ce comité d’apprécier ou non, les plans d’investissements qui lui seront présentés par la BEI et les banques d’investissements publiques, et ce notamment à la lumière des quatre grands axes de priorités.
Le processus d’octroi devrait être simplifié au maximum et mon optimisme réside dans le fait que nous ne partons pas d’une feuille blanche. Beaucoup de processus existent déjà grâce à l’expérience de l’EFSI, le plan Junker, et méritent seulement d’être optimisés.

Le Plan Juncker a montré que l’Union européenne sait mobiliser les fonds; n’y a-t-il pas néanmoins une insuffisance dans leur mise à disposition aux PME nécessiteuses?

Je pense que de gros efforts ont été réalisés dans la reprise et le renforcement de crédits octroyés par les banques européennes. Ce qui leur a permis de débloquer et faciliter les prêts aux PME et nous sommes même arrivés à une situation de disponibilité financière d’avant la crise.
Il faut cependant encore améliorer la fluidité et l’accompagnement des PME dans leur transformation digitale et énergétique.
Sur un autre sujet, les projets de financement d’infrastructures pour la production et la distribution énergétique sont relativement prêts, mais connaissent en effet des problèmes de finalisation des dossiers et de mise en œuvre opérationnelle. Toute une série d’embuches de dossiers et d’autorisations grippent encore le processus et c’est pour cela que 150 millions d’euros seront dédiés à la facilitation des projets de financement.

Quelles sont les retombées potentielles en termes de création d’emplois et de croissance?

Répondre à cette question relèverait plus de la boule de cristal que du raisonnement économique. Dans la mesure où la transformation digitale n’en est qu’à ses prémices, il est extrêmement difficile de prévoir les évolutions de nos métiers et la création de ceux de demain. C’est pour cela que l’un des objectifs d’Invest EU est d’améliorer les compétences des Européens afin d’être équipé au mieux face au processus de transformation.
Pour ce qui est de la croissance économique, l’objectif principal est moins l’augmentation du taux que la transformation de notre modèle économique face au changement climatique. N’oublions pas qu’abolir les énergies fossiles d’ici 2050, ne nous laisse qu’une toute petite fenêtre de réussite.
Il est certain que cette transformation va créer des opportunités d’emplois dont nos sociétés ont besoin pour réabsorber le niveau de chômage qui reste encore trop élevé.

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