Ecotrel, maillon indispensable entre la production et la consommation responsable
Autrefois placés en décharge, les déchets deviennent aujourd’hui une mine de ressources et de matières premières grâce aux centres de recyclage. Dans ce contexte, l’asbl Ecotrel endosse les obligations légales à charge des producteurs d’équipements électriques et électroniques, en intégrant le concept de responsabilité élargie des producteurs dans celui de l’économie circulaire. Bernard Mottet, directeur, présente les activités de son association devenue une référence en Europe et revient sur le rôle essentiel qu’elle joue sur le marché luxembourgeois.
Ecotrel et Ecobatterien fêtent respectivement leurs 15e et 10e anniversaires. Pouvez-vous revenir brièvement sur les activités des deux entités?
Ces microstructures, érigées sous la forme d’asbl, sont deux organismes différents. Pour Ecotrel, nous endossons les obligations à charge du producteur et de l’importateur de produits électriques et électroniques. Ecobatterien a la même mission, mais transposée aux piles, aux batteries ou encore aux accumulateurs. Notre objectif consiste à atteindre certains taux de collecte, à mettre en place une gestion des produits en fin d’utilisation tout en respectant la hiérarchisation des déchets, à savoir la réutilisation, la réparation, le recyclage, la valorisation énergétique, l’incinération et si aucune solution ne peut être envisagée, leur enfouissement technique.
Ecotrel a été créée en 2004. Son but n’est pas de générer de l’argent, mais bien d’organiser le traitement des déchets sans que des frais élevés et supplémentaires n’incombent au consommateur. Une nouvelle directive est apparue deux ans plus tard, elle visait les piles et les accumulateurs. Ecotrel s’est alors associée à la Fédération des Artisans, la FEDIL ainsi que la CLC pour créer Ecobatterien. Les deux entités sont aujourd’hui gérées par la même équipe. Nous arrivons à financer la collecte et le traitement des équipements grâce à une cotisation de recyclage (sous la forme d’éco participation) perçue dès la mise sur le marché.
A l’occasion du 15e anniversaire d’Ecotrel, nous avons organisé une exposition de photos d’art relative aux ressources qu’on a collectées au Luxembourg. Interpeller le visiteur et donner une valeur artistique, tout comme une valeur marchande au déchet, étaient les principaux objectifs de cette manifestation. Les photos ont été exposées dans le hall de l’Université de Luxembourg à Belval. Cette exposition a pour vocation d’être réutilisée ailleurs, comme un clin d’œil au principe d’économie circulaire.
Qu’en est-il de l’évolution du secteur du recyclage à l’heure où nous parlons de plus en plus de gestion raisonnée des ressources?
Nous sommes aujourd’hui devenus une référence en Europe. A l’époque nous étions partis d’une feuille blanche, tout était à créer. Notre crédo, «ce que l’on fera demain, on ne l’a jamais fait hier», résume à merveille notre activité. Prenons l’exemple du Smartphone, des écrans plats, des ampoules LED,… qui n’existaient pas en 2004 lors de la création d’Ecotrel. Dès lors qu’un nouveau produit arrive sur le marché, le secteur du recyclage est systématiquement forcé de s’adapter, c’est donc une remise en question permanente.
Auparavant, nous parlions de la garantie du recyclage pour un monde durable, aujourd’hui, nous parlons de la gestion responsable des ressources. Pour créer un produit, nous avons besoin de ressources, d’intelligence, d’énergie et de matières premières. Lorsqu’un usager se débarrasse du produit, il est soit possible de le réexploiter, soit de l’utiliser à d’autres fins, par exemple en le démontant pour en extraire les ressources. Nous procédons notamment à un démontage manuel afin d’augmenter la pureté et la qualité de la matière première. Cela suit simplement le principe d’économie circulaire dont l’origine et la finalité ont un seul dénominateur commun: le consommateur. L’économie circulaire est composée de circuits courts et reste attachée au principe de proximité. C’est important car nous devons lutter contre les exportations illégales de déchets ou d’équipements vers d’autres continents comme l’Asie ou l’Afrique. Nous pourrons ainsi atteindre les taux de collecte imposés par la loi en évitant que ces déchets ne se retrouvent partout dans le monde. L’an dernier, Ecotrel avait atteint un taux supérieur à 50%, ce qui nous place dans le peloton de tête en Europe. Cette année, nous devrions atteindre 65%. Ce taux est déjà atteint pour les écrans de télévision, les frigos et les gros appareils électroménagers, mais pas pour les appareils informatiques et de télécommunication.
Les exploitants miniers du XXIe siècle seront les personnes qui trouveront les matières premières dans les déchets, c’est là que se développera le secteur industriel de demain. Je reste persuadé que la façon la plus efficace de financer l’économie circulaire est le concept de responsabilité élargie des producteurs. Qui financerait la reprise d’un produit, le citoyen? C’est impossible, car les bons vœux écologiques s’évaporeraient en un instant. Il faut ainsi à tout prix éviter les freins à la reprise des appareils car c’est justement cette reprise et le tri qui s’en suit qui permettront de garantir des filières de bonne qualité.
Quels sont les exemples de bonnes pratiques dans ce domaine?
Pour illustrer nos activités, nous sécurisons les collectes en magasin avec des conteneurs adaptés pour les piles, avec l’emploi de vermiculite pour éviter les risques de départ de feu et isoler les piles entre elles. C’est également le cas des centres de recyclage, où nous mettons à disposition des conteneurs sécurisés et connectés dans lesquels nous remettons les fûts de collecte.
Notre travail consiste également à mettre en garde les acteurs du domaine vis-à-vis des «fausses bonnes idées». A première vue, envoyer des Smartphones ou des ordinateurs d’occasion en Afrique est une bonne initiative. Or le recyclage de ces appareils n’y est pas assuré et la plupart du temps nous envoyons de futurs déchets en puissance sur ce continent.
En collaboration avec la SuperDrecksKëscht, ainsi qu’avec la commune de Sanem, nous montrons l’exemple, en développant, ici dans nos bureaux, un projet pilote de tri des déchets en résidence. Il s’agit ainsi d’optimiser les flux à la source de la création de déchets dans les villes. En optimisant les flux avec un tel centre à la base du processus, nous pourrons désengorger les centres de recyclage et améliorer la logistique. C’est un projet complexe car il concerne plusieurs acteurs. Il est nécessaire de trouver des consensus au sein de la copropriété. La commune doit elle aussi adapter ses conteneurs aux besoins spécifiques et à la mixité de chaque résidence qui comprend à la fois des commerces, des restaurants, des bureaux ou encore des logements. Les déchets de ces activités sont tous différents, il faut donc pouvoir appréhender les volumes et les types de déchets afin d’organiser les fréquences d’enlèvement, les conteneurs adéquats,…
Ecotrel développe enfin des systèmes de gestion locaux avec les acteurs déjà implantés sur le territoire. Nous travaillons énormément avec les opérateurs des centres de recyclage qui s’occupent notamment du tri et ne laissent pas le public face à lui-même, car à instaurer des règles trop compliquées, des erreurs sont générées.