La nouvelle voix des salariés

L’année écoulée a été particulièrement chargée pour Nora Back. A la une de tous les médias du pays, la jeune syndicaliste, candidate à la présidence de l’OGBL en décembre, vient d’être élue présidente de la Chambre des salariés (CSL) en juin. Ayant pris ses premières marques, elle nous parle de son parcours et de ses ambitions à ce poste. Explications.

 

Une ascension fulgurante

Après avoir poursuivi des études à l’Université de Bruxelles en psychologie du travail, Nora Back trouve un premier emploi au sein d’une banque belge, dans un département dédié au bien-être de ses collaborateurs. Lorsque l’entreprise luxembourgeoise Quest vient recruter de jeunes talents au Luxembourg, la jeune femme y voit l’opportunité d’aborder une autre facette de son métier, davantage commerciale, et de revenir au Luxembourg; elle accepte donc l’offre.

En 2004, elle postule spontanément à l’OGBL. Nora Back l’intègre, en tant que secrétaire centrale adjointe du syndicat de la santé et des affaires sociales avant de devenir elle-même responsable du poste quelques années plus tard. Dans un premier temps sous la tutelle d’André Roeltgen, elle négocie les conventions collectives, encadre les délégués du personnel, organise les formations, maintient un contact avec les salariés, discute avec eux de tous les aspects de leur travail,…

Il y a cinq ans, lors du congrès national de l’OGBL, Nora Back est également élue au bureau exécutif du syndicat, en parallèle des responsabilités qu’elle assume dans le secteur de la santé. D’abord responsable de la supervision de la loi sur le temps de travail, elle gère depuis lors le département des femmes, celui de la fonction publique et de la formation professionnelle continue.

En 2018, elle devient secrétaire générale de l’OBGL, mais bien que ce poste la destine à long terme à la présidence du syndicat, Nora Back ne s’attend pas à la rapidité avec laquelle les événements s’enchaineront. Elle explique: «André Roeltgen prévoyait de me céder la présidence après une transition de quelques années où il prendrait le temps de me former à ce poste. Les dernières élections ont accéléré ce processus, suite à quoi j’ai été élue à l’unanimité en tant que présidente de la Chambre des salariés».

Malgré la surprise, Nora Back assume très vite ses responsabilités et apprend à connaitre les rouages de la Chambre des salariés en un temps record, elle qui n’y a adhéré que lors de sa présentation aux élections. «L’équipe est formidable et m’a offert un très grand soutien. Jean-Claude Reding m’a beaucoup épaulée et grâce à son tempérament calme et ambitieux, je n’ai jamais douté de notre réussite», témoigne-t-elle.

 

Parler au nom des travailleurs

La nouvelle présidente de la Chambre des salariés entend garantir une continuité dans sa gestion tout en améliorant sa visibilité auprès des employés. La CSL est en effet une institution qui porte leurs voix au Luxembourg et avise les projets de lois relatifs au travail proposés à la Chambre des députés. Les salariés, pensionnés et leurs familles ont ainsi la possibilité de s’exprimer par rapport aux futures prises de décisions politiques. Elle peut également proposer des axes de développement et de nouvelles législations de manière proactive.

Avec 50.000 personnes formées au cours des cinq dernières années, la CSL assume par ailleurs, à côté de son rôle dans la formation initiale, une mission de formation continue. En tant que plus grand organisme de formation au Luxembourg, elle développe des partenariats (Université du Luxembourg, universités étrangères, Digital Inclusion asbl,…) pour proposer des cursus à tous types de publics, que ce soient les salariés, pensionnés, réfugiés, personnes défavorisées,…

 

Lutter contre les disparités

Selon Nora Back, les inégalités économiques et sociales seront toujours l’axe principal de travail des syndicats et de la Chambre des salariés. Le climat économique favorable du Luxembourg donne parfois la fausse impression que le pays est à l’abri de ces différences, pourtant, on les retrouve au niveau de la redistribution des richesses et des gains de productivité fournis par les salariés à tous niveaux; entre les salaires masculins et féminins à un même poste où le Luxembourg affiche encore 5,5% d’écart; entre frontaliers et résidents, au niveau de l’imposition, des prestations familiales et des pensions,…

Différentes actions ont été dégagées par la CSL pour les contrer. Son comité à l’égalité est impliqué dans la préparation du plan d’action national de la ministre Taina Bofferding pour imaginer des stratégies qui pourraient faire évoluer les mentalités et favoriser l’obtention de l’équilibre salarial entre les femmes et les hommes. Par ailleurs, au travers de son «Panorama social», la Chambre thématise, illustre et dénonce les inégalités pour tenter des les enrayer. On y retrouve des informations chiffrées et percutantes: «18,7% de la population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, notamment un jeune sur cinq est touché! Le panorama de cette année nous montre également que plus de 40% des familles monoparentales connaissent la même situation. Nous tentons par exemple de contrebalancer ces inégalités par des revendications, visant à donner davantage de pouvoir d’achat aux bas salaires».

Ce panorama social est présenté lors d’une conférence de presse fortement médiatisée qui montre les facettes de ces déséquilibres. Les newsletters de la CSL contribuent quant à elles à mettre en évidence les chiffres issus du «Panorama social» en les publiant au fur et à mesure, sur une période d’un an.

 

Améliorer le bien-être au travail 

Le sujet du bien-être est également un lieu d’inégalités entre les salariés quant à leur environnement professionnel. Depuis 2012, la Chambre des salariés publie une fois par an le «Quality of Work Index» qui met en avant les sujets préoccupant les employés. Cette étude est réalisée sur base d’un panel de 1.500 participants, échantillon jugé scientifiquement représentatif par l’Université du Luxembourg, dans ce cadre partenaire de la CSL. «Cette étude nous permet d’avoir une idée représentative du monde du travail luxembourgeois du point de vue des salariés ainsi que des problématiques qui les touchent», explique Nora Back.

Chaque année l’étude est axée sur une thématique particulière. Par exemple, une des études avait porté sur le harcèlement moral au travail également appelé «Mobbing». «Pour avoir rédigé mon mémoire de fin d’études à ce sujet, c’est une thématique qui m’intéresse particulièrement. Dans cette enquête, nous avons observé une croissance du harcèlement, même si cela est difficilement chiffrable. Celui-ci découle par exemple des horaires de travail et de la difficulté d’opérer une scission entre vie professionnelle et vie familiale. Notre lieu de travail est l’endroit que nous fréquentons le plus tout au long de notre vie et parfois, c’est ce même lieu qui nous rend malade. Nous ne devons pas l’accepter», déclare la présidente de la Chambre des salariés.

L’année dernière le Quality of Work Index portait sur la digitalisation et les problématiques qui en découlaient. Les salariés ont par exemple des difficultés à faire valoir leur droit à la déconnexion car les employeurs exigent d’eux une certaine flexibilité. Or, celle-ci implique une grande charge mentale devenant par la suite une source de stress pour l’employé. Cette année l’étude porte sur la flexibilité des heures de travail, contre laquelle la Chambre des salariés lutte: «Nous demandons une prévisibilité des horaires de manière à ce que les employés ne soient pas à la merci d’un employeur décidant imprévisiblement de leurs horaires. Cela permettrait aux salariés d’opérer une meilleure séparation entre vie privée et professionnelle. Ce défi s’intensifiera sans doute avec la généralisation de formes courtes de contrats (l’enchainement de CDD, contrats intérimaires,…). Les résultats de l’étude seront présentés fin novembre».

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