Les données de santé

La santé pourrait devenir l’un des principaux piliers de l’économie nationale d’ici quelques années en faisant du Luxembourg un Health Data Hub. C’est tout du moins la conviction de Guy Brandenbourger, associé et Healthcare Leader chez PwC Luxembourg, qui revient pour nous sur les atouts du Grand-Duché. Interview.

 

Qu’en est-il de la digitalisation du secteur de la santé en général et de la médecine personnalisée en particulier?

Une récente étude PwC sur le déploiement de la télémédecine en Europe révèle que 80% des actes médicaux sont encore réalisés de manière classique et qu’une augmentation de 20% de la télémédecine pourrait faire l’économie de 271.793 jours de consultations, de 20 millions de kilomètres parcourus, de 2,4 milliards d’euros et de 210.000 décès.

Les bénéfices potentiels de la digitalisation du secteur sont connus mais entre le patient et le médecin, réside des données qu’il s’agit de créer, de sécuriser, de stocker et d’échanger. La solidité de cette chaîne de valeur dépend certes de la technologie mais aussi des praticiens et des patients. Ces derniers ne doivent plus subir mais être des acteurs de leur santé. Si les données médicales sont créées par les médecins, les hôpitaux ou les laboratoires, c’est l’individu qui en est le propriétaire et le gestionnaire et à lui de décider à qui il les communique. C’est là toute l’ambition du Dossier de Soins Partagé (DSP) de l’agence e-Santé.

 

Quel rôle le secteur privé peut-il jouer dans l’avènement de l’e-santé?

Le cadre réglementaire est nécessaire à la constitution d’un écosystème économique qui protège, anonymise, stocke en volume puis valorise ces données. Sous réserve du consentement de l’individu, ses informations médicales sont profitables à l’industrie pharmaceutique, à la recherche clinique et plus généralement à la santé publique.

L’identité digitale du patient sécurisé, éventuellement anonymisé ou pseudomisé ouvre un vaste champ de possibilités. Et notamment via les objets connectés qui récoltent certaines données utiles aux études longitudinales à grande échelle comme l’exposition au stress, à certains virus ou à la pollution par exemple. La convergence du Big Data et de la santé publique profitera à la prévention et à l’anticipation de l’état de malade.

 

Quelles ambitions pour le Luxembourg?

Celle de devenir un dépôt sécurisé pour les données provenant de l’international par exemple. Ce Health Data Hub profiterait de la sécurité, de la réputation et du savoir-faire technologique de la Place financière. Les synergies possibles entre les deux secteurs sont nombreuses et l’une d’elle pourrait sans aucun doute être la blockchain, sécurisant l’échange des données, qu’elles soient financières ou médicales.

Le rapport Rifkin sur la Troisième Révolution Industrielle du Luxembourg explique clairement que la diversification économique passera aussi par la santé. Le programme gouvernemental va d’ailleurs dans ce sens avec la digitalisation de l’ordonnance médicale bientôt envoyée directement au pharmacien et à la Caisse de Santé. Plus rapide et sécurisée, elle devrait être introduite au cours du mandat gouvernemental, plaçant ainsi le Grand-Duché sur le banc des meilleurs élèves européens.

 

Quels sont les atouts du Luxembourg?

La solidité du tissu médical revient d’abord à la qualité de ses acteurs, que ce soit la CNS, l’agence e-santé, le LIH, l’IBBL et les quatre hôpitaux dont le CHL qui participe à une recherche clinique internationale de phase 1 contre le cancer (une première pour un hôpital luxembourgeois).

Il y a ensuite la qualité de nos infrastructures avec des centres de données Tier IV, l’implémentation du Datacenter de Google à Bissen, l’introduction du DSP, la création d’un Bachelor en médecine à l’Université du Luxembourg et le déploiement de la 5G qui impactera la transmission et l’interprétation des données.

Enfin le contexte favorable avec des projets européens comme le «1 Million Genomes» qui à l’horizon 2022 favorisera un mécanisme de collaboration susceptible d’améliorer la prévention des maladies et de permettre des traitements plus personnalisés.

Le Luxembourg peut donc faire valoir sa capacité à capter, sécuriser, traiter et mettre à disposition les données de santé au niveau européen dans un premier temps, puis à l’échelle mondiale. L’écosystème mis en place, la vision politique et les maturités institutionnelle et hospitalière permettent, tout du moins, de l’envisager.


Conférence à venir

Le 26 juin 2019 au Crystal Park, PwC Luxembourg organise la conférence «E-santé ou la data dans tous ses états» – Points de vue européens et perspectives pour le Luxembourg. Il sera notamment question du déploiement des services de télémédecine en Europe et des possibilités offertes par le big data pour le secteur de la santé au Luxembourg. Cet événement est exclusivement sur invitation. Plus d’information: pwc-events@lu.pwc.com

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