Du sentiment à l’action

Imaginons un instant les dix plus grandes villes du monde submergées par les eaux: de New-York et Miami à Tokyo, en passant par Abidjan, Amsterdam et Rotterdam. Des événements climatiques extrêmes balayeraient les récoltes et compromettraient notre sécurité alimentaire. L’acidité des océans désorienterait plus encore les organismes marins, 30% de la biodiversité terrestre serait perdue et un tiers des espèces mammifères se déplacerait de plusieurs centaines de kilomètres. C’est le tableau apocalyptique peint de la gouache scientifique.

Le choix posé à l’humanité est d’agir ou de souffrir. Après les observations littéraires de l’ère industrielle (lire Germinal ou La Bête humaine de Zola ainsi que Les Villes tentaculaires d’Emile Verhaeren) et les premières études scientifiques sur la pollution du début du XXe, la conscience écologique est née dans les années 70. Cela fait presque 50 ans de conscience! Et nos émotions portent sur les petits ours polaires affamés et rachitiques s’agrippant à un morceau de banquise disloquée et fondue. Mais à quand l’action? À quand des règles? À quand une législation contraignante? À quand des politiques ambitieuses dignes de l’Histoire?

Certes, 196 Etats ont choisi d’agir en se posant l’objectif de cantonner la hausse à 2° et de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2050. Mais force est de constater qu’après les Accords de Paris sur le climat de 2015, (texte le plus largement et le plus rapidement signé de l’histoire de l’humanité), nous ne sommes même pas à la hauteur de nos engagements!

Les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables et les techniques vertes ont augmenté de 16% en 2014, ce qui représente 300 milliards qui seront doublés d’ici 2020. Mais cela n’est rien, comparé aux 4.700 milliards, qui sont encore chaque année, investis dans les énergies fossiles.

En ce mois de mars 2019, nous avons en tête l’image ô combien virginale de la petite Greta Thunberg, jeune activiste suédoise de seize ans, lors d’une conférence à l’UE. L’adolescente est à l’origine du mouvement des «vendredis pour l’avenir», qui mobilise lycéens et étudiants séchant les cours pour manifester pour la défense de l’environnement. Ses nattes délicatement tressées de chaque côté de son visage d’enfant qui lui donnent des airs de Laura Ingalls dans La Petite Maison dans la prairie, son éloquence impeccable, son intelligence indéniable au service d’une noble cause sont autant de qualités que nous aimons et qui attirent caméras et micros.

Son innocence attendrit et son intelligence impressionne mais qu’en est-il de l’inaction politique qu’elle dénonce? Lors de la conférence, Jean-Claude Juncker se retrouve au troisième plan de l’image, derrière Greta, derrière une rangée d’étudiants, tout au bord de l’estrade, comme prêt à tomber.

Le temps des «il faut…» et des «nous devons…» ne devrait-il pas laisser place à celui du «comment»? La foi en l’avenir n’engage que ceux qui croient aveuglément au progrès mais seule la parole scientifique peut créer des solutions; n’est-ce pas à elle que les politiques doivent tendre leur écoute?

L’autre image de ce mois de février se passe à la Chambre des députés. Le militant écologiste Brice Montagne demande si un membre de l’assistance a lu le rapport de 32 pages sur l’évolution du climat publié à l’automne 2018 par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Sous les yeux de Carole Dieschbourg, ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, aucune main de député ne s’est alors levée… Tout un symbole.

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