Les dames du Mistral gagnant

Oekostroum

Que peut pousser un instituteur à quitter le confort douillet de sa salle de classe pour se lancer dans l’aventure incertaine des éoliennes? L’immobilier ayant été certainement plus lucratif, une profonde conscience écologique semble une meilleure explication que l’appât du gain. Rencontre avec Frank Muller, CEO d’Oekostroum, qui a depuis longtemps l’intime conviction que les enjeux écologiques ne concernent pas uniquement les pays lointains mais qu’ils prennent forme ici, dans nos mentalités.

 

Se rappelant des sècheresses de 2003, de 2015 et de cette année encore qui jaunirent séquentiellement les champs de sa ferme, Frank Muller ne regrette pas d’avoir quitté l’éducation nationale en 2006 pour se lancer dans un projet de sept éoliennes dans le Nord luxembourgeois. Aujourd’hui encore, Weiler est le plus grand parc d’éoliennes du pays. S’en suivront quatre éoliennes à Tarchamps en collaboration avec Soler et une autre à Feelen. Dans la mesure où la protection du climat ne se limite pas aux frontières nationales, cinq autres projets sont en cours d’étude en Grande Région.

 

Conscience écologique

Le citoyen engagé considère que, dans la mesure où les technologies rendent abordables l’achat de véhicules électriques d’une autonomie de 300 à 400 km, l’industrie porte une responsabilité sociétale. «Certes, l’extraction des matières premières doit être plus vertueuse et nous devons mieux penser le recyclage des batteries, mais l’électromobilité est une chance de sortir de la mobilité carbone qu’il nous faut saisir». On pourrait d’ailleurs raisonnablement imaginer que les véhicules électriques deviennent une norme pour les classes moyennes à moyens termes. Dans la mesure où il serait ubuesque que le nucléaire ou le charbon alimente ces véhicules électriques, l’approvisionnement en électricité verte est dès lors incontournable. Nos sociétés doivent redoubler d’efforts dans la convergence énergétique et plus précisément dans la production d’électricité verte. À l’échelle luxembourgeoise, l’éolien, le solaire, la biomasse et la géothermie sont autant d’opportunités qu’il nous faut soutenir. Et si la part des énergies renouvelables ne représente qu’une infime minorité de l’approvisionnement national, force est de reconnaître la volonté politique de faire plus.

 

Un terrain propice

Les régions luxembourgeoises du Nord sont propices à l’éolien et c’est pour cela que le parc Weiler s’étend sur 12 ha de la commune de Wincrange. Huit années d’études ont été nécessaires afin de trouver les meilleurs emplacements, négocier avec les propriétaires tout en rassurant les populations. De nombreux critères existaient comme la distance par rapport aux habitations, le sens du vent ou encore la non-obstruction à la lumière du jour mais aussi le respect de la nature car tout autour des éoliennes, il existe des zones de protection pour les oiseaux. «Sans compter qu’il a fallu s’armer de patience et de diplomatie afin de désamorcer les préoccupations des habitants». Le résultat est qu’une commune qui compte 4.200 habitants a soutenu un projet capable d’alimenter 13.000 ménages. En 2020, ces sept éoliennes produiront environ 21,5% de l’énergie éolienne du Grand-Duché, soit 6,6% de sa production d’électricité verte.

 

L’éolien au Luxembourg

Au regard de la densité des habitations et de la distance entre les villages, un projet de même ampleur est malheureusement impossible à implémenter le long de la Moselle ou dans le sud du pays. Le minimum raisonnable est d’un kilomètre de distance et trouver les espaces propices n’est pas chose facile au Luxembourg. Des études sont actuellement en cours dans des régions qui ont des vents plus faibles mais qui pourraient néanmoins accueillir de nouvelles générations d’éoliennes dont le rendement est une fois et demie plus important que les anciennes. «La population luxembourgeoise est majoritairement favorable à l’éolien mais c’est à condition du bon sens et il ne faudrait pas que ce bon vent tourne mal», s’amuse à conclure Frank Muller. Pour exemple, le seuil de tolérance quant au bruit depuis les maisons est deux fois plus important au Luxembourg qu’en Allemagne.

 

Tarifs et responsabilité

Les tarifs d’Oekostroum dépendent des prix de la bourse (actuellement à 3 centimes d’euro) mais aussi des subsides étatiques alloués sur une période de quinze ans. Passé ce délai, «soit le prix de la bourse s’établit à la hausse, soit il faudra remplacer les anciennes éoliennes par de nouvelles afin de percevoir de nouveaux subsides et rester compétitif», explique Frank Muller.

Oekostroum prend toujours soin d’éviter les désagréments relatifs aux bruits et à l’ombre des retords. Il faut également réaliser des études minutieuses quant à l’impact environnemental des éoliennes et la migration des oiseaux et des chauves-souris tout en respectant leurs terrains de chasse. Enfin, il faut réaliser plusieurs réunions d’information auprès des habitants afin de les rassurer et de les inclure au plus tôt dans l’aventure.

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