Pour une valeur durable

Arendt Business Advisory

Le Luxembourg a le potentiel de devenir un centre européen et international de l’économie circulaire; c’est tout du moins la conviction d’Arendt Business Advisory. Par les voix de son Engagement Advisor, Pascal Heuschling, et de son CEO, Philippe Wery, le cabinet de conseil nous invite à penser un investissement selon une grille de référence où la création de valeur ne serait plus uniquement financière mais également durable. Interview.

 

Pourquoi la création d’une valeur durable est-elle nécessaire?

PW: Les entreprises ne devraient plus seulement évaluer la valeur d’un projet à la lumière financière mais également considérer ses impacts sociaux, sociétaux et environnementaux. Repenser son activité selon ces nouveaux paramètres ne va pas toujours de soi mais cela devient possible dès lors que l’image commerciale de l’entreprise est engagée. Les possibilités de rencontrer une rentabilité à moyen et long termes tout en suivant les préceptes de la circularité et du développement responsable et durable sont aujourd’hui existantes. Dans la mesure où le secteur public pense la valeur en fonction des intérêts du citoyen, nous pensons qu’il peut jouer un rôle majeur d’influence.

PH: Mais comment donner leur juste place aux leviers de création de valeur non financiers dans chaque prise de décision d’investissement?

La commune qui participe au financement d’un projet de construction de logements sociaux peut peser sur le choix des produits, des matériaux et des technologies utilisées par exemple. Les innovations qui font l’économie des énergies fossiles au profit des renouvelables, qui sont facilement recyclables ou réutilisables lorsque le bâtiment devra être démantelé, sont souvent les plus onéreuses. Si la commune est consciente que le moins coûteux n’est pas synonyme de plus de valeur, elle doit néanmoins faire face à des contraintes budgétaires. Dépasser ce dilemme requiert une rationalité nouvelle et constante dans la prise de décisions.

 

Comment aider une entreprise ou une commune à prendre en compte les valeurs non financières d’un projet?

PH: Grâce à une grille de référence qui, de l’intention initiale jusqu’à la fin des travaux, guidera les décisions prises durant toutes les étapes intermédiaires.

Cette méthodologie s’articule autour de trois axes de création de valeur. Le premier traite des échéances financières classiques. Le deuxième rend compte des éléments non-financiers qui dépendent des parties prenantes au projet (commune, organe public, entreprises privées, utilisateurs finaux). Le troisième axe offre une cartographie des valeurs créées pour la société, les citoyens, les habitants mais aussi des impacts environnementaux et sociaux.

Cette feuille de route permet aux parties internes et externes, de cataloguer les investissements qui sont alloués à tel ou tel levier. L’objectif étant de ne pas revoir à la baisse ces principes à mesure que le budget global diminue.

PW: La difficulté d’une entreprise ou d’un groupe à déployer sa vision stratégique est également valable pour le secteur public. Cette grille de référence, composée de deux critères financiers majeurs et au plus d’une dizaine de non financiers, transforme la vision en un plan tactique et opérationnel. Cette approche systémique donne une vue d’ensemble sur les investissements tout au long de leur réalisation et les uns par rapport aux autres, ainsi que sur leurs raisons économiques (minimiser les coûts, augmenter les recettes, gain d’image, favoriser un pôle d’activités, créer du lien social, etc.).

Tout l’enjeu est de favoriser des systèmes économiques où les acteurs auraient un comportement plus citoyen et les consommateurs seraient plus responsables.

Notre approche permet de le faire dans des conditions de réalisme et de pragmatisme économique qui rendent possible la prise en compte réelle de ces principes au lieu d’intentions certes louables mais in fine peu mises en œuvre dans les projets d’investissement. La durabilité et la circularité font pleinement partie du nouveau programme gouvernemental mais le Luxembourg pourrait également devenir une terre pilote pour l’économie de l’usage et de la fonctionnalité.

 

Quels sont les nouveaux modèles économiques qui pourraient émerger?

PW: Nonobstant les réglementations contraignantes et les entreprises soucieuses de leur image auprès des consommateurs, le principe capitaliste continue d’œuvrer en bonne logique dans l’intérêt de la croissance continue. L’émergence des nouvelles théories de l’économicité de la durabilité vont changer la donne pour passer d’un mode de production de volume dédié à la croissance vers un mode de production d’ultra-qualité dédié aux services prodigués par les produits fabriqués. On se rappelle l’exemple de nos grand-mères qui vantaient les mérites de certaines marques de machine à laver réputées «increvables» mais cette époque est révolue. La durabilité a laissé place à l’obsolescence des matériaux, mais cette réalité ne doit pas devenir une fatalité.

On pourrait imaginer que les logements sociaux, les rénovations et les nouvelles constructions favorisent les économies du partage et de la fonctionnalité par exemple. L’utilisateur paierait alors le juste prix de son usage, des productions d’énergies pourraient être décentralisées et certaines installations seraient partagées. Les industriels loueraient les équipements techniques (chaudières, machines à laver, télévisions, etc.) à un particulier ou une communauté de particuliers et auraient dès lors, tout intérêt à la durabilité de leurs produits. Ce serait un véritable changement de paradigme qui favoriserait le développement industriel de haute qualité et la création d’emplois de services associés. Cela permettrait aussi à chacun de payer en fonction de ses besoins réels, et donc à un plus juste prix, ce qui limiterait la surconsommation des ressources.

De même que l’Etat œuvre à l’intérêt général de la nation, les communes travaillent dans l’intérêt des citoyens. Dans la mesure où le secteur public considère des dimensions hautement plus importantes que celles des marchés privés, nous pourrions utiliser les appels d’offres du secteur public pour faire bouger les lignes et peser sur les comportements.

Il existe déjà certaines contraintes comme celles du Pacte climat, du passeport des matériaux actuellement à l’étude ou des bâtiments intelligents et modulables. Nous pourrions néanmoins aller plus loin et favoriser les matériaux, les technologies et les pratiques d’avenir.

Les pouvoirs publics ont les moyens d’influencer et de favoriser les comportements commerciaux plus vertueux. Au fur et à mesure des appels d’offres, c’est un nouveau modèle d’affaires qui se constituerait dans lequel les industriels intègreraient le fait qu’il leur est plus rentable, et peut-être même indispensable, d’investir dans la durabilité. Pour cela nous pensons qu’une approche structurée et multidimensionnelle de planification et de gestion des investissements est une clé pour réussir de façon répétée cette transition vertueuse et qu’ainsi le Luxembourg serait à la pointe du domaine qui profitera à tous ses citoyens et ses industries et commerces.

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