Digitalisation: un marathon de bouleversements

KPMG

Le 14 novembre dernier KPMG Luxembourg a accueilli, en collaboration avec l’Economist Club Luxembourg, la conférence «The future of jobs» qui abordait le sujet des nouvelles compétences requises sur le marché du travail. Dans ce cadre, Roxane Filippa, Associate Partner chez KPMG dans le service Advisory «People and Change», revient avec nous sur les pistes de réflexion dégagées lors de cet événement et fait le point sur les défis, les craintes mais surtout sur les opportunités que cette transformation génère.

 

A quelles mutations de l’emploi le marché est-il confronté aujourd’hui?

La principale mutation qu’il connaît est liée à la digitalisation qui va toucher absolument tous les secteurs. 25% des tâches inhérentes à chaque métier changeront, et plus celles-ci seront répétitives, plus les changements observés seront importants, jusqu’à l’étape où ces métiers routiniers se verront remplacés par la Robotic Process Automation (RPA).

Même les emplois nécessitant une compétence humaine très forte vont voir leur façon de travailler changer. On verra par exemple les médecins s’aider de la «cognitive intelligence» pour poser un diagnostic.

 

Quels sont les défis qu’une telle transformation implique?

Le premier défi concernera les équipes RH. En effet, les décideurs d’une entreprise auront un horizon de visibilité réduit à deux années, car les transformations à venir seront trop importantes et rapides pour établir une stratégie efficace au-delà de ce délai. Ce challenge doit être appréhendé comme un marathon et non comme un sprint car les responsables RH seront confrontés à une amélioration constante des processus. Dans ce cadre, un DRH doit développer une dynamique continue d’agilité dans la manière dont il va recruter, former et s’assurer de l’employabilité de ses collaborateurs.

La fonction RH ne sera pas épargnée non plus. Un tiers des départements RH prévoient d’ici un an d’introduire la RPA dans leurs processus par le biais de ChatBots permettant aux employés d’obtenir une réponse à des interrogations fréquentes par eux-mêmes. Ce temps gagné pourra être dédié aux bilans des compétences de leurs équipes, à l’accompagnement des collaborateurs dans cette transformation, à la formation continue et au travail sur la culture d’entreprise.

Selon l’étude Forrester, d’ici 2027, 17% des métiers actuels disparaîtront et 10% de nouveaux émergeront. Il ne va donc pas seulement falloir former les jeunes de demain à ces nouveaux emplois – souvent liés au digital – mais également y former des personnes exerçant des métiers voués à disparaître. Cette étude montre donc l’importance de mettre la formation continue au cœur des préoccupations d’un DRH. On voit déjà clairement que de nouvelles filières de professionnalisation s’ouvrent et des cursus innovants émergent au Luxembourg afin de développer les compétences recherchées sur le marché et de former aux nouveaux métiers qui se créent.

Au Luxembourg, cette prise de conscience quant à la nécessité de garantir l’employabilité ne cesse de croître. Par exemple, dans la nouvelle convention collective du secteur bancaire, un budget de 1% en 2018 et de 1,5% en 2019 a été accordé à la formation continue (cette donnée s’entend en pourcents de la masse salariale de référence). Dans ce secteur, on voit le nombre de guichets diminuer au profit d’applications et de services en ligne. Grâce à des ChatBots, même le contact avec son banquier n’est plus nécessaire et les questions peuvent être directement posées en ligne. Il est donc primordial de réorienter les employés qui effectuaient des tâches opérationnelles avec la clientèle vers d’autres métiers comme l’accompagnement et le conseil au client. Cette préoccupation ne touche pas que les entreprises car des initiatives sont également mises en place par l’Etat pour les épauler dans leurs démarches, comme le «Digital Skills Bridge» qui vise à encourager la formation et la gestion des talents au sein d’une entreprise.

 

Quelles nouvelles compétences seront recherchées sur le marché de demain?

Une étude du World Economic Forum montre que d’ici cinq ans, un tiers des compétences nécessaires aujourd’hui ne seront plus les mêmes. Les «soft skills» telles que la créativité, la flexibilité et l’agilité seront par exemple davantage recherchées. Former à ces compétences est toutefois plus complexe et nécessite de toucher à la culture d’entreprise, puisque ces dernières naissent dans l’échange et le partage. C’est à l’employeur de cultiver une philosophie favorable au développement de ce type de compétences. Chez KPMG, nous accompagnons ainsi nos clients dans la création de team buildings qui permettent de travailler sur l’introduction et le développement d’une culture de l’innovation et de la créativité au sein des entreprises.

Les robots permettront d’allouer plus de temps à être plus «humain», c’est-à-dire qu’il y aura plus de temps donné à collaborer, à communiquer, à échanger entre les équipes et à brainstormer. Toutes ces compétences humaines seront de plus en plus déterminantes pour les employeurs.

 

La digitalisation génère souvent la crainte de voir un jour les offres d’emplois chuter à cause de l’automatisation des métiers. Cette peur est-elle fondée?

Les robots permettront de soulager et d’accompagner, mais ne remplaceront pas l’humain. Ils peuvent en revanche réduire le stress dans certains emplois; par exemple, dans des métiers techniques comme l’installation, la réalité augmentée permet de visualiser un mode opératoire avant de se rendre sur le terrain afin de réduire de taux d’erreur,  de rassurer le technicien et de diminuer le temps de travail en situation réelle. Ces nouvelles méthodes de travail impliquent bien sûr une formation continue plus poussée.

L’objectif de la robotisation est de remplacer des tâches peu valorisantes, souvent répétitives et ne nécessitant pas de compétences humaines. En les automatisant, le taux d’erreurs baisse, le travail des collaborateurs est facilité et leur temps pourra être alloué à des tâches plus stimulantes et épanouissantes qui le rendront plus productif.

Les métiers tournés vers l’humain ne seront jamais remplacés par des robots et même au niveau de fonctions plus répétitives, la manière de travailler sera transformée mais le niveau de qualification requis à l’entrée ne sera pas forcément plus élevé. En revanche, les entreprises devront prévoir de former davantage les nouvelles recrues à leurs modes opératoires spécifiques et aux outils de travail développés en interne.

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