Déclaration du ministre des Affaires étrangères et européennes, JJean Asselborn, à l’occasion du 70e anniversaire de la proclamation de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

Il y a exactement 70 ans, jour pour jour – le 10 décembre 1948 – que l’Assemblée générale des Nations unies, réunie au Palais de Chaillot à Paris, a proclamé la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

Je suis fier que le Luxembourg fut parmi les États membres qui ont voté pour la résolution proclamant ce texte historique. Pour la première fois dans l’histoire, le caractère universel des droits de l’homme a été proclamé de manière solennelle, soulignant la volonté de ses auteurs d’en faire une référence incontestée et incontestable au niveau international.

En 70 ans, le monde a changé et continue de changer, souvent dans une autre direction que celle à laquelle nous aspirons. L’immédiat après-guerre a été suivi par la guerre froide et la menace d’un conflit atomique dévastateur. La naissance des nouveaux États issus de la décolonisation s’est faite dans la douleur et trop souvent au prix d’innombrables vies humaines. La chute du mur de Berlin et la fin de l’empire soviétique a ouvert une nouvelle ère, elle-même brutalement interrompue par les attaques du 11 septembre 2001 et la propagation du terrorisme international. Différentes crises économiques et financières ont secoué le monde au cours des sept dernières décennies; celle de 2008, la plus grave depuis la Grande Dépression des années 30, fait encore ressentir ses effets néfastes de nos jours. Sur arrière-fond d’instabilité politique et économique, d’un côté, et de changement climatique, de l’autre côté, les conflits internes violents se sont multipliés, et les atrocités et les privations qu’ont dû subir les hommes, les femmes et les enfants dans de nombreuses régions du monde, sont à l’origine de flux migratoires sans précédent au cours de l’époque contemporaine.

Devant ce tableau sombre, les objectifs et les valeurs proclamés et promus dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme restent pour celles et ceux d’entre nous qui refusent de se résigner, une source d’inspiration lumineuse et permanente. La valeur suprême de la personne humaine, sa dignité, les sentiments de solidarité et de fraternité ainsi que les grands principes de liberté, de justice et de paix qui sont les fondements de la Déclaration universelle, continuent à guider nos actions pour un monde meilleur.

Depuis 1948, ces mêmes valeurs ont présidé aux efforts de la communauté internationale qui ont permis d’agir pour la paix et la sécurité, de sortir des millions de personnes de la pauvreté la plus abjecte et de prendre enfin conscience de notre responsabilité d’humains face aux effets du changement climatique et de commencer à y réagir avec le sérieux que l’urgence de la situation exige. Aujourd’hui, nous savons que la lutte contre l’insécurité, la pauvreté et le changement climatique et la lutte pour les droits de l’homme sont inextricablement liées. L’ancien Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan l’avait déclaré dès 2005. Les chefs d’État et de gouvernement l’ont clairement réaffirmé en 2015, au niveau de l’Union européenne comme à l’ONU, par l’adoption de l’Agenda 2030 et des objectifs de développement durable et de l’accord de Paris à la COP 21.

Depuis 1948, les valeurs inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme nous ont également servi de base pour consolider le droit international, notamment par l’adoption de conventions et de traités internationaux qui érigent les droits de l’Homme – sujet par sujet – en droit positif, en haut de la pyramide des normes juridiques. En appliquant ces règles juridiquement contraignantes, auxquelles nous avons librement souscrit, nous garantissons les droits civils et politiques ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels, les droits des enfants, des personnes handicapées et des migrants, et nous refusons les discriminations raciales et à l’égard des femmes, la torture, les traitements dégradants et les disparitions forcées.
Bien sûr, comme tout État signataire qui se respecte, nous nous devons introduire ces normes internationales, en les ratifiant, en droit interne. En raison de la large palette des secteurs concernés, ceci doit se faire à l’initiative non pas d’un seul ministère ou d’une seule administration, mais du gouvernement tout entier.

Les rapports du haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’Homme sont alarmants et soulignent avec insistance que les droits humains sont aujourd’hui allègrement bafoués par des autocrates sans scrupules, que les défenseurs des droits de l’homme sont exposés dans de nombreux pays à toutes les formes de menaces, dans une atmosphère de populisme et de nationalisme toujours plus toxique et que le principe de la primauté du droit international est remis en cause. Devant une telle érosion des droits humains, il est de notre responsabilité, voire de notre devoir, de protéger le système multilatéral qui, au cours des 70 dernières années, a été le garant de notre propre défense contre les injustices et exactions telles que nous avons pu les subir au fil de notre histoire.

Le nouvel accord de coalition, entériné la semaine passée, précise à cet égard qu’en tant que «membre fondateur de l’ONU, le Luxembourg continuera de fonder sa politique étrangère sur une participation active à la coopération multilatérale, fidèle aux buts et aux principes ancrés dans la Charte des Nations unies. Pour notre pays, le multilatéralisme efficace, fondé sur la règle de droit et l’égalité souveraine des États, reste plus que jamais le cadre de référence pour défendre nos intérêts et promouvoir nos valeurs au niveau international».

C’est dans cet esprit que le gouvernement a décidé de présenter la candidature du Luxembourg pour un siège au Conseil des droits de l’Homme au cours de la période 2022 à 2024. Le ministère des Affaires étrangères et européennes continuera à assumer la fonction de coordination de nos efforts conjoints avec énergie et sérieux, en impliquant tous les ministères concernés dans les travaux au Comité interministériel des droits de l’Homme, et avec le concours de nos représentations permanentes auprès des Nations unies à Genève et à New York.

L’élection au Conseil des droits de l’Homme aura lieu au mois d’octobre 2021, à l’Assemblée générale des Nations unies, et demande une préparation consciencieuse de la part des États candidats. Plusieurs tâches et obligations nous incombent à cet égard, parmi lesquelles entre autres:
la présentation des rapports sur la mise en œuvre des pactes et conventions internationaux aux organes conventionnels respectifs des Nations unies,
la production d’un rapport national sur les droits de l’Homme,
l’appui aux procédures spéciales, et notamment les rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail, mises en place par le Conseil des droits de l’Homme pour superviser les droits humains dans certains pays ou pour examiner des questions spécifiques,
la formulation et la présentation d’engagements et de contributions volontaires pour la protection et la promotion des droits de l’Homme dans le monde,
le suivi de l’Examen périodique universel (EPU) de la situation des droits de l’Homme à Luxembourg auquel nous nous sommes soumis, en présence d’une large délégation nationale, en janvier de cette année, à Genève,
notre participation active dans les sessions du Conseil des droits de l’Homme et aux EPU d’autres États membres.

L’implication à géométrie variable de toutes les parties prenantes, associant selon les besoins les ministères et l’ensemble de l’administration gouvernementale, la société civile et le secteur privé, permettra de répondre de manière crédible et efficace aux attentes des instances onusiennes et des autres États membres de l’ONU qui jugeront de la pertinence de notre candidature.

À cet égard, il faut saluer l’adoption et la publication récente d’une série de plans d’actions nationaux[1]qui documentent le sérieux avec lequel nous prenons nos engagements internationaux et les actions concrètes par lesquelles nous les mettons en œuvre.

En briguant un siège au Conseil des droits de l’Homme, le Luxembourg souhaite bien entendu faire preuve du sens de responsabilité qui l’anime pour une action efficace du système multilatéral, avec les Nations unies en son centre. Une implication directe dans les affaires du Conseil nous permettra également de prendre une part active dans le renforcement du système onusien en général et dans la réforme du fonctionnement du Conseil en particulier. À une époque où des acteurs importants de la communauté internationale se retirent du Conseil des droits de l’Homme, pour des raisons qui leur sont propres, un engagement ambitieux de la part de pays à tradition démocratique et de droits humains, comme le Luxembourg, est plus nécessaire que jamais.

En agissant de cette manière, le Luxembourg passera à une vitesse supérieure pour honorer les promesses faites lors de la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l’Homme il y a 70 ans.

[1] PAN pluriannuel Intégration, PAN LGBTI, PAN Femmes et paix et sécurité, PAN Egalité femmes-hommes, PAN Santé affective et sexuelle, PAN VIH, PAN contre la traite des êtres humains, PAN Entreprises et droits de l’homme.

Communiqué par: ministère des Affaires étrangères et européennes

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