Luxembourg: un laboratoire zéro déchet?

Arendt Business Advisory

Et si le Luxembourg devenait un laboratoire zéro déchet? Cette idée audacieuse, Arendt Business Advisory, la branche advisory d’Arendt, y croit dur comme fer et a déjà identifié les étapes à franchir pour y parvenir. Entre coordination des initiatives locales et d’entreprises multinationales dans le domaine de la circularité, entre changement de l’horizon politique et développement économique de ce secteur dans le pays, Pascal Heuschling, Engagement Advisor, et Philippe Wery, Chief Executive Officer, nous guident à travers les différentes pistes qui devraient mettre le Luxembourg sur la bonne voie.

 

Où en est le Luxembourg dans sa transition vers une économie circulaire?

PH: Cette transition est depuis plusieurs années à l’agenda de nombreux gouvernements en Europe et à l’international. Au Luxembourg, on voit des initiatives locales apparaître au niveau de chaque artisan, entreprise ou commune tendant vers un principe de durabilité mais elles ne sont pas reliées entre elles et manquent d’un projet fédérateur. Face aux nouvelles réglementations, les multinationales se remettent quant à elles en question et font preuve d’initiative en testant de nouveaux produits – d’abord sur de petites gammes – à des endroits ciblés. Lorsqu’un produit fonctionne, elles le diffusent à grande échelle dans leurs gammes et sur différents marchés.

PW: Cette dynamique pousse les industriels à s’adapter pour trouver un intérêt économique à long terme; ce n’est que lorsque cette étape sera franchie que les habitudes de consommation pourront changer. Dans nos actions, nous voulons comprendre comment connecter ces initiatives locales et entrepreneuriales pour qu’elles se renforcent et pour opérer une transition à grande échelle dans les changements d’habitude des consommateurs.

 

Comment concrétiser cette dynamique de changement sur les plans politique et économique?

PH: Le rôle du législateur serait d’abord de créer des lois favorables à ces changements. Les communes devraient par exemple établir des critères de sélection des entreprises ou des centres d’innovation qui pourraient s’y implanter. En faisant du Luxembourg un laboratoire zéro déchet, les multinationales pourraient y tester des innovations à échelle d’un pays où la législation serait favorable à ce type de transformations. Elles influenceraient ainsi le consommateur de manière positive en lui proposant de nouveaux concepts pour changer ses habitudes dans la durée et à grande échelle.

Opérer une transition à grande échelle dans les changements d’habitude des consommateurs

 Les différents acteurs d’une chaîne de production ont par ailleurs intérêt à penser ensemble à des solutions de manière à optimiser leurs ressources, à réduire leurs dépenses et à avoir une certaine indépendance. De plus, puisque les ressources proviendraient des produits en fin de vie, il n’y aurait plus d’arrêt dans la chaîne de production puisque la matière première serait toujours disponible, de manière cyclique.

PW: Nous sommes aujourd’hui face à un changement radical des modèles sociétaux et économiques qui ont façonné les pays occidentaux depuis la fin du XIXe siècle. Partant de ce constat, il parait évident que nous devons nous munir d’un concept global de changement, car les initiatives isolées ne parviendront jamais à ébranler ce système dans un délai raisonnable. Il y a donc, avant toute chose, la nécessité d’un changement politique coordonné et le Luxembourg nous paraît être le pays idéal pour s’y essayer. Il faudrait toutefois que chaque gouvernement envisage l’avenir au-delà de son horizon personnel, ce qui à notre sens serait rendu possible grâce à la tradition de consensus politique du pays.
Notre entreprise a dans ce cadre décidé de s’investir dans ce domaine avec pour objectif d’aider le secteur public – que nous considérons comme un moteur dans cette dynamique de changement – et le citoyen dans l’accompagnement de ces problématiques.

 

Auriez-vous un exemple concret d’initiative qu’il serait possible de mettre en place?

PH: Appuyons-nous sur l’exemple de l’emballage plastique. Ce dernier n’est fondamentalement important pour personne: pour l’industriel, il représente un coût nécessaire qui doit être optimisé et dont la gestion impacte l’image de l’entreprise. Pour le consommateur, il représente un déchet à éliminer de manière responsable. A ce titre, nous pensons qu’il est clé de trouver des solutions arrangeant à la fois les acteurs se trouvant en début et en fin de chaîne de la vie d’un emballage.
Les emballages ont été conçus pour garantir les propriétés de conservation des produits, pour faciliter leur transport,… Ces propriétés doivent être retrouvées dans les alternatives durables pour proposer la même qualité de produit à l’acheteur.

PW: Jusqu’ici les producteurs ont également garanti un certain niveau de confort au consommateur. S’il peut être repensé dans un objectif environnemental, il ne pourra pas pour autant disparaître. Il faut donc d’une part encourager les citoyens à consommer de manière plus responsable et de l’autre, inciter par une politique favorable les industriels à créer des nouveaux emballages qui conservent leurs propriétés tout en étant nettement plus écoresponsables. Ce changement doit toutefois être progressif pour le consommateur afin qu’il y adhère sans trop de difficulté.

PH: Par ailleurs, en considérant le plastique comme une ressource, les industries pourraient trouver dans les emballages une matière première exploitable à très bas coût! La part de valorisation du plastique reste faible, mais les filières de recyclage travaillent actuellement à son augmentation. Une réflexion doit être apportée en amont sur les matériaux de composition d’un emballage et sur les choix de conception de celui-ci de manière à envisager qu’en fin de vie, il puisse revenir en début de chaîne et être réutilisé comme matière première. Il y a donc un travail à réaliser pour rapprocher ces deux types d’initiatives.

PW: Le gouvernement peut avoir un rôle à jouer par la réglementation en forçant, par exemple, à l’identification des composantes d’un produit. Ainsi, nous pourrions imaginer un futur où les industriels n’accèderaient plus au marché sans centraliser la compréhension des éléments constituant un produit. Dans un deuxième temps, quand les techniques de recyclage auront évolué, il serait également possible d’identifier les éléments non recyclables et les bannir. Ce processus prendra plusieurs années, mais le Luxembourg pourrait avancer plus rapidement sur ce principe, en accord avec le parlement européen, et devenir un exemple en la matière.
Nous devons établir une vision à la fois au niveau communal et national en collaboration avec tous les acteurs concernés, comme les industriels, les sociétés de conseil, le secteur privé en général, les experts techniques,… L’enjeu sera de connecter tous ces acteurs et leurs initiatives dans un projet commun et de créer une nouvelle forme de partenariat public/privé qui œuvrerait pour faire du Luxembourg un laboratoire en matière d’économie circulaire, ce qui déboucherait ensuite sur l’application d’un nouveau modèle économique éprouvé.

 

Dans ce contexte, quelle serait la première étape à franchir pour l’Etat et les communes?

PW: Nous militons par exemple pour la simplification de toutes les politiques de récolte de déchets afin qu’un tri strict et un recyclage avancé soit opéré depuis les communes vers les filières de recyclage. Nous limiterions ainsi les dégâts liés à ces emballages et les filières seraient quant à elles chargées de trouver des moyens de valoriser ces déchets. La commune aurait pour rôle de favoriser cette transition afin qu’elle soit acceptée et opérée par tous les citoyens. Les représentants politiques étant au service du citoyen, ils se doivent de le conduire vers un meilleur avenir dans tous les domaines que recouvre leur pouvoir, soit dans ce cas de l’amener à axer son besoin sur la circularité, le recyclage et le respect de son environnement de vie.

PH: Au lieu de mettre la pression sur le consommateur, un tel fonctionnement lui donnerait plutôt les bons outils pour orienter ses choix de consommation. Cela forcerait toute la chaîne à jouer le jeu puisque les grandes entreprises ne prendraient pas le risque – bien trop coûteux – de perdre des consommateurs. De plus, si le Luxembourg devenait un tel laboratoire, cela pousserait de nouveaux acteurs économiques à investir dans ses centres de développement. Cela profiterait aux communes qui bénéficieraient alors d’unités d’étude et de production privilégiant des circuits courts dans la conception de nouveaux produits, plus responsables, testés à échelle nationale avant d’être diffusés à plus large échelle.

PW: Le Luxembourg a tout intérêt à investir dans les évolutions technologiques et économiques liées à la circularité. Il serait ainsi possible d’y créer toute une industrie de réflexion, de développement, de services dématérialisés,… au sein d’un cluster de l’économie verte attirant les plus grands chercheurs de ce domaine.

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