Un accompagnement du changement personnalisé
Présente depuis 1989 au Luxembourg, la société JLL n’a depuis cessé de grandir. Bénéficiant de croissances économique et démographique particulièrement favorables, la société n’a néanmoins pas choisi la facilité en décidant de diversifier son activité de manière à offrir des compétences variées et complémentaires aux différents acteurs du marché de l’immobilier. Romain Muller, Managing Director de JLL Luxembourg, revient d’ailleurs avec nous sur l’importance pour une entreprise de se remettre en question et d’adapter ses processus de travail pour assurer sa pérennité. Explications.
Décrivez-nous votre entreprise en quelques mots…
JLL Luxembourg a été créée en 1989 par le bureau de Bruxelles car le Luxembourg était à l’époque un très petit marché qui ne suscitait pas l’intérêt de la maison mère, à Londres.
J’ai moi-même rejoint le bureau luxembourgeois en 1997. Notre activité tournait principalement autour de l’agence de bureaux, de l’investissement et de la gérance. En 1999 notre groupe a fusionné avec LaSalle Investment & Partners; la société étant cotée en bourse, nous y sommes également entrés.
J’ai repris la direction du bureau en octobre 2011 et nous sommes depuis passés d’un effectif de 23 à 107 personnes. Nos activités sont aujourd’hui diversifiées et nous offrons un full service à nos clients: agence bureaux, surfaces commerciales, résidentiel, évaluations de biens, vente de terrains, évaluations, gestion d’immeubles et centres commerciaux, corporate solutions,… Nous proposons également des aménagements de bureaux en entreprise générale et avons une équipe de Project Management. Dernièrement, nous avons vu grandir notre département Facility Management proposant une gestion de bureau grâce à du personnel JLL implanté en interne dans les entreprises.
Je dis toujours qu’il faut faire les choses bien ou s’en abstenir et jusqu’ici cette philosophie nous a permis de diversifier nos activités de manière à nous assurer une certaine stabilité par rapport aux évolutions du marché. De plus, nous bénéficions du bon climat économique du pays et savons en tirer parti et développer des activités qui correspondent à ce marché.
En quoi consiste votre activité de Change Management?
Une politique de Change Management a pour objectif d’introduire des changements en vue d’une meilleure productivité. Il s’agit là d’un sujet très vaste comprenant des thématiques variées telles que la mobilité, l’aménagement du lieu de travail, l’intégration, la communication, le télétravail, les nouvelles technologies,… Pour instaurer des changements qui ont du sens, nous nous rendons d’abord sur le terrain et analysons avec les ressources humaines les modes de travail en place dans une entreprise. Nous établissons ensuite un programme de Change Management cohérent et complet.
Si une société ne se remet jamais en question et n’ajuste pas ses processus de travail, elle finira par fermer
Les chiffres montrent que les changements introduits par un organisme extérieur sont bien acceptés et intégrés dans 60% des cas, contre 25% de réussite lorsqu’ils sont initiés en interne par l’entreprise elle-même. L’homme est par nature réticent au changement et préfèrera toujours le confort de sa situation même si elle présente des inconvénients; or si une société ne se remet jamais en question et n’ajuste pas ses processus de travail, elle finira par fermer. La mixité des profils dans une entreprise (au niveau de l’âge, du genre,…) et le déménagement dans de nouveaux bureaux favorisent également l’ouverture au changement.
Au Luxembourg, la mobilité est un problème de taille pour les employés. Quelles solutions peuvent-être apportées par un programme de Change Management à ce niveau?
Le changement le plus facile à mettre en place est le télétravail mais les frontaliers se heurtent à des difficultés fiscales à ce niveau. Pour aider ces employés, nous encourageons alors à l’adoption d’horaires décalés leur permettant d’éviter les pics de circulation. Sur base d’une analyse réalisée en interne sur les habitudes des employés, nous déterminons quels jours se prêtent au télétravail et quels horaires sont les plus avantageux pour les employés.
Une autre solution est pour les entreprises de créer des hubs aux frontières, qui permettraient à leurs collaborateurs de parcourir une distance moins longue pour se rendre au travail. Toutefois, si cette tendance se généralise, il faudra que les politiques créent des infrastructures routières adaptées au risque de ne faire que déplacer le problème de la capitale à ces hubs et de recréer des embouteillages interminables aux abords de ces zones d’activités économiques.
Il faut toutefois gérer ce changement avec précaution car en favorisant ces décalages, le risque est d’isoler les employés et de nuire à la cohésion d’une équipe. Avec l’adoption du télétravail, une entreprise doit donc compenser en créant des activités qui rassemblent les collaborateurs et soudent l’équipe.
Au niveau de l’organisation du bureau, nous proposons des applications grâce auxquelles il est par exemple possible de réserver quotidiennement sa place de parking. Les sociétés adoptent ainsi un système de places sans attribution fixe et prévoient 20% de places en moins par rapport au nombre d’employés afin d’optimiser l’espace imparti. Nous avons constaté que grâce à un système de roulement, ces places sont suffisantes.
Quels sont les autres leviers d’une politique de Change Management réussie?
Plusieurs éléments entrent en ligne de compte. Par exemple, la valeur ajoutée d’une entreprise se mesure notamment à la communication interne et aux échanges entre ses différents services. Or, l’essor de la digitalisation crée parfois des environnements où les employés communiquent principalement par email et ne se parlent plus. Le Change Management permet de créer des pools de communication pour réinstaurer le dialogue parmi les collaborateurs, favoriser les échanges et recréer une cohésion générale.
L’intégration des nouveaux collègues peut également être facilitée grâce à des adaptations simples comme la flexibilisation des postes de travail. En effet, un nouvel employé rencontrera plus facilement une majorité de collègues en s’installant tous les jours à un nouveau poste de travail! De plus, les employés des différents services pourront ainsi plus facilement se rencontrer et échanger.
D’autres éléments comme la qualité de l’air, la nutrition, les activités sportives et l’infrastructure des bureaux ont une influence sur la productivité d’un employé et peuvent facilement être adaptés.
Quels sont selon vous les défis que devra relever le prochain gouvernement au niveau du développement immobilier et de l’aménagement du territoire?
Actuellement, on compte 220.000 habitants actifs au Luxembourg et 186.000 employés frontaliers. Les frontaliers représentent donc une part importante de notre force de travail, or il est de plus en plus difficile d’attirer de nouveaux talents au Luxembourg au vu de nos problèmes de mobilité qui impactent la qualité de vie des employés. Le problème principal que rencontre le pays est un problème d’infrastructures et de transport et cela devrait être la priorité du gouvernement. Si l’Etat investissait dans des infrastructures routières – autres que des élargissements qui ne feront qu’élargir les embouteillages – ou des systèmes de transport efficaces et attractifs depuis des zones d’activités situées aux frontières vers les centres-villes, alors tout ce système pourrait fonctionner.
De plus, le régime fiscal contraignant imposé aux frontaliers ne leur permet pas beaucoup de flexibilité au niveau du télétravail. Il serait donc nécessaire de conclure des accords avec les pays voisins afin d’offrir cette possibilité à leurs habitants.
Un autre problème de taille sera de faire face à la crise du logement. Actuellement, les propriétaires de zones constructibles mettent des années à obtenir des permis de bâtir et le pays a besoin d’une grande simplification administrative à ce niveau. De plus, quand bien même cela se solutionnerait, resterait la problématique du manque de main d’œuvre au Luxembourg. Jusqu’à 40% des constructeurs sont en effet mobilisés par l’Etat pour des chantiers publics, si bien que la plupart des entreprises de construction sont actuellement indisponibles jusqu’à la fin 2019 pour d’autres contrats.
D’autre part, les décisions gouvernementales d’augmenter la TVA pour les investisseurs de 3 à 17% n’ont fait que participer à l’augmentation du prix des loyers, dans la mesure où ces investisseurs doivent faire un bénéfice. Il faudrait donc à mon sens trouver une solution fiscale permettant de fixer un seuil de revenus locatifs au-delà duquel les impôts seraient plus élevés sur la partie excédante.
Des initiatives institutionnelles peuvent toutefois être saluées comme celle d’Éric Rosin, nouveau directeur du Fonds du Logement, qui a décidé que tous leurs logements seraient rachetés à terme par leurs soins de manière à conserver la main mise sur des habitations à loyers contrôlés pour les personnes avec un faible revenu.