Les gardiens de l’eau
Créé en 1995, le Syndicat Intercommunal pour l’Assainissement du Bassin de la Chiers regroupe les communes de Differdange, Käerjeng, Pétange et Sanem. Le S.I.A.CH entretient et exploite la station d’épuration de Pétange qui connait actuellement une cure d’agrandissement pour répondre aux enjeux démographiques et économiques des 25 prochaines années. Coût des travaux: 58 millions d’euros sur cinq ans. Interviews de Raymond Erpelding et de Roland Breyer, respectivement ingénieur-directeur et président.
Où en sont les travaux d’agrandissement de la station d’épuration?
RE: La station d’épuration a plus de 20 ans et cela fait plusieurs années que nous préparons sa modernisation en vue de la croissance démographique et économique des quatre communes. C’est un exercice hasardeux de prévoir leurs évolutions respectives sur 25 années et nous avons réalisé pour cela, un long travail d’analyse à l’aide des chiffres historiques du STATEC (100.000 nouveaux habitants tous les sept ans pour l’ensemble du pays) mais aussi via le pacte logement et l’étude minutieuse des PAG actuellement en élaboration. Les quatre communes du bassin de la Chiers comptent actuellement 55.000 habitants et nos travaux de modernisation devraient répondre aux 80.000 habitants prévus dans le futur.
RB: Rien que pour les travaux à la station d’épuration, il faut compter quatre années plus une année supplémentaire pour les réglages et mises au point techniques finales. Ce sera un chantier extrêmement complexe dans la mesure où l’extension est réalisée au cœur de la station et doit permettre pendant toute sa durée une exploitation conforme. Nous sommes confiants à ce que la mise en soumission puisse se faire dans les prochaines semaines et que les travaux puissent enfin commencer au début de l’année 2019.
Quels sont les profils que comptent vos équipes?
RE: Nous sommes actuellement 24 dont une vingtaine aux services techniques. Nous comptons des ingénieurs, techniciens, artisans et même des mains-d’œuvre, qui au vu de la technicité toujours plus complexe des installations, se doivent d’être qualifiés via des formations spécifiques.
L’entreprise formatrice que nous sommes est actuellement à la recherche de profils rares sur le marché luxembourgeois, et plus précisément des mécatroniciens qui disposent de compétences en mécanique, électronique, électrique et informatique.
Parlez-nous du cheminement de l’eau et de son assainissement…
Il est bien plus facile d’acheminer l’eau vers les habitations que de les collecter et traiter une fois usées
RE: Tandis que l’évacuation des eaux usées se fait par système séparatif dans les nouveaux quartiers (des tuyaux séparés pour les eaux usées et pour les eaux de pluie), l’évacuation dans les anciens quartiers est effectuée à l’aide d’un système unitaire (les eaux usées et les eaux pluviales sont évacuées dans une même canalisation). Puisqu’il était impossible d’acheminer l’ensemble des eaux mixtes vers la station d’épuration, des déversoirs d’orage avaient été construits dans le réseau pour décharger, par temps de pluie, une partie des eaux dans le ruisseau. Tous ces déversoirs sont voués à être remplacés par des bassins d’orage en vue d’éviter au maximum le déversement d’eaux usées non-traitées dans les ruisseaux. Un programme d’assainissement d’une vingtaine de projets différents (collecteurs, canalisations de rétention, déversoirs et bassins d’orage), dont les coûts varient de 400.000 à 8 millions d’euros est en train d’être réalisé dans nos quatre communes. Ce programme constitue un investissement supplémentaire d’environ 25 millions d’euros sur les cinq prochaines années.
Que retrouvez-vous dans les eaux usées?
RE: Presque tout et beaucoup de choses qui ne devraient pas y être… Nous retenons assez efficacement les déchets mécaniques, c’est-à-dire les matériaux qui peuvent être retenus par des grilles. Ensuite, un tiers des matières organiques peut être enlevé grâce à une simple décantation par laquelle les boues stagnantes sont retirées à l’aide d’une grande raclette.
Le plus difficile, ce sont les matières en dissolution qui sont constituées des autres deux tiers de la matière organique, d’éléments nutritifs tels que l’azote (nitrates et ammonium) et des phosphates que nous éliminons via des procédés biochimiques lors desquels elles sont consommées. Nous trouvons cependant également des micropolluants tels que les résidus de médicaments, hormones et autres substances potentiellement dangereuses.
Un rendement épuratoire toujours plus important, des processus toujours plus complexes et des normes de rejets toujours plus strictes: peut-on dire que votre tâche est toujours plus ardue?
RE: Les normes de rejets sont en effet de plus en plus restrictives, à l’image de la directive européenne relative au traitement des eaux résiduaires: notre station d’épuration dont la capacité est de 50.000 Equivalent-Habitants doit actuellement répondre à une norme de rejet du phosphore de 2 mg/litre, mais avec un agrandissement à 115.000 EH, la norme sera alors de 1 mg/litre.
Puisque notre station est très grande par rapport au ruisseau récepteur de la Chiers, les normes de rejet pour l’azote sont très proches de ce qui est techniquement réalisable et sont bien plus sévères que les exigences minimales de la directive européenne.
À l’horizon 2027, nous serons obligés de traiter certains micropolluants (résidus pharmaceutiques, pesticides, fongicides, traitements de façades, etc.); notre station est donc loin d’avoir fini ses travaux.
RB: Considérer les stations d’épuration comme la solution à la problématique de la pollution des eaux ne serait vraiment pas intelligent. Il serait au contraire plus efficace de s’en préoccuper à la source et d’inciter la population à ne pas évacuer de déchets flottants, chimiques ou toxiques par les canalisations.
C’est pourquoi nos quatre communes réalisent régulièrement des campagnes d’informations préventives. Nous venons par exemple de distribuer des dépliants dans les boîtes aux lettres pour entre autres expliquer que les logos sur les emballages de lingettes sont bien souvent mensongers; jetées dans les toilettes, elles se retrouvent en nombre considérable dans les réseaux d’assainissement et provoquent des blocages et pannes dans les canalisations et stations de pompage. Nous sommes très impliqués dans la sensibilisation des plus jeunes et proposons aux enfants et lycéens des ateliers de découvertes spécifiques.
Les citoyens peuvent s’étonner que le prix de l’assainissement soit plus élevé que celui de l’eau potable mais il est bien plus facile d’acheminer l’eau vers les habitations que de les collecter et traiter une fois usées.