Embaucher, débaucher, fidéliser ou comment faire cohabiter règles de droit et stratégies entrepreneuriales
Lors de la table-ronde organisée par Legitech le 4 octobre 2018, avocats et DRH ont débattu des stratégies possibles pour embaucher, débaucher et fidéliser des talents de plus en plus sollicités, tout en respectant le cadre légal.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, Jean-Luc Putz, Magistrat, a rappelé le cadre juridique actuel et les obligations du recruteur en matière de restrictions à l’embauche, de la procédure à respecter, des règles quant au choix final et des limites à ne pas enfreindre en cas de débauchage.
« Les avocats et les ressources humaines ne seraient-ils pas inséparables ? » C’est ainsi que Christelle Cornet, consultante RH et modératrice de la table ronde, a ensuite introduit la discussion et interpellé le panel, composé de Louis Berns, avocat à la Cour (Arendt & Medernach), Yuri Auffinger, avocat à la Cour (Linklaters), Nicole Dochen, directeur des ressources humaines à la Banque de Luxembourg et Pascal Marchesin, directeur des ressources humaines chez Saint-Paul Luxembourg.
Si d’emblée, Nicole Dochen et Pascal Marchesin ont tout d’abord éloigné l’idée de faire appel à des avocats pour les processus d’embauche, la discussion a rapidement montré qu’un apport juridique pouvait être bénéfique, même à ce stade de la relation.
« Si l’on veut la paix, il faut préparer la guerre », cite Louis Berns et tous s’accordent sur le fait qu’il est primordial de bien fixer le contrat de travail et de préparer une offre de qualité, en veillant à garantir les besoins de base – qui sont parfois plus simples qu’on ne le pense, ajoute Pascal Marchesin.
Si les techniques de recrutement restent relativement classiques, les nouvelles technologies ont quelque peu modifié la donne et la guerre des talents signifie une remise en question de ce qui fait l’attractivité d’une entreprise ou d’un poste. Pour des profils davantage juniors, les réseaux sociaux se révèlent très efficaces, mais c’est aussi le mode de présentation qui a évolué – il faut être ouvert aux nouvelles façons qu’ont les candidats de se vendre – vidéos, écrits ou réalisations remplacent parfois la lettre et le CV classiques.
Pour Nicole Dochen, l’arrivée des millenials suppose une remise en question du modèle de management classique. Comprendre leurs attentes et motivations intrinsèques dès leur arrivée, et mieux encore en amont, est un gage de relation durable; et l’entreprise est bénéficiaire au premier chef de tout le potentiel que ces jeunes peuvent amener rapidement. C’est win-win, mais il faut y être attentif au quotidien.
Enfin, si fidéliser les employés est juridiquement impossible, comme l’a rappelé en préambule Jean-Luc Putz, hormis certaines clauses semi-contraignantes, comme le remboursement de frais de formation, les primes à terme ou conditionnelles ou le rachat d’un véhicule en leasing, les intervenants s’accordent sur le fait que la meilleure fidélisation passe par la relation de confiance. Si l’on veut savoir comment retenir ses employés, il faut comprendre ce qui les retient, ajoute Nicole Dochen. Pour Louis Berns, afin d’attirer les profils recherchés, il a fallu entendre les attentes de la nouvelle génération, notamment en matière de work-life balance et proposer du télétravail et de la flexibilité dans le temps de travail afin d’accommoder les besoins privés. Ces arrangements peuvent être un véritable casse-tête à gérer, mais ils jouent un rôle clé dans la fidélisation.
Mais si un collaborateur veut partir, il faut le laisser partir et faire en sorte que ce départ se passe le mieux possible – ceux qui s’en vont deviennent des ambassadeurs potentiels ; c’est à la fois un risque de réputation et une opportunité qu’il ne faut pas sous-estimer dans un environnement où le recrutement se fait encore beaucoup par recommandation et où le bouche-à-oreille continue à jouer un rôle important.
Pour Pascal Marchesin, « on ne quitte pas une entreprise, on quitte un manager » et les ressources humaines ont un rôle de médiateur à jouer. Il faut aussi comprendre ce qui se passe pour éviter qu’une situation préjudiciable s’installe. Et Yuri Auffinger de conclure : « même lorsqu’il y a des éléments attaquables, l’entreprise a bien souvent tout intérêt à trouver un arrangement à l’amiable ». Ou pour paraphraser Nicole Dochen, il faut faire de la gestion des ressources humaines une gestion humaine des ressources.
Afin de poursuivre le débat et de partager le point de vue des experts, Legitech a lancé une nouvelle Revue Pratique de Droit Social, dont le premier numéro a été présenté lors de la table ronde et en présence d’une majeure partie du comité scientifique composé de Yuri Auffinger (Linklaters), Anissa Bali (Kleyr Grasso), Patricia Hemmen (FEDIL), Jean-Luc Putz (Magistrat), Luca Ratti (Université de Luxembourg), Philippe Schmit (Arendt & Medernach) et Cédric Hirtzberger (Kronshagen).
Ainsi que l’a résumé son rédacteur en chef Yuri Auffinger : « Cette nouvelle revue est destinée tant aux professionnels du droit qu’au monde de l’entreprise et des ressources humaines et au travers d’articles pratiques nous espérons que le pont entre ces deux mondes pourra se bâtir au fil des numéros. »
La prochaine édition de cette revue paraîtra au mois de décembre et les sujets au sommaire parleront des actualités en droit social (droit du travail et sécurité sociale) par le biais d’articles de doctrine pratique, des jurisprudences commentées, des cas pratiques et des actualités législatives. La revue est disponible par abonnement au prix de 125 euros HTVA et frais de port inclus. L’abonnement duo au prix de 187.50 euros HTVA permet de recevoir un exemplaire à son bureau et un autre à son domicile.