«Zukunft op Lëtzebuergesch»

Fier des avancées réalisées par son gouvernement, Xavier Bettel, Premier ministre et candidat à son propre poste en tant que tête de liste DP, dévoile la vision de son parti pour le pays, dans la continuité des projets menés à bien au cours des cinq dernières années. A la veille des élections législatives, le candidat s’exprime sur les défis qui attendent le Luxembourg et sur les solutions proposées par le DP pour les relever.

 

Quel bilan tirez-vous de la coalition DP-déi gréng-LSAP? La réenvisageriez-vous en octobre?

L’accord gouvernemental s’est fait à trois partis et chacun a dû mettre de l’eau dans son vin afin de pouvoir s’accorder sur les réformes. Concrètement, j’accorde peu d’importance à mon épanouissement personnel tant que le pays se porte mieux et force est de constater qu’au terme de ce mandat, il se porte effectivement mieux qu’il y a cinq ans et jouit d’une bonne position à l’international.

Je suis satisfait du travail qui a été fourni et je n’exclus aucune possibilité de coalition, mais je ne pourrai m’allier qu’avec des partis qui vont dans notre sens et ne remettraient pas en question toutes les avancées que nous avons réalisées. Je ne souhaite donc pas faire partie d’un gouvernement qui fait marche arrière. Le Luxembourg s’est modernisé et se porte bien et j’ai envie de continuer sur cette voie.

 

Dans votre programme et par votre slogan «Zukunft op Lëtzebuergesch», on semble comprendre que l’identité et la culture tiennent une place de choix…

Notre slogan dit «L’avenir en luxembourgeois», ce qui renvoie certes à la langue, mais surtout à notre modèle de réussite et de succès. Le modèle luxembourgeois allie tradition et innovation: nous avons un côté rural et sommes en même temps une capitale internationale; nous travaillons encore le fer, mais cela ne nous empêche pas de chercher des minerais dans les astéroïdes! Ce modèle c’est celui du luxembourgeois et du multilinguisme, ce n’est pas l’un ou l’autre. Cela serait une erreur de vouloir supprimer le multilinguisme, de même qu’il serait une erreur de croire que le luxembourgeois n’est pas une langue d’intégration.

  

Vous avez introduit bon nombre d’actions visant à promouvoir l’entreprenariat et à accroître la compétitivité des entreprises. Or le secteur privé est majoritairement composé de travailleurs étrangers, population non représentée aux élections législatives. Pourquoi avoir fait ce choix? Ce cas de figure n’illustre-t-il pas justement le déficit démocratique existant au Luxembourg?

Si je ne devais faire que ce qui est important pour les élections, je n’aurais pas fait grand-chose pour le pays. Si je n’avais pensé qu’à ma réélection je n’aurais pas organisé un référendum et je n’aurais assuré qu’une gestion quotidienne du pays. Malheureusement, le résultat a été négatif, mais très clair, avec 80% de la population contre le droit de vote pour les étrangers. Je l’ai proposé et défendu, mais il est tombé à l’eau. Certains diront qu’il est arrivé trop tôt, mais c’est toujours ce que l’on dit quand le résultat n’est pas celui escompté.

Je ne souhaite pas faire partie d’un gouvernement qui fait marche arrière

Par ailleurs, que les frontaliers ne puissent pas voter me semble normal comme ils n’habitent pas le pays. Les résidents étrangers peuvent quant à eux donner leur avis aux élections communales et européennes. Toutefois on note que depuis la réforme de l’accès à la nationalité, ils sont de plus en plus nombreux à la demander et à y accéder et pas uniquement de l’autre côté des frontières. Beaucoup de personnes prennent la nationalité pour pouvoir participer aux grandes questions de la société et c’est là que l’intégration est la plus réussie! La langue luxembourgeoise intervient alors comme une langue d’intégration qu’il faut pouvoir parler pour s’intégrer complètement dans la culture et accéder à la nationalité. Et apprendre le luxembourgeois ne dispense évidemment pas d’apprendre le français et l’allemand qui font également partie intégrante de notre communication, il faut faire les deux!

 

Le Luxembourg connaît une crise importante du logement qui engendre également des difficultés d’inclusion sociale, puisque les prix des logements contribuent à creuser l’écart entre les plus riches et les plus pauvres. Comment y remédier?

Celui qui vous promet de trouver une solution du jour au lendemain concernant le logement vous ment. Ce qui est important, c’est de réunir l’Etat, les communes et les promoteurs autour d’un même projet. Nous devons continuer dans la lignée des grandes réalisations opérées par la main publique par le biais de la Société Nationale des Habitations à Bon Marché (SNHBM) et du Fonds du Logement.

Nous devons aussi changer le paradigme voulant que tout le monde devienne propriétaire. Le gouvernement doit mettre davantage de logements en location et favoriser cette dernière de manière générale. Nous devons également étudier les différents modèles qui peuvent exister au niveau de la cohabitation. De plus, il faudrait se demander s’il n’est pas temps de commencer à construire en hauteur, car nous sommes limités en superficie.

Par ailleurs, j’ai fait de l’inclusion sociale une bataille prioritaire depuis que je suis entré en politique. Dans un projet de logement étatique, nous devons veiller à la mixité sociale, mais aussi à celle des âges et des cultures afin de respecter le modèle luxembourgeois.

Pour veiller à l’inclusion sociale, nous avons déjà appliqué le crédit d’impôt et devons continuer en ce sens en proposant une nouvelle réforme fiscale équilibrée où on aiderait les familles les plus fragiles et où l’isolement serait pris en compte. Toutefois si nous voulons vraiment aider les plus démunis, l’aide pécuniaire n’est pas toujours la meilleure solution. Nous voyons qu’avec des aides matérielles comme des subventions pour les crèches, les livres ou les loyers, nous pouvons les soutenir directement où cela est nécessaire.

 

Routes congestionnées, retards dans les infrastructures… Comment venir à bout des problèmes de mobilité du pays?

Nous voulons rendre les transports rapides et gratuits pour les rendre davantage attractifs aux yeux de futurs usagers. Tout en les favorisant, nous ne voulons pas blâmer le transport individuel car certaines personnes exercent des métiers qui ne permettent pas le recours aux transports en commun. Il est aussi important de poursuivre les travaux concernant le tram pour qu’il puisse rejoindre Echternach et Esch-Belval.

Au niveau infrastructurel, nous pensons qu’il faut reculer les P+R le plus loin possible des centres-villes et en créer davantage aux frontières. Nous voulons également créer des contournements à Bascharage, Dippach, Ettelbruck et Feulen pour désengorger les routes. Nous souhaitons par ailleurs favoriser la mobilité électrique et relancer les débats sur le covoiturage. Nous pourrions par exemple utiliser les bandes d’arrêt d’urgence pour leur réserver une voie.

 

Ces deux derniers défis seront accentués par la croissance prévisionnelle de 4% attendue pour le Luxembourg dès l’année prochaine. Comment la gérer?

La croissance n’est pas l’ennemi de la société. Nous devons simplement veiller à ce qu’elle soit intelligente et ne pas accepter d’entreprises qui ne créent pas d’emplois et polluent. Il faut aussi avoir une croissance mieux répartie sur le territoire et sans concentration à un seul endroit. C’est pour cela que nous devons réétudier les plans sectoriels.

Nous comptons également poursuivre le processus Rifkin, tout en ayant à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une bible! Il s’agit d’une ligne que nous devons suivre tout en évoluant avec un Luxembourg ouvert et acteur du digital sur la place internationale.

Nous pensons également à créer des postes de bureaux aux frontières pour que les frontaliers n’aient pas à se déplacer tous les jours et revoir avec les pays frontaliers le nombre de jours où l’on pourrait travailler à domicile ainsi que les questions fiscales qui y sont liées.

Lire sur le même sujet: