Plus qu’un outil, un nouveau mode de travail

Jimclemesassociates

Bouleversant le secteur de la construction, le Building Information Modeling (BIM) prend de plus en plus d’ampleur au Luxembourg. Inspiré des processus de production du milieu de l’industrie, ce nouveau mode de travail permet d’améliorer la qualité du projet par l’anticipation des processus de réalisation comme de maintenance tout en réduisant les temps d’intervention et les coûts. Caroline Thill et Jim Clemes, tous deux associés au sein du bureau d’architectes Jim Clemes Associates, reviennent avec nous sur les perspectives ouvertes par le BIM.

 

Qu’est-ce que le BIM?

JC: Le Building Information Modeling vise à créer un modèle 3D du projet que l’on veut réaliser en y intégrant non seulement les travaux conceptuels de l’architecte mais aussi ceux des ingénieurs. En mettant en commun toutes les interfaces, il met en évidence les conflits potentiels entre les différents intervenants et permet leur résolution sur écran, au moment de la planification.

Le BIM implique donc un processus de travail pouvant dans le cadre de son évolution réunir tous les acteurs de la planification, de la réalisation ou de l’exploitation d’un bâtiment. On y crée des données relatives aux coûts, aux délais, aux quantités, au cycle de vie du bâtiment ou encore au facility management.

Son responsable, le BIM Manager, assure la synchronisation de l’opération en vérifiant que chacun apporte sa pierre à l’édifice au bon moment. Bien sûr, il doit avoir des connaissances architecturales, structurelles et informatiques pour pouvoir appréhender toutes les facettes de ce processus de travail.

 

Quels sont vos premiers retours d’expérience par rapport à cet outil?

CT: Nous avons joué le rôle de BIM Manager dans le cadre d’un projet pilote pour la rénovation et l’extension du Lycée Michel Rodange. A ce titre, nous avons dû organiser le processus de travail et définir avec le maître d’ouvrage et les clients quel niveau de BIM pouvait être appliqué. En effet, ce dernier peut être utilisé comme un outil de facility management ou bien dès le début du projet pour sa planification et ensuite sa réalisation. Dès la planification, nous avons dû coordonner les différents acteurs pour la conception du modèle initial, continuellement alimenté par l’évolution des études de conception par tous les réseaux techniques, la statique, les ferraillages, etc.

Une fois réunis, ces éléments nous ont permis d’approfondir la phase de conception car nous avions l’occasion de voir en 3D tous les conflits possibles. Cette collision d’éléments techniques, structurels et architecturaux permettent d’identifier les erreurs et de les corriger avant la phase d’exécution.

Dans la réalisation, nous veillons à ce que le processus soit utilisé par tous les acteurs du projet, même les fournisseurs, pour réunir un maximum d’informations en amont et ainsi limiter les facteurs potentiels d’erreur sur chantier et le temps d’exécution par les entreprises. Le modèle de planification est ensuite adapté à la réalité du chantier et aux conseils des artisans qui interviennent au moment de l’exécution des travaux. Ce modèle est donc évolutif et les adaptations réalisées sur chantier sont intégrées au modèle initial pour qu’il corresponde à la réalité.

Le BIM est devenu un instrument de travail et de synergies pour l’élaboration technique d’un bâtiment

 

Quelles sont ses origines?

JC: Grâce à la représentation 3D, le digital a fait son entrée dans le secteur de l’architecture dès les années 90, les USA en étant les pionniers. Si les outils de l’époque ne fournissaient qu’une simple projection d’images, aujourd’hui le BIM est devenu un instrument de travail et de synergies pour l’élaboration d’un projet d’architecture.

Sa création a été inspirée de la production industrielle en série; en effet, dans ce domaine, la construction d’un objet passe par sa planification en détails et tient compte de toutes ses interfaces. Cette manière de contrôler le processus de planification comporte de nombreux avantages pouvant être appliqués au secteur de la construction. Le projet intègre un processus de travail similaire à celui de la production en série tout en tenant compte du caractère unique de chaque projet de construction et ayant pour visée de le perfectionner en tant que prototype. Dès 2012, le Centre Senior «A Bosselesch» à Mondercange représentait au sein de notre bureau le premier test de mise en application du BIM au niveau architectural à partir de la conception du projet.

En effet, chaque partenaire du projet doit participer activement et dès le début de la conception, il est ensuite important que nous travaillions tous de manière synchronisée. Cela nous permet de réfléchir beaucoup plus tôt et plus intelligemment à des solutions adaptées grâce à la mise en commun de l’expertise de chacun des acteurs impliqués, et ce, beaucoup plus tôt dans la conception.

 

Au niveau de son application, où se situe le Luxembourg par rapport au reste du monde?

CT: Dans les pays nordiques et aux Etats-Unis, cette façon de collaborer est déjà courante. Le Luxembourg veut faire partie du mouvement et au sein de jimclemesassociates nous voulons participer à cette évolution afin de maintenir un haut niveau d’exigence et ainsi répondre aux attentes de nos maîtres d’ouvrage en termes de qualité de réalisation, de coûts, de délais, et de gestion de maintenance. Depuis des années, plusieurs de nos collaborateurs se forment à cet outil et font partie de réseaux internationaux qui partagent leurs expériences sur le sujet.

Au niveau de la planification, de plus en plus d’acteurs se familiarisent avec cet outil et seront au point dans un futur proche. En revanche, concernant la réalisation, une telle application demande un artisanat et un secteur de l’industrie formés à ces processus. Or, au Luxembourg, un certain retard est enregistré à cet égard. Ce retard, il nous faut le combler pour garantir une égalité des chances entre les entreprises et ne pas rater la transition vers le BIM.

 

Quels sont ses avantages?

JC: Le BIM permet d’éviter les erreurs en en minimisant les sources, de réduire ainsi les coûts supplémentaires et de garantir une certaine sécurité et qualité – car tout est planifié à l’avance. C’est aussi une façon de raccourcir les temps d’intervention, puisque la mise en place du projet implique une telle organisation du chantier qu’une préfabrication de différents éléments peut être effectuée.

De plus, nous pouvons préciser suffisamment de variantes d’éléments du projet en amont pour donner au client la possibilité de choisir l’option qui correspond le plus à ses objectifs. Il sera ainsi possible de vérifier plus tôt la faisabilité de certaines options et de déterminer leur impact tout en adaptant le design à ces contraintes.

Enfin, le BIM met au point un outil facilitant la gestion du bâtiment; son entretien général peut également être planifié car l’outil renseigne sur les différents éléments qui le constituent, leur durée de vie, leur consommation, les matériaux utilisés, la possibilité de réutilisation, etc. C’est donc une manière de gérer la vie du bâtiment et d’assurer la continuité et la pérennité de ces informations.

 

Parlez-nous de vos conférences au sujet du BIM…

JC: Le but de nos conférences est de sensibiliser nos partenaires aux avantages du processus et de leur montrer que le BIM peut être utilisé à différents niveaux et selon un degré d’importance plus ou moins grand en fonction des projets. Nous leur proposons également un accompagnement basé sur nos expériences qui leur permet de profiter des avantages de l’outil sans nécessairement en supporter la complexité.

CT: L’application du BIM ne convient pas à tous les types de travaux mais elle est utilisée en réponse à certains objectifs fixés à l’avance pour un projet donné. Différents niveaux de complexité du BIM sont envisageables, il peut en effet être utilisé pour la planification, la réalisation ou encore la gestion d’un bâtiment. On peut également y intégrer différents niveaux d’informations pour chaque métier gravitant autour de l’outil, selon les besoins d’un projet. Il faut donc en définir l’usage à l’avance pour ne pas l’alourdir d’informations non pertinentes.

JC: Enfin, le BIM nous ouvre de larges perspectives dans le domaine du facility management, mais aussi, à moyen terme, dans celui du city management. Grâce à l’outil BIM nous créons des bases de données que nous pouvons alimenter, actualiser, et appliquer à différentes finalités. Et, au fur et à mesure de la mise en place du BIM au Luxembourg, ces données pourront être interconnectées dans des concepts de ville intelligente.

 

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